AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Iosub Caras v. Romania, Application No. 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35

Référence INCADAT

HC/E/RO 867

Juridiction

Nom

Cour européenne des Droits de l'Homme

Degré

Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH)

États concernés

État requérant

Israël

État requis

Roumanie

Décision

Date

27 July 2006

Statut

Définitif

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12 | Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
Arts 6(1) and 8 CEDH
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Relation avec d’autres instruments internationaux et régionaux et avec le droit interne

Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (CourEDH)

RÉSUMÉ

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Faits

La demande concernait une petite fille née en Israël en 2001 de parents israélo-roumains. En septembre 2001 la famille alla rendre visite à sa famille en Roumanie et la mère y garda l'enfant à l'issue du séjour. Le 22 novembre le père demanda le retour de l'enfant auprès de l'autorité centrale israélienne.

Le 11 janvier 2002 une procédure de retour fut entamée devant le tribunal cantonal du sixième ressort de Bucarest. Le 15 avril la cour rejeta la demande sur le fondement de l'article 13 alinéa 1 b.

Le 17 décembre 2002 le recours formé par l'Autorité centrale roumaine fut accueilli et le retour de l'enfant ordonné au motif que le non-retour était illicite et que la mère n'était pas parvenue à prouver l'existence d'un risque grave de danger que le retour de l'enfant auprès du père impliquerait.

Le 21 février 2003 la mère forma un recours, lequel fut accueilli par la cour d'appel de Bucarest le 5 juin 2003. La cour refusa d'ordonner le retour au motif que, par décision définitive du 18 septembre 2002, un autre tribunal roumain avait prononcé le divorce des parents et confié à la mère la garde exclusive de l'enfant.

La cour observa également qu'étant donné le jeune âge de l'enfant (2 ans et 4 mois), son retour serait contraire à son intérêt supérieur dans la mesure où elle avait vécu seule avec sa mère en Roumanie depuis l'âge de 7 mois. Enfin des témoignages indiquaient que le père avait initialement consenti à rester en Roumanie et d'y établir un domicile avec sa famille. Dès lors, la cour estima que l'enfant avait légalement résidé en Roumanie depuis le 12 septembre 2001.

Le 28 novembre 2003 le père et sa fille introduisirent une demande devant la Cour européenne des Droits de l'Homme sur le fondement de l'article 34 de la CEDH.

Dispositif

La Cour décida à l'unanimité que la Roumanie avait méconnu l'article 8 CEDH en ne prenant pas de mesure pour empêcher le prononcé d'une décision au fond dans l'Etat de refuge de l'enfant et en ne traitant pas de la demande de retour avec suffisamment de diligence Elle condamna l'Etat au paiment de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 41.

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12

Le père et sa fille alléguaient que les juridictions roumaines avaient ignoré les articles 16 et 17 de la Convention de La Haye, lesquels prévoyaient qu'aucune décision au fond ne pouvait être rendue quant à la garde alors qu'une procédure de retour était pendante et que le juge ne devait pas être lié par une décision relative à la garde lorsqu'il statuait sur une demande de retour. Ils critiquaient par ailleurs la lenteur de la procédure de retour. La Cour reconnut qu'en omettant d'informer les juridictions saisies du divorce de ce qu'une procédure de retour était pendante les autorités roumaines et en particulier le Ministère de la Justice, avaient privé d'effet utile la Convention de La Haye qui a pour objectif d'empêcher qu'une décision sur le fond soit rendue dans l'Etat d'accueil. La Cour estima que les autres arguments développés pour rejeter la demande de retour, notamment l'intérêt supérieur de l'enfant, et la preuve que le demandeur avait consenti à rester initialement en Roumanie constituaient une interprétation des faits et peuves qui n'apparaissait pas arbitraire. La Cour rappela qu'il ne lui appartient pas de substituer sa propre évaluation des faits à celle des juridictions nationales et que c'est en principe à ces dernières qu'il revient d'évaluer les éléments de preuve rapportés.

Questions procédurales

La Cour rappela qu'en matière de réunion d'enfants avec leurs parents, le caractère adéquat d'une mesure s'évalue à l'aune de la vitesse avec laquelle elle est mise en oeuvre; ces affaires requièrent un traitement urgent dans la mesure où le passage du temps peut avoir des conséquences irrémédiables sur les relations entre les enfants et le parent qui ne vit pas avec eux. La Cour decida qu'en l'espèce l'affaire n'avait pas été traitée en urgence, il s'était écoulé 18 mois entre le moment où le père avait introduit sa demande et la décision finale. Le gouvernement n'avait fourni aucune explication satisfaisante de ce retard. La Cour décida que nonobstant l'existence d'une marge d'appréciation, l'Etat défendeur avait méconnu ses obligations positives résultant de l'article 8 de la Convention à la fois du fait de la lenteur de la procédure et de la violation de l'article 16 de la Convention de La Haye. Dès lors la violation de l'article 8 CEDH était caractérisée. DOMMAGES-INTERETS La Cour accorda au père la somme de €20 000 de dommages et €1500 au titre des frais et dépens.

Commentaire INCADAT

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)

Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :

« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »

Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.

Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.

L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :

Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
 
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999

Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?

La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.

R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
 
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.

Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478

Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.

Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?

L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.

Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :

France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].

Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :

Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].

L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :

Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].

Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (CourEDH)