CASE

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Case Name

5A_650/2009, IIe cour civile, arrêt du TF du 11 novembre 2009

INCADAT reference

HC/E/CH 1076

Court

Country

SWITZERLAND

Name

Tribunal fédéral

Level

Superior Appellate Court

Judge(s)
Hohl (pdt), Meyer & Werdt

States involved

Requesting State

ITALY

Requested State

SWITZERLAND

Decision

Date

11 November 2009

Status

Final

Grounds

Habitual Residence - Art. 3 | Rights of Custody - Art. 3 | Procedural Matters

Order

-

HC article(s) Considered

3 14

HC article(s) Relied Upon

3

Other provisions
LF-EEA (BG-KKE); Euroean Convention on Human Rights (ECHR)
Authorities | Cases referred to
ATF 134 III 115; ATF 133 III 585; ATF 133 III 446; ATF 133 III 545; ATF 133 II 249; ATF133 III 393; ATF 133 II 249; ATF 133 IV 286; ATF 124 I 49; ATF 121 I 230; ATF 126 I 15; ATF 133 I 270; 5A_427/2009 du 27 juillet 2009; 5P.367/2005 du 15 novembre 2005; Fampra.ch 2006 p. 474; 5P.128/2003 du 23 avril 2003; Fampra.ch 2003 p. 720 et les références; ATF 110 II 119; Marco Levante; Wohnsitz und gewöhnlicher Aufenthalt im internationalen Privat- und Zivilprozessrecht des Schweiz, 2000, p. 199/200; Pirrung, in Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch mit Einführungsgesetz und Nebengesetzen EGBGB/IPR, Vorbem C-H zu Art. 19 EGBGB [Internationales Kindschaftsrecht 2], n° D35, p. 234/235); ATF 129 III 288; 5C.192/1998 du 18 décembre 1998 in SJ 1999 I p. 222; Pirrung, op. cit., n° D78, p. 279.
Published in

-

INCADAT comment

Aims & Scope of the Convention

Habitual Residence
Relocations

SUMMARY

Summary available in EN | FR

Faits

L'affaire concernait une enfant née en Suisse en 2005 de père italo-algérien et de mère italienne qui s'étaient mariés en Italie en 1999 mais avaient depuis lors vécu à Genève. En mars 2006, les parents se séparèrent. Ils conclurent un accord concernant leur séparation et la prise en charge de leur fille qui fut homologué par un juge italien le 12 septembre.

Selon cet accord, les parents avaient la garde conjointe mais l'enfant devait résider avec la mère, le père disposant d'un large droit de visite.

Au printemps 2009 les parents saisirent séparément un tribunal italien: la mère demandait à être autorisée à s'installer en Italie et le père demandait l'instauration d'une garde alternée. Le 12 mai 2009, le tribunal décida que l'enfant vivrait durablement en Italie avec sa mère.

Le 30 juin 2009, le père demanda le divorce en Suisse et sollicita notamment la garde de l'enfant. Fin juillet, le juge se déclara incompétent pour prononcer les mesures sollicitées au motif que l'enfant avait depuis le 8 juillet son domicile en Italie. A l'occasion de l'exercice par le père de son droit de visite, celui-ci ne restitua pas l'enfant à la mère comme prévu le 7 août.

Le 27 août 2009, le juge suisse ordonna le retour de l'enfant. Cette ordonnance de retour fut confirmée le 16 septembre. Le père forma un recours en matière civile.

Dispositif

Recours rejeté; il y avait bien non-retour illicite puisque l'enfant avait sa résidence habituelle en Italie.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3


Le Tribunal fédéral observa que ni la Convention de La Haye ni la loi fédérale suisse de 2009 sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes ne définissaient cette notion qui, selon la jurisprudence devait être interprétée de façon autonome.

L'interprétation dans le cadre de la Convention de 1980 devait être semblable à celle de la Convention de 1961 et accordait une importance déterminante au centre effectif de vie de l'enfant et de ses attaches. Il pouvait résulter soit de la durée de fait soit de la durée envisagée de la résidence et de l'intégration attendue, sachant qu'un séjour de 6 mois créait en principe une résidence habituelle.

Le Tribunal ajouta qu'une résidence pouvait devenir habituelle  sitôt le changement du lieu de séjour, si elle était destinée à être durable et à remplacer le précédent centre d'intérêt. Il nota que la résidence habituelle se déterminait d'après les faits perceptibles de l'extérieur, non pas selon la volonté et devait être  définie pour chaque personne séparément  mais que celle d'un enfant coïncidait généralement avec le centre de vie de l'un au moins des parents, les liens d'une mère avec un pays englobant en règle générale également l'enfant.

Le Tribunal constata que la mère avait saisi le tribunal italien en février ou mars 2009 afin de se voir autorisée à s'établir en Italie avec l'enfant. Elle travaillait depuis plusieurs années à la fois en Suisse et en Italie et avait trouvé un poste stable dans une université italienne.

Elle avait un logement proche de celui de sa mère et de sa sœur et avait inscrit l'enfant à l'école en avril 2009 pour la rentrée scolaire suivante. Le juge cantonal avait donc à juste titre admis que la mère avait bien préparé son déménagement en Italie, cette décision paraissant cohérente et son départ de Suisse, le 27 juin 2009 était l'aboutissement d'un processus commencé plusieurs mois auparavant.

Cet établissement en Italie était assumé dans une optique de durée. De la sorte, selon le Tribunal, même si l'enfant avait passé plusieurs années à Genève et n'avait fait que quelques séjours en Italie, la durée de la résidence envisagée et l'intégration attendue étaient déterminantes et conduisait à l'acquisition d'une résidence habituelle en Italie.

Droit de garde - art. 3


Selon le père, l'enfant avait été déplacée en violation de l'autorité parentale conjointe car le jugement du 12 mai 2009 autorisant la mère à s'établir en Italie avec l'enfant n'était pas définitif car frappé d'appel. Le Tribunal estima que le père avait méconnu le fait que cette décision avait été déclarée exécutoire nonobstant recours.

En outre, le père méconnaissait l'article 14 de la Convention de la Haye selon lequel pour déterminer l'existence d'un déplacement ou d'un non-retour illicite au sens de l'article 3 de la Convention, l'autorité de l'État requis pouvait tenir compte directement du droit et des décisions judiciaires ou administratives reconnues formellement ou non dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant, sans avoir recours aux procédures spécifiques sur la preuve de ce droit ou pour la reconnaissance des décisions étrangères qui seraient autrement applicables.

Selon la doctrine, cette possibilité excluait, compte tenu du but de l'article 3, tout examen incident des conditions de reconnaissance, parce qu'il s'agissait exclusivement de déterminer l'illicéité d'un déplacement de l'enfant selon le droit de sa résidence habituelle. La CEIE n'étendait pas, de cette manière, l'effet de la décision dans l'État requis dans le sens d'une reconnaissance, mais obligeait seulement, le cas échéant, à prendre en considération un "effet de fait" dans l'État d'origine.

Questions procédurales

Le Tribunal fédéral rappela qu'il examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis et ajouta que les décisions statuant sur le retour d'un enfant en application de la CEIE n'étaient pas des affaires civiles. Il s'agissait d'entraide administrative entre les États contractants, donc d'une question relevant du droit public.

Interjeté dans le délai légal de 10 jours contre une décision rendue en dernière instance cantonale le recours en matière civile était en principe recevable. Partant, le recours constitutionnel subsidiaire ne l'était pas.

Le recours en matière civile pouvait être formé pour violation du droit fédéral - y compris constitutionnel - et international. Le Tribunal fédéral appliquait le droit d'office sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Le Tribunal fédéral ne pouvait en revanche connaître de la violation de droits fondamentaux que si ce grief avait été soulevé et motivé par le recourant.  

Le Tribunal fédéral souligna encore qu'il statuait sur la base des faits établis par l'autorité précédente sauf  si ces faits avaient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit ; dans ce cas, la charge de la preuve appartenait à la partie alléguant l'arbitraire. Le Tribunal fédéral n'examine en effet la violation de l'interdiction de l'arbitraire que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (principe de l'allégation).

Auteur du résumé : Aude Fiorini, Royaume-Uni

Commentaire INCADAT

Déménagement ou Installation à l'étranger

Lorsqu'une intention de s'installer à l'étranger pour y commencer un nouveau chapitre de sa vie est établie, la résidence habituelle préexistante va être perdue et une nouvelle résidence habituelle pourra rapidement être acquise.

Dans les pays de common law, il est admis que cette acquisition peut survenir rapidement, voir :

Canada
DeHaan v. Gracia [2004] AJ No.94 (QL), [2004] ABQD 4 [Référence INCADAT : HC/E/CA 576];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 2];

Re F. (A Minor) (Child Abduction) [1992] 1 FLR 548, [1992] Fam Law 195 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 40]

Dans les pays de droit civil, il a été admis qu'une résidence habituelle peut être acquise immédiatement, voir:
 
Suisse
5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Déménagements soumis à une condition future

Si l'accord des parents concernant le déménagement est soumis à une condition future, la résidence habituelle qui existait avant le déménagement est-elle perdue immédiatement lors du déménagement ?

Australie

Le tribunal familial australien (the Family Court of Australia) siégeant en séance plénière a répondu par la négative à cette question et a également déclaré que la perte de la résidence habituelle pouvait même ne pas découler de la réalisation de la condition en question, si à ce moment-là le parent désirant déménager ne s'engage pas clairement à déménager :

Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81, [Référence INCADAT : HC/E/AU 995].

Cependant, cette décision a été renversée en appel par la Haute Cour d'Australie, qui a considéré qu'une résidence habituelle existante pouvait être perdue si la volonté de déménager présentait un degré suffisant de continuité pour être décrite comme ferme. Il n'était donc pas nécessaire d'avoir une ferme intention d'établir sa résidence sur le « long terme ».

L.K. v. Director-General Department of Community Services [2009] HCA 9, (2009) 253 ALR 202, [Référence INCADAT: HC/E/AU 1012].