CASE

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Case Name

5P.254/2005 /frs, Tribunal fédéral, IIè cour civile

INCADAT reference

HC/E/CH 842

Court

Country

SWITZERLAND

Name

Tribunal fédéral (deuxième chambre civile)

Level

Superior Appellate Court

Judge(s)
Raselli (Pdt); Escher, Hohl

States involved

Requesting State

UNITED KINGDOM

Requested State

SWITZERLAND

Decision

Date

18 August 2005

Status

Final

Grounds

Settlement of the Child - Art. 12(2) | Procedural Matters

Order

Appeal dismissed, return refused

HC article(s) Considered

12(2)

HC article(s) Relied Upon

12(2)

Other provisions

-

Authorities | Cases referred to
ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60; ATF 130 II 65 consid. 1 p. 67; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 2.3 ad art. 43, p. 146; Georg Messmer/Hermann Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, ch. 24, p. 30); ATF 120 III 64 consid. 2 p. 65 s.; ATF 123 II 419 consid. 1a p. 421 ; ATF 130 III 489 consid. 1.4 p. 492; ATF 126 III 438 consid. 3 p. 439; ATF 129 I 110 consid. 1.3 p. 111 s.; ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495; ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; ATF 128 I 354 consid. 6c p. 357 s.; arrêt 5P.102/2000 du 18 avril 2000, publié in RFJ 2000 p. 288, consid. 2b; ATF 131 III 334 consid. 3.2 p. 338.
Published in

-

INCADAT comment

Exceptions to Return

Settlement of the child
Settlement of the Child
Commencement of Convention Proceedings
Discretion to make a Return Order where Settlement is established

SUMMARY

Summary available in FR

Faits

Les parents étaient mariés et vivaient à Londres. En octobre 2000, la mère emmena les enfants, alors âgés de 6 mois et de 4 ans, en Suisse, où elle demanda le divorce. A partir de cette date, les enfants furent provisoirement confiés à la mère à plusieurs reprises.

Le 2 février 2004, le père demanda le retour des enfants au Royaume-Uni. Le 7 juin 2004, le Président du tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne rejeta sa demande. Le 20 mai 2005, la chambre des recours du tribunal cantonal vaudois confirma la première décision. La père forma un recours de droit public devant le tribunal fédéral.

Dispositif

Recours rejeté; retour refusé. Plus d'un an s'était écoulé depuis l'enlèvement et les enfants étaient intégrés à leur nouveau milieu.

Motifs

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

-

Questions procédurales

Le tribunal fédéral indiqua que les décisions rendues en application de la Convention de La Haye ne statuent pas sur unecontestation civile ni sur une affaire civile au sens du droit procédural suisse ; elles ne peuvent dès lors être déférées au Tribunal fédéral ni par un recours en réforme ni par un recours en nullité , mais le recours de droit public est admis.

Il ajouta que saisi d'un recours de droit public pour violation de traités internationaux, le tribunal fédéral examine librement le bien-fondé des moyens pris d'une violation du droit conventionnel mais si le recours est dirigé contre une décision judiciaire, il n'examine les griefs de fait que sous l'angle de l'arbitraire.

A cet égard, il appartient au recourant de démontrer avec précision, pour chaque constatation de fait incriminée, comment les preuves administrées auraient dû être appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale viole l'art. 9 Cst. L'allégation de faits nouveaux n'est pas admissible.

Commentaire INCADAT

Intégration de l'enfant

La notion d'intégration ne fait pas encore l'objet d'une interprétation uniforme. La question se pose notamment de savoir si l'intégration doit s'entendre littéralement ou être interprétée à la lumière des objectifs de la Convention. Dans les États faisant prévaloir la deuxième alternative, la charge de la preuve est plus lourde pour le parent ravisseur et l'exception d'application plus rare.

Parmi les États les plus exigeants en ce qui concerne la preuve de l'intégration de l'enfant, on peut citer :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re N. (Minors) (Abduction) [1991] 1 FLR 413, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 106] ;
Dans cette espèce, il fut décidé que la notion d'intégration dépassait celle d'adaptation au nouveau milieu. L'intégration implique un élément de relation physique avec une communauté et un environnement. Elle contient un élément émotionnel traduisant la sécurité et la stabilité.

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Pour un commentaire critique de Re N., voir :

L.Collins et al., Dicey, Morris & Collins on the Conflict of Laws: fourteenth edition, London, Sweet & Maxwell, 2006, para. 19 à 121.

Il convient toutefois de noter que plus récemment l'Angleterre a vu se développer une analyse de la notion d'intégration centrée sur l'enfant. On se réfèrera à la décision de la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. Cette décision pourrait remettre en cause la jurisprudence antérieure.

Toutefois cette décision n'a apparemment pas affaibli les exigences posées en la matière par la Common Law comme en témoigne Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].

Royaume-Uni - Écosse
Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Pour que l'article 12(2) trouve à s'appliquer, il faut que l'intérêt qu'a l'enfant à rester dans son nouveau milieu soit si fort qu'il dépasse l'objectif premier de la Convention selon lequel il appartient au juge du lieu de la résidence habituelle qu'avait l'enfant au moment de l'enlèvement de décider de l'avenir de celui-ci.

P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963]

L'intégration existe dans les situations stables, dont on peut s'attendre qu'elles durent. Il convient d'opérer une certaine projection dans l'avenir.

C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962]

États-Unis d'Amérique
In re Interest of Zarate, No. 96 C 50394 (N.D. Ill. Dec. 23, 1996), [Référence INCADAT : HC/E/USf  134]

Une interprétation littérale du concept d'intégration a été préférée dans les États suivants :

Australie
Director-General, Department of Community Services v. M. and C. and the Child Representative (1998) FLC 92-829; [Référence INCADAT : HC/E/AU 291];

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825]

L'impact de la différence d'interprétation est sans doute plus marqué lorsque ce sont des jeunes enfants qui sont en cause.

Il a été décidé que l'intégration doit s'apprécier du point de vue du jeune enfant en :

Autriche
7Ob573/90 Oberster Gerichtshof, 17/05/1990, [Référence INCADAT : HC/E/AT 378] ;

Australie
Secretary, Attorney-General's Department v. T.S. (2001) FLC 93-063, [Référence INCADAT : HC/E/AU 823] ;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824] ;

Israël
Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit,  [Référence INCADAT : HC/E/IL 938] ;

Monaco
R 6136; M. Le Procureur Général contre M. H. K, [Référence INCADAT : HC/E/MC 510] ;

Suisse
Präsidium des Bezirksgerichts St. Gallen (Cour cantonale de St. Gallen) (Suisse), décision du 8 Septembre 1998, 4 PZ 98-0217/0532N, [Référence INCADAT : HC/E/CH 431].

Une approche centrée sur l'enfant a également été adoptée dans des décisions importantes rendues à propos d'enfants plus grands, l'accent étant mis sur l'opinion de l'enfant.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937];

France
CA Paris 27 Octobre 2005, 05/15032, [Référence INCADAT : HC/E/FR 814];

Québec
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

En revanche, c'est une analyse plus objective de l'intégration qui a été préférée aux États-Unis d'Amérique :

David S. v. Zamira S., 151 Misc. 2d 630, 574 N.Y.S. 2d 429 (Fam. Ct. 1991), [Référence INCADAT : HC/E/USs 208];
Les enfants, âgés de 3 ans et 1 an ½ n'avaient pas établi de liens importants dans leur nouveau milieu de Brooklyn. Ils ne participaient pas aux activités scolaires, extrascolaires, religieuses, sociales ou communautaires auxquelles des enfants plus âgés se livrent.

Début de la procédure aux termes de la Convention

39;article 12(1) impose aux États contractants l'obligation d'ordonner le retour immédiat de l'enfant lorsque moins de 12 mois se sont écoulés entre le déplacement ou le non-retour illicite et « le moment de l'introduction de la demande devant l'autorité judiciaire ou administrative » de l'État contractant où se trouve l'enfant.

Les juridictions de plusieurs États contractants ont envisagé la question du moment exact de l'introduction de l'instance et conclu qu'il ne suffit pas dans le cadre de l'article 12(1) qu'une demande ait été adressée à l'Autorité centrale de l'État de refuge, mais qu'il fallait qu'une procédure judiciaire ait été entamée. Il a été observé que la référence aux autorités administratives dans l'article 12 s'explique par le fait que dans certains États les demandes de retour relèvent de la compétence des juridictions administratives.

Canada
V.B.M. v. D.L.J. [2004] N.J. No. 321; 2004 NLCA 56 [Référence INCADAT : HC/E/CA 592]. 

États-Unis d'Amérique
Wojcik v. Wojcik, 959 F. Supp. 413 (E.D. Mich. 1997) [Référence INCADAT : HC/E/USf 105]. 

L'Angleterre, le Pays de Galles et l'Écosse ne se sont pas opposés à la décision:

Re M. (Abduction: Acquiescence) [1996] 1 FLR 315, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 21] ;

Perrin v. Perrin 1994 SC 45, 1995 SLT 81, 1993 SCLR 949, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 108].

Pouvoir d'ordonner le retour nonobstant l'intégration

Au contraire de l'exception de l'article 13, l'article 12(2) ne prévoit pas expressément la possibilité pour les juridictions saisies de la demande de retour de disposer d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner le retour en cas d'intégration. Lorsque la question s'est posée, il apparaît néanmoins que les cours ont majoritairement  admis le caractère discrétionnaire de l'application de cette disposition.  La question s'est toutefois posée en des termes très variables :

Australie
La question n'a pas été définitivement résolue mais il semble que la Cour d'appel a sous-entendu le caractère discrétionnaire de l'article 12(2), référence faite à la jurisprudence anglaise et écossaise. Voir :

Director-General Department of Families, Youth and Community Care v. Moore, (1999) FLC 92-841 [Référence INCADAT : HC/E/AU 276].

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
La jurisprudence anglaise déduisait l'existence d'un pouvoir discrétionnaire de l'article 18, voir :

Re S. (A Minor) (Abduction) [1991] 2 FLR 1, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 163];

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Toutefois cette interprétation a été expressément rejetée par la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. La majorité des juges estima que l'article 12(2) laissait ouverte la question de savoir si le retour pouvait discrétionnairement être ordonné nonobstant l'intégration. Les juges soulignèrent que l'article 18 ne donne pas un nouveau pouvoir d'ordonner le retour d'un enfant mais se réfère simplement à un pouvoir préexistant en droit interne.

Irlande
Il a été fait référence à la jurisprudence ancienne anglaise et à l'article 18 pour justifier l'existence d'un pouvoir discrétionnaire :

P. v. B. (No. 2) (Child Abduction: Delay) [1999] 4 IR 185; [1999] 2 ILRM 401, [Référence INCADAT : HC/E/IE 391];

Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, le pouvoir discrétionnaire est prévu par la législation de mise en œuvre de la Convention. Voir :

Secretary for Justice (as the NZ Central Authority on behalf of T.J.) v. H.J. [2006] NZSC 97, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 882]

Royaume-Uni - Écosse
Quoique la question n'ait pas été envisagée en détail puisqu'en l'espèce il n'y avait pas eu intégration, il fut suggéré que l'application de l'exception avait un caractère discrétionnaire, référence étant faite à l'article 18.

Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Parmi les décisions qui n'ont pas usé de pouvoir discrétionnaire dans le cadre de l'application de l'article 12(2), voir :

Australie
State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232], - ultérieurement discuté;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re C. (Abduction: Settlement) [2004] EWHC 1245, [2005] 1 FLR 127, (Fam), [Référence INCADAT :  HC/E/UKe 596] - ultérieurement remis en cause;

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825];

Canada (Québec)
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 , [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

L'article 18 n'ayant pas été reproduit dans la loi mettant en œuvre la Convention au Québec, il a été considéré que le juge ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire en cas d'intégration.

Sur l'usage d'un pouvoir discrétionnaire lorsque l'enfant enlevé s'est intégré dans son nouveau milieu, voir :

P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 204 et seq.

R. Schuz, « In Search of a Settled Interpretation of Art 12(2) of the Hague Child Abduction Convention » Child and Family Law Quarterly, 2008.