AFFAIRE

Télécharger le texte complet FR

Nom de l'affaire

Cass Civ 1ère 9 juillet 2008 (N° de pourvoi 06-22090 & 06-22091)

Référence INCADAT

HC/E/FR 978

Juridiction

Pays

France

Nom

Cour de cassation, première chambre civile

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Canada

État requis

France

Décision

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'enfant, une fille, était née en 2001 en France de mère canadienne et de père français. La famille vivait en France quoique séparément, et les parents avaient dès la naissance de l'enfant saisi conjointement un tribunal en vue d'organiser le droit de visite et d'hébergement du père.

Plusieurs décisions furent successivement rendues, qui accordèrent au père un droit de visite de plus en plus large. L'autorité parentale - la garde - était conjointe et l'enfant n'avait pas le droit de quitter la France sans le consentement des deux parents. Alors qu'une procédure d'appel contre une décision du 19 octobre 2004 ayant à nouveau défini les termes du droit de visite du père était pendante, la mère emmena l'enfant au Canada.

Le père saisit les juges français d'une procédure en vue d'obtenir la garde. En première instance, le tribunal confirma les termes de la décision du 19 octobre 2004. La Cour d'appel, saisie d'un recours contre cette dernière décision, décida le 12 janvier 2006, de surseoir à statuer. La Cour de cassation fut saisie d'un pourvoi.

Dispositif

Recours accueilli; décision de la Cour d'appel de surseoir à statuer annulée. L'affaire doit être rejugée par la même Cour d'appel, autrement composée.

Motifs

Questions de compétence - art. 16


La Cour de cassation rappela au visa des articles 3 et 16 que « dès lors qu'elles ont été informées du déplacement illicite d'un enfant, les autorités judiciaires ou administratives de l'État contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite ».

Elle en déduisit qu'en décidant qu'il ne pouvait être statué sur la garde de l'enfant tant que celle-ci n'était pas de retour du Canada, la Cour d'appel avait violé les articles 3 et 16 de la Convention de la Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants.

Auteur du résumé : Aude Fiorini

Commentaire INCADAT

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)

Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :

« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »

Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.

Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.

L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :

Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
 
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999

Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?

La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.

R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
 
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.

Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478

Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.

Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?

L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.

Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :

France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].

Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :

Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].

L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :

Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].