AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Cour d'appel de Luxembourg, 28 mars 2012, No de rôle 38330

Référence INCADAT

HC/E/LU 696

Juridiction

Pays

Luxembourg

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Portugal

État requis

Luxembourg

Décision

Date

28 March 2012

Statut

Définitif

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b) | Questions liées au retour de l'enfant | Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

3 13(1)(b)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
Noveau Code de procédure civile du Luxembourg, Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003)
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Mécanisme de retour

Retour
Lieu de retour

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'affaire concernait une enfant née le 21 décembre 2003 de parents mariés, vivant conjointement au domicile conjugal au Portugal. Le 3 octobre 2011, la mère partit au Luxembourg avec l'enfant afin de s'installer chez ses parents, sans prévenir le père. Le 5 novembre 2011, une procédure de divorce fut déposée par la mère au tribunal de Lisbonne.

Le père introduisit une demande de retour sur la base de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants. Le 14 février 2012, le juge de première instance ordonna le retour de l'enfant auprès de son père demeurant au Portugal. Le 8 mars 2012, la mère déposa plainte contre le père pour violences domestiques. La mère forma appel contre l'ordonnance de retour de première instance.

Dispositif

La Cour d'appel déclara l'appel fondé en partie et ordonna, par voie de réformation, le simple retour de l'enfant au Portugal, sans autre indication tenant à l'attribution de sa garde future.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère alléguait que le retour de l'enfant au Portugal placerait celle-ci dans une situation intolérable du fait du comportement agressif et violent du père à l'encontre de la mère, y compris en présence de l'enfant. Les pièces fournies par la mère en première instance n'avaient pas permis au juge d'établir les faits allégués.

Elle produisit en appel des témoignages de membres de sa famille, et des pièces supplémentaires émanant des autorités portugaises. Il s'agissait notamment d'un certificat du ministère public de Lourinha (Portugal) du 8 mars 2012 relatant la plainte portée par la mère contre le père pour violences domestiques, et d'un procès-verbal en date du 15 mars 2012, établi par la Garde Nationale républicaine du Portugal, ayant trait à une dispute survenue après l'exécution forcée de l'ordonnance de retour, lorsque le père se présenta au domicile des grands-parents maternels au Portugal où la mère, l'enfant et les grands-parents maternels étaient retournés, et alors que l'enfant avait refusé de partir avec le père.

Le père, la mère, les grands-parents maternels et l'enfant étaient tombés après que la mère et ses parents avaient tenté « d'arracher la fille des bras de son père ». Il apparaissait aux termes du procès-verbal que la mère, l'enfant et les grands-parents avaient tous reçu des traitements à l'hôpital du fait de légères blessures.

Le juge en instance d'appel nota que le procès-verbal ne faisait pas état de constatations personnelles de la part des agents verbalisant, arrivés après les évènements en cause. Il releva également que les témoignages manuscrits des membres de la famille maternelle ne comportaient pas de mention selon laquelle les attestants déclaraient avoir connaissance de ce qu'ils établissaient leurs témoignages en vue d'une production en justice et qu'une fausse attestation les exposerait à des sanctions pénales.

Le juge trouva qu'en l'absence d'éléments objectifs prouvant l'existence d'un risque grave au sens de l'article 13(1)(b) celui-ci n'était pas établi, les conditions d'application de l'exception n'étaient donc pas remplies en l'espèce.

Questions liées au retour de l'enfant
La mère reprochait au juge de première instance d'avoir ordonné le retour de l'enfant « auprès de son père » au lieu d'ordonner le retour au Portugal plus généralement, l'État où l'enfant avait sa résidence habituelle. Elle soumettait qu'ainsi le juge s'était prononcé sur les capacités éducatives, qui échappaient à sa compétence.

Le juge d'appel nota que le premier juge n'avait pas apprécié les aptitudes éducatives du père mais avait, à bon droit, ordonné le retour de l'enfant à l'adresse du père après avoir constaté, à l'époque, qu'il s'agissait de la seule personne investie de la garde conjointe à demeurer au Portugal.

Le juge d'appel releva que la mère était, au moment de l'instance d'appel, de retour au Portugal avec l'enfant. La garde étant toujours exercée conjointement par les deux parents, il ordonna par voie de réformation « le simple retour de l'enfant au Portugal, sans autre indication, les mesures tenant à l'attribution ou aux modalités de la garde future de l'enfant étant de la compétence des autorités portugaises, par ailleurs saisies d'une demande en divorce ».

Questions liées au retour de l'enfant

-

Questions procédurales


La mère avait demandé en première instance à ce que l'enfant soit entendue par le juge, qui avait rejeté cette demande.

Le juge en instance d'appel rejeta également la demande d'audition de l'enfant du fait de son jeune âge, en raison duquel il « y a[vait] lieu de toiser le litige sans imposer à l'enfant de se prononcer devant un juge, ne serait-ce qu'indirectement, quant à une éventuelle préférence entre ses père et mère, ou de revivre, du fait de cette audition, des scènes de discorde et de disputes entre ses parents ».

Commentaire INCADAT

Lieu de retour

L'article 12 de la Convention ne précise pas le lieu vers lequel l'enfant doit être renvoyé. Les auteurs de la Convention souhaitaient que cette disposition conserve suffisamment de souplesse afin de permettre un retour dans un État autre que l'État de résidence habituelle. Toutefois le préambule spécifie que l'intention était en général de renvoyer les enfants dans leur État de résidence habituelle. Il est entendu que le retour dans l'État de résidence habituelle n'implique pas à lui seul que l'enfant soit placé sous les soins du parent demandeur ou d'un organisme public. Très souvent l'enfant reste sous la garde du parent ravisseur en attendant que la question concernant la garde soit tranchée au fond. Par ailleurs, un retour dans l'État de résidence habituelle ne signifie pas nécessairement un retour à l'endroit précis où l'enfant vivait avant le déplacement.

Les tribunaux ont parfois bien usé de la souplesse de l'article 12 dans le cadre d'ordonnances de retour. Voir :

Australie
Murray v. Director, Family Services (1993) FLC 92-416, [Référence INCADAT : HC/E/AU 113]

La cour suggéra que la mère et les enfants retournent en Nouvelle-Zélande mais dans une région différente de leur région d'origine afin d'éviter tout danger lié à la violence du père. 

Israël
G. v. B., 25 April 2007, Court for Family Matters, Beersheva, [Référence INCADAT : HC/E/IL 910]

Enfant renvoyé en Belgique alors qu'il ne s'agissait pas de l'État de sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement.

Une cour a considéré que le père demandeur n'avait pas l'intention de rester dans l'État de résidence habituelle avec l'enfant, mais préparait en fait leur déménagement dans un État non partie à la Convention. Par conséquent la cour a décidé de ne pas ordonner le retour.

Canada
Espiritu v. Bielza, [2007] O.J. No. 1587; 2007 ONCJ 175; 39 R.F.L. (6th) 218; 2007 CarswellOnt 2546, [Référence INCADAT : HC/E/CA 728].

Pour un exposé de la formulation de l'article 12 par les auteurs de la Convention, voir :

P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999.