HC/E/CA 748
Canada
Deuxième Instance
Canada - Ontario
Canada - Québec
11 November 1999
Susceptible de recours
Questions ne relevant pas de la Convention
-
-
-
Compétence de la Cour supérieure du Québec :
Le juge Chamberland souligna à plusieurs reprises « combien il était malheureux que, malgré son titre, la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants ne s'applique pas encore aux déplacements illicites d'enfants entre le Québec et les autres provinces canadiennes », et indiqua qu'il convenait en conséquence de s'en remettre aux seules dispositions du Code civil.
Il déduisit des termes des articles 3142, 3093 et 80 du Code civil (et de leur interprétation par le Ministre de la Justice), que « conformément à la position prise par le Québec en matière d'enlèvement international d'enfants, le législateur québécois a introduit la notion de "résidence habituelle" dans la question de la fixation du domicile de l'enfant mineur. Lorsque les parents, qui sont de plein droit ses tuteurs, vivent ensemble, l'enfant a son domicile à cet endroit ; c'est le premier alinéa de l'article 80 C.c.Q.
Par contre, lorsque les parents n'ont pas de domicile commun, l'enfant est présumé domicilié chez celui de ses parents avec lequel il "réside habituellement" ; c'est le second alinéa de l'article 80 C.c.Q., lequel prévoit également une exception lorsque le tribunal a fixé le domicile de l'enfant ailleurs qu'au lieu de sa "résidence habituelle". »
Il observa que la compétence de la Cour supérieure à statuer sur la garde d'un enfant dont les parents ne vivent plus ensemble dépend donc de la « résidence habituelle » de l'enfant. « Le législateur harmonise ainsi le droit civil québécois avec les principes de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement d'enfants, principes auxquels le Québec affirmait souscrire dans le préambule de la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants ».
Il ajouta que le recours à la notion de résidence habituelle évitait toute discussion quant à l'intention de l'un ou l'autre parent et introduisait dans la détermination du domicile d'enfants de parents séparés des « éléments objectifs et concrets plus facilement mesurables par le tribunal que lorsqu'il s'agit de sonder les intentions des parties ».
Observant que l'enfant avait vécu en Ontario depuis sa naissance jusqu'à son déplacement, y avait un suivi médical et une chambre bien à lui, il conclut que le premier juge aurait dû décider que l'enfant avait sa résidence habituelle en Ontario.
En outre, il ajouta qu'on ne saurait considérer qu'au moment où la Cour statue, la résidence de l'enfant coïncide avec celle de sa mère au Québec dès lors que la situation a été créée par le déplacement illicite de l'enfant, qui s'était fait hors connaissance du père et auquel le père n'avait pas acquiescé. Il estima « tout à fait inapproprié de tenir compte des faits postérieurs à ce déplacement pour déterminer le lieu de la "résidence habituelle" de l'enfant. Le déplacement illicite d'un enfant ne peut pas fonder un changement légal de son domicile.
La proposition contraire ne ferait qu'encourager les parents insatisfaits d'une juridiction à prendre la Justice entre leurs mains et à changer de juridiction dans l'espoir, conscient ou non, d'y avoir une oreille plus attentive de la part des tribunaux.
La Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants vise à décourager ce type de comportement ; l'article 3142 C.c.Q. et, par ricochet, le deuxième alinéa de l'article 80 C.c.Q. vont dans le même sens et permettent également aux autorités judiciaires québécoises de décourager ces comportements, même dans les cas où la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants ne s'applique pas ».
Enfin il souligna qu'il ne pouvait être soutenu que l'action se révélait impossible en Ontario (au sens de l'article 3136 du Code civil) car si elle présentait des difficultés pour la mère, celles-ci seraient mineures et découleraient de son propre geste.
Retour de L'Enfant :
Le juge Chamberland souligna que le volet de l'ordonnance ordonnant le retour de l'enfant en Ontario étant caduc, il était difficile de trouver le fondement juridique d'une ordonnance visant le retour de l'enfant au lieu de sa résidence habituelle car le Code civil ne contenait pas de disposition assurant le retour de l'enfant au lieu de sa résidence habituelle lorsque les autorités québécoises devaient décliner compétence pour statuer sur la garde. Selon lui cette difficulté illustrait "éloquemment" les problèmes liés à l'inapplicabilité de la Loi aux enlèvements interprovinciaux.
Toutefois, il était inutile de trancher cette question car il n'y avait pas lieu de retourner l'enfant: la garde pourrait être tranchée en Ontario en l'absence de l'enfant âgé d'un an à peine donc trop jeune pour être entendu et en outre, l'enfant était trop fragile puisqu'il avait encore frôlé la mort au début de l'été.
Auteur du résumé : Aude Fiorini
Lorsqu'un parent demande le retour d'un enfant dans une situation ne relevant pas de la Convention de La Haye ni d'un autre instrument international ou régional, le tribunal saisi doit mettre en balance l'intérêt de l'enfant et le principe international selon lequel les États doivent prendre des mesures en vue de lutter contre les déplacements et non-retours illicites d'enfants à l'étranger (art. 11(1) de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant de 1990).
Canada
Shortridge-Tsuchiya v. Tsuchiya, 2009 BCSC 541, [2009] B.C.W.L.D. 4138, [Référence INCADAT : HC/E/CA 1109].
Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles
Les juges d'appel ont développé des approches discordantes sur cette question.
Dans les affaires suivantes, la cour d'appel a privilégié une vision internationaliste analogue à celle de la Convention de La Haye :
Re E. (Abduction: Non-Convention Country) [1999] 2 FLR 642 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 589] ;
Re J. (Child Returned Abroad: Human Rights) - [2004] 2 FLR 85 [2004] EWCA Civ. 417 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 586].
Toutefois dans l'affaire plus ancienne de Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588] le retour n'avait pas été prononcé au motif qu'il était douteux que l'État de la résidence habituelle puisse agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce la mère, auteur de l'enlèvement et ressortissante britannique, n'aurait pas été autorisée à quitter l'État de la résidence habituelle sans le consentement du père.
Dans Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 801], la Chambre des Lords approuva expressément l'approche privilégiée dans Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588].
La Chambre des Lords indiqua que le principe sous-tendant la Convention de La Haye impliquait nécessairement que dans certains cas l'État de refuge devait prendre des mesures qui n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Les États contractants avaient accepté cet état de fait parce que la Convention permettait d'atteindre l'intérêt supérieur des enfants en général. Néanmoins, la Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux États non contractants. Dans les affaires ne relevant pas de conventions internationales le juge devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Quoiqu'il n'y ait pas de présomption forte en faveur du retour il convient d'étudier au cas par cas si le retour immédiat de l'enfant n'est pas dans son intérêt supérieur.
Il convient de souligner que dans l'affaire Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] un juge revint sur sa décision d'ordonner le retour notamment en raison de l'affaire Re M. La Cour d'appel ne discuta toutefois pas la décision de la Chambre des Lords, insistant sur des éléments nouveaux qui montraient qu'il était inévitable que la mère soit renvoyée dans son pays vu son statut d'immigration.
Dans E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994], un enfant avait été enlevé de son pays de résidence habituelle, qui n'était pas partie à aucune convention relative à l'enlèvement. Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois, il importe de noter qu'en l'espèce la vie familiale de l'enfant se résumait à sa vie avec sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges estimèrent que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il imposait le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7ème anniversaire, ne violait pas en principe la CEDH.