CASE

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Case Name

5A_385/2010 & 5A_293/2010, II. zivilrechtliche Abteilung, arrêt du TF du 22 juin 2010

INCADAT reference

HC/E/CH 1080

Court

Country

SWITZERLAND

Name

Bundesgericht

Level

Superior Appellate Court

Judge(s)
Hohl (pdt); Marazzi & von Werdt

States involved

Requesting State

ARGENTINA

Requested State

SWITZERLAND

Decision

Date

22 June 2010

Status

Final

Grounds

Procedural Matters

Order

-

HC article(s) Considered

3 26

HC article(s) Relied Upon

3 26

Other provisions
BG-KKE (French title: LF-EEA); BGG (Federal Court Code); 1996 Hague Child Protection Convention; IPRG (Code on Private International Law)
Authorities | Cases referred to
BGE 120 II 222; BGE 133 III 584; 5A_721/2009; 5A_154/2010; BGE 127 III 429; RASELLI/HAUSAMMANN/MÖCKLI/URWYLER, Ausländische Kinder und andere Angehörige, in: Handbuch zum Ausländerrecht, 2. Aufl., Rz. 16.188.
Published in

-

INCADAT comment

Implementation & Application Issues

Procedural Matters
Enforcement of Return Orders

SUMMARY

Summary available in FR

Faits

L'enfant en cause était né de parents non mariés en Argentine en 2002. Lorsqu'il fut emmené en Suisse par la mère, le père obtint du tribunal cantonal de Brugg en 2005 qu'il ordonne le retour de l'enfant en Argentine sous 30 jours. La mère ne ramena jamais l'enfant en Argentine. Ils s'installèrent un jour en Allemagne. Le père apprit par hasard que l'enfant irait passer 10 jours chez ses grands-parents en Suisse du 1 au 10 avril 2010.

Le père saisit les autorités suisses d'une demande de mesures provisoires et d'une demande de mise à exécution de l'ordonnance suisse de retour de 2005. Ses deux demandes furent rejetées les 9 avril et 5 mai 2010. Le père forma deux recours civils devant le Tribunal fédéral contre l'une et l'autre décision. Ces deux procédures furent jointes.

Dispositif

Recours contre le rejet des  demandes d'exécution  et de mesures provisoires rejetés; l'exécution était bien susceptible de représenter un danger pour le bien être de l'enfant.

Motifs

Questions procédurales

Selon la loi fédérale sur les enlèvements internationaux d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes, les cantons sont l'autorité  d'exécution des ordonnances de retour. Leurs décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral, à la condition que le requérant dispose d'un intérêt actuel et pratique à la censure de la décision déférée.

En l'espèce, cet intérêt était douteux dans la mesure où l'enfant avait depuis longtemps quitté la Suisse. Toutefois, le Tribunal admit que le père avait démontré l'existence d'un tel intérêt étant donné que l'enfant continuerait à rendre visite à ses grands-parents en Suisse et que le père ne serait pas en mesure de saisir à temps le tribunal fédéral.

Le tribunal se demanda si un séjour de 10 jours en Suisse suffisait à fonder la compétence des autorités suisses. L'ordonnance suisse de retour pouvait être reconnue et exécutée en Allemagne ou une autre procédure de retour aurait pu y être entamée, de sorte qu'on pouvait se demander si la Suisse était vraiment un forum necessitatis. Le Tribunal renonça toutefois à se prononcer sur la question au motif qu'en tout état de cause, la demande d'exécution ne pouvait qu'être rejetée au fond.

Le Tribunal fit observer qu'il n'était pas certain que l'enfant ait fait l'objet en 2005 d'un déplacement illicite ayant violé un droit de garde du père mais souligna que malgré tout le tribunal cantonal de Brugg avait ordonné le retour de l'enfant en Argentine afin qu'un juge argentin se prononce sur la question de la garde.

Aucun recours n'avait été formé contre cette décision. Le Tribunal souligna qu'indépendamment de l'autorité formelle de chose jugée, il convenait de se rappeler que les conditions menant à une ordonnance de retour pouvaient changer complètement.

En tout état de cause, lorsqu'une période longue s'était écoulée depuis l'ordonnance de retour, il appartenait au demandeur de tracer les grandes lignes de la situation actuelle afin de montrer la congruence entre le titre exécutoire et le contenue de la décision puisque l'exécution pouvait être refusée en cas d'incompatibilité avec l'intérêt de l'enfant.

En l'espèce, le père n'avait donné aucune information aux autorités cantonales sur ce qui s'était passé dans les 5 ans suivant l'ordonnance de retour (contacts avec l'enfant, tentatives d'exécution etc). Toutefois, les autorités cantonales avaient pu déduire des pièces que l'enfant, aujourd'hui âgé de 8 ans, avait eu très peu de contacts avec le père ces 5 dernières années et ne l'avait jamais vu.

Il n'était d'ailleurs pas clair qu'il n'ait jamais vécu avec lui. Dans ces conditions une remise de l'enfant à un père largement inconnu pouvait représenter un danger pour son intérêt supérieur. Les autorités cantonales avaient fait une bonne application de la loi.

Auteur du résumé : Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

Exécution de l'ordonnance de retour

Lorsqu'un parent ravisseur ne remet pas volontairement un enfant dont le retour a été judiciairement ordonné, l'exécution implique des mesures coercitives. L'introduction de telles mesures peut donner lieu à des difficultés juridiques et pratiques pour le demandeur. En effet, même lorsque le retour a finalement lieu, des retards considérables peuvent être intervenus avant que les juridictions de l'État de résidence habituelle ne statuent sur l'avenir de l'enfant. Dans certains cas exceptionnels les retards sont tels qu'il n'est plus approprié qu'un retour soit ordonné.


Travail de la Conférence de La Haye

Les Commissions spéciales sur le fonctionnement de la Convention de La Haye ont concentré des efforts considérables sur la question de l'exécution des décisions de retour.

Dans les conclusions de la Quatrième Commission spéciale de mars 2001, il fut noté :

« Méthodes et rapidité d'exécution des procédures

3.9       Les retards dans l'exécution des décisions de retour, ou l'inexécution de celles-ci, dans certains [É]tats contractants soulèvent de sérieuses inquiétudes. La Commission spéciale invite les [É]tats contractants à exécuter les décisions de retour sans délai et effectivement.

3.10       Lorsqu'ils rendent une décision de retour, les tribunaux devraient avoir les moyens d'inclure dans leur décision des dispositions garantissant que la décision aboutisse à un retour effectif et immédiat de l'enfant.

3.11       Les Autorités centrales ou autres autorités compétentes devraient fournir des efforts pour assurer le suivi des décisions de retour et pour déterminer dans chaque cas si l'exécution a eu lieu ou non, ou si elle a été retardée. »

Voir < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations ».

Afin de préparer la Cinquième Commission spéciale en novembre 2006, le Bureau permanent a élaboré un rapport sur « L'exécution des décisions fondées sur la Convention de La Haye de 1980 - Vers des principes de bonne pratique », Doc. prél. No 7 d'octobre 2006.

(Disponible sur le site de la Conférence à l'adresse suivante : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Documents préliminaires »).

Cette Commission spéciale souligna l'importance des principes de bonne pratique développés dans le rapport qui serviront à l'élaboration d'un futur Guide de bonnes pratiques sur les questions liées à l'exécution, voir : < www.hcch.net >, sous les rubriques « Espace Enlèvement d'enfants » et « Réunions des Commissions spéciales sur le fonctionnement pratique de la Convention » puis « Conclusions et Recommandations » et enfin « Commission Spéciale d'Octobre-Novembre 2006 »


Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)

Ces dernières années, la CourEDH a accordé une attention particulière à la question de l'exécution des décisions de retour fondées sur la Convention de La Haye. À plusieurs reprises elle estima que des États membres avaient failli à leur obligation positive de  prendre toutes les mesures auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre en vue de l'exécution, les condamnant sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) sur le respect de la vie familiale. Voir :

Ignaccolo-Zenide v. Romania, 25 January 2000 [Référence INCADAT : HC/E/ 336] ;

Sylvester v. Austria, 24 April 2003 [Référence INCADAT : HC/E/ 502] ;

H.N. v. Poland, 13 September 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 811] ;                       

Karadžic v. Croatia, 15 December 2005 [Référence INCADAT : HC/E/ 819] ;

P.P. v. Poland, Application no. 8677/03, 8 January 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 941].

La Cour tient compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire et des mesures prises par les autorités nationales.  Un retard de 8 mois entre l'ordonnance de retour et son exécution a pu être considéré comme ne violant pas le droit du parent demandeur au respect de sa vie familiale dans :

Couderc v. Czech Republic, 31 January 2001, Application n°54429/00, [Référence INCADAT : HC/E/ 859].

La Cour a par ailleurs rejeté les requêtes de parents qui avaient soutenu que les mesures d'exécution prises, y compris les mesures coercitives, violaient le droit au respect de leur vie familiale :

Paradis v. Germany, 15 May 2003, Application n°4783/03, [Référence INCADAT : HC/E/ 860] ;

A.B. v. Poland, Application No. 33878/96, 20 November 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 943] ;

Maumousseau and Washington v. France, Application No 39388/05, 6 December 2007, [Référence INCADAT : HC/E/ 942] ;

L'obligation positive de prendre des mesures face à l'exécution d'une décision concernant le droit de garde d'un enfant a également été reconnue dans une affaire ne relevant pas de la Convention de La Haye :

Bajrami v. Albania, 12 December 2006 [Référence INCADAT: HC/E/ 898].

Ancel v. Turkey, No. 28514/04, 17 February 2009, [Référence INCADAT : HC/E/ 1015].


Commission interaméricaine des Droits de l'Homme

La Commission interaméricaine des Droits de l'Homme a décidé que l'exécution immédiate d'une ordonnance de retour qui avait fait l'objet d'un recours ne violait pas les articles 8, 17, 19 ni 25 de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme (Pacte de San José), voir :

Case 11.676, X et Z v. Argentina, 3 October 2000, Inter-American Commission on Human Rights Report n°71/00 [Référence INCADAT : HC/E/ 772].


Jurisprudence en matière d'exécution

Dans les exemples suivants l'exécution de l'ordonnance de retour s'est heurtée à des difficultés, voir :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, C.G. c. B.S., N° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750] ;

Canada
H.D. et N.C. c. H.F.C., Cour d'appel (Montréal), 15 mai 2000, N° 500-09-009601-006 (500-04-021679-007), [Référence INCADAT : HC/E/CA 915] ;

Suisse
427/01/1998, 49/III/97/bufr/mour, Cour d’appel du canton de Berne (Suisse); [Référence INCADAT : HC/E/CH 433] ;

5P.160/2001/min, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 423] ;

5P.454/2000/ZBE/bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 786] ;

5P.115/2006 /bnm, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile); [Référence INCADAT : HC/E/CH 840] ;

L'exécution peut également être rendue impossible en raison de la réaction des enfants en cause. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re B. (Children) (Abduction: New Evidence) [2001] 2 FCR 531; [Référence INCADAT : HC/E/UKe 420]

Lorsqu'un enfant a été caché pendant plusieurs années à l'issue d'une ordonnance de retour, il peut ne plus être dans son intérêt d'être l'objet d'une ordonnance de retour. Voir :

Royaume-Uni - Écosse
Cameron v. Cameron (No. 3) 1997 SCLR 192, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 112] ;

Espagne
Auto Juzgado de Familia Nº 6 de Zaragoza (España), Expediente Nº 1233/95-B [Référence INCADAT : HC/E/ES 899].