AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Thomson v. Thomson [1994] 3 SCR 551, 6 RFL (4th) 290

Référence INCADAT

HC/E/CA 11

Juridiction

Pays

Canada

Nom

Supreme Court of Canada

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Royaume-Uni - Écosse

État requis

Canada

Décision

Date

20 October 1994

Statut

Définitif

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2 | Droit de garde - art. 3 | Risque grave - art. 13(1)(b) | Engagements | Interprétation de la Convention

Décision

Recours rejeté, retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

1 3 5 11 12 13(1)(b) 15 16

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Interprétation de la Convention
Interprétation

Mise en œuvre & difficultés d’application

Mesures facilitant le retour de l’enfant
Engagements

Mécanisme de retour

Droit de garde
La notion de droit de garde au sens de la Convention

RÉSUMÉ

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Faits

L'enfant, un garçon, était âgé de 8 mois à la date du déplacement dont le caratère illicite était allégué. Il avait vécu en Ecosse avec ses deux parents depuis sa naissance. Les parents étaient sépares et avaient un droit de garde conjoint. Le 27 novembre 1992, la Stranraer Sheriff Court attribuait à la mère un droit de garde provisoire et au père un droit de visite provisoire. Il ordonnait par ailleurs que l'enfant reste en Ecosse en attendant un autre jugement de la juridiction. Le 2 décembre 1992, la mère emmena l'enfant au Canada.

Le 3 février 1993, la mère demanda la garde à Manitoba. Le même jour, le père obtenait l'attribution du droit de garde par les juridictions écossaises et le 25 février 1993, il demanda le retour de l'enfant.

La Queen's Bench de Manitoba (tribunal de première instance) a décidé que le déplacement était illicite et a ordonné le retour de l'enfant en Ecosse. Néanmoins, pour éviter que l'enfant ne soit déplacé brutalement, la juridiction, se fiant à la loi de Manitoba sur le droit de garde de l'enfant et son exécution (Child Custody and Enforcement Act) (CCEA), accordait un droit de garde provisoire à la mère pour une durée de 4 mois.

En appel, une majorité des juges de la Court of Appeal de Manitoba ordonna le retour immédiat de l'enfant, annulant le jugement précédent conférant un droit de garde provisoire de 4 mois. Les juges minoritaires contestaient le fait qu'un droit de garde provisoire n'a pas été accordé à la mère et indiquaient que la demande du père aurait dû être suspendue jusqu'à ce qu'il accepte que soit alloué à la mère, en Ecosse, un droit de garde provisoire pour la durée de l'instance au fond concernant la garde.

La mère saisit la cour suprême (Supreme Court) du Canada.

Dispositif

L'appel a été rejeté et le retour immédiat de l'enfant ordonné, à condition que des engagements soient pris. L'enfant avait fait l'objet d'un déplacement illicite et aucune exception n'avait pu être établie.

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2

Conformément à l’article 12, lorsque le retour est ordonné, il s’agit d’un retour « immédiat ».

Droit de garde - art. 3

A la date du déplacement, la juridiction écossaise était compétente pour déterminer la garde et lien de residence de l’enfant et, en conséquence, possédait un droit de garde tel que défini par l’article 5 de la Convention. Le déplacement de l’enfant par la mère, intervenu en violation de ce droit, et était illicite au regard de l’article 3. Il doit être opéré une distinction selon que la clause d’interdiction de sortie du territoire est insérée dans un jugement de garde provisoire ou dans un jugement définitif. Si la clause d’interdiction de sortie du territoire introduite dans un jugement définitif était considérée comme un droit de garde au sens de la Convention, cela aurait des conséquences graves sur le droit d’aller et venir de la personne qui s’occupe principalement de l’enfant. L’article 3 semble impliquer que le droit de garde qui a été violé avait été accoré à une personne distincte de celle qui l’a précisément violé. En outre, on a pu douter du bien-fondé de la pratique consistant à rendre des jugements à la suite du déplacement, établissant un non-retour illicite de la part de la personne possédant un droit de garde exclusif à la date du déplacement.

Risque grave - art. 13(1)(b)

Le risque d’exposer l’enfant à un danger ne vient pas nécessairement d’une cause liée au retour de l’enfant auprès de l’autre parent. Il peut résulter de la séparation de l’enfant de la personne qui s’occupe de lui : dans la perspective de l’enfant cette séparation peut l’exposer à un préjudice. Si ce danger est suffisamment sérieux pour remplir les conditions posées par la Convention, il importe peu de savoir quelle en est l’origine. Toutefois, c’est seulement dans des cas très rares que la séparation de l’enfant de la personne qui l’a enlevé et de son nouvel environnement peut atteindre le seuil de danger pris en considération par la Convention.

Engagements

L’utilisation d’engagements facilite l’objectif de retour immédiat des enfants dans le cadre de l’article 12. Le père accepta de ne pas faire exécuter le droit de garde qu’il obtint consécutivement à l’enlèvement. Il s’engagea à ne pas prendre la garde physique de l’enfant lors de son retour en Ecosse jusqu’à ce qu’une juridiction permette une telle garde, et à introduire rapidement une action au fond sur le droit de garde devant une juridiction écossaise.

Interprétation de la Convention

La majorité a estimé que la Convention, telle qu’entrée en vigueur au Canada, fonctionne de manière tout à fait indépendante de la législation proprement interne. Selon l’opinion dissidente, cependant, rien ne s’opposait à ce que les juridictions de Manitoba, imposent des mesures transitoires, prévues par la seule loi de Manitoba, lorsqu’elles appliquent la Convention. Il a été fait référence à différents éléments d’interprétation : les documents préliminaires dans les Actes et Documents de la Quatorzième session, t. III, Enlèvement d’enfants (1982), le Rapport Pérez-Vera, les articles de doctrine, le préambule et l’article 1.

Commentaire INCADAT

Interprétation

Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.

Engagements

Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.

La notion de droit de garde au sens de la Convention

Les tribunaux d'un nombre très majoritaire d'États considèrent que le droit pour un parent de s'opposer à ce que l'enfant quitte le pays est un droit de garde au sens de la Convention. Voir :

Australie
In the Marriage of Resina [1991] FamCA 33, [Référence INCADAT : HC/E/AU 257];

State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567 [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ;

Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;

Autriche
2 Ob 596/91, 05 February 1992, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT : HC/E/AT 375] ;

Canada
Thomson v. Thomson [1994] 3 SCR 551, 6 RFL (4th) 290 [Référence INCADAT : HC/E/CA 11] ;

La Cour suprême distingua néanmoins selon que le droit de veto avait été donné dans une décision provisoire ou définitive, suggérant que considérer un droit de veto accordé dans une décision définitive comme un droit de garde aurait d'importantes conséquences sur la mobilité du parent ayant la garde physique de l'enfant.

Thorne v. Dryden-Hall, (1997) 28 RFL (4th) 297 [Référence INCADAT : HC/E/CA 12] ;

Decision of 15 December 1998, [1999] R.J.Q. 248 [Référence INCADAT : HC/E/CA 334] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654, [1989] 2 All ER 465, [1989] 1 FLR 403, [1989] Fam Law 228 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 34] ;

Re D. (A child) (Abduction: Foreign custody rights) [2006] UKHL 51, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880] ;

France
Ministère Public c. M.B. 79 Rev. crit. 1990, 529, note Y. Lequette [Référence INCADAT : HC/E/FR 62] ;

Allemagne
2 BvR 1126/97, Bundesverfassungsgericht, (Federal Constitutional Court), [Référence INCADAT : HC/E/DE 338] ;

10 UF 753/01, Oberlandesgericht Dresden, [Référence INCADAT : HC/E/DE 486] ;

Royaume-Uni - Écosse
Bordera v. Bordera 1995 SLT 1176 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 183];

A.J. v. F.J. [2005] CSIH 36, 2005 1 SC 428 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 803].

Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC), [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309].

Suisse
5P.1/1999, Tribunal fédéral suisse, (Swiss Supreme Court), 29 March 1999, [Référence INCADAT : HC/E/CH 427].

États-Unis d'Amérique
Les cours d'appel fédérales des États-Unis étaient divisées entre 2000 et 2010 quant à l'interprétation à donner à la notion de garde.

Elles ont suivi majoritairement la position de la Cour d'appel du second ressort, laquelle a adopté une interprétation stricte. Voir :

Croll v. Croll, 229 F.3d 133 (2d Cir., 2000; cert. den. Oct. 9, 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 313] ;

Gonzalez v. Gutierrez, 311 F.3d 942 (9th Cir 2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 493] ;

Fawcett v. McRoberts, 326 F.3d 491, 500 (4th Cir. 2003), cert. denied 157 L. Ed. 2d 732, 124 S. Ct. 805 (2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 494] ;

Abbott v. Abbott, 542 F.3d 1081 (5th Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 989].

La Cour d'appel du 11ème ressort a néanmoins adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger.

Furnes v. Reeves 362 F.3d 702 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 578].

La question a été tranchée, du moins lorsqu'il s'agit d'un parent demandeur qui a le droit de décider du lieu de résidence habituelle de son enfant ou bien lorsqu'un tribunal de l'État de résidence habituelle de l'enfant cherche à protéger sa propre compétence dans l'attente d'autres jugements, par la Court suprême des États-Unis d'Amérique qui a adopté l'approche suivie à l'étranger.

Abbott v. Abbott (US SC 2010), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1029]

La Cour européenne des droits de l'homme a adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger, voir:
 
Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No. 41615/07, 8 January 2009 [Référence INCADAT :HC/E/ 1001].

Décision confirmée par la Grande Chambre: Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No 41615/07, 6 July 2010 [Référence INCADAT :HC/E/ 1323].

Droit de s'opposer à un déplacement

Quand un individu n'a pas de droit de veto sur le déplacement d'un enfant hors de son État de residence habituelle mais peut seulement s'y opposer et demander à un tribunal d'empêcher un tel déplacement, il a été considéré dans plusieurs juridictions que cela n'était pas suffisant pour constituer un droit de garde au sens de la Convention:

Canada
W.(V.) v. S.(D.), 134 DLR 4th 481 (1996), [Référence INCADAT :HC/E/CA 17];

Ireland
W.P.P. v. S.R.W. [2001] ILRM 371, [Référence INCADAT :HC/E/IE 271];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re V.-B. (Abduction: Custody Rights) [1999] 2 FLR 192, [Référence INCADAT :HC/E/UKe 261];

S. v. H. (Abduction: Access Rights) [1998] Fam 49 [Référence INCADAT :HC/E/UKe 36];

Royaume-Uni - Écosse
Pirrie v. Sawacki 1997 SLT 1160, [Référence INCADAT :HC/E/UKs 188].

Cette interprétation a également été retenue par la Cour de justice de l'Union européenne:

Case C-400/10 PPU J. McB. v. L.E., [Référence INCADAT :HC/E/ 1104].

La Cour de justice a jugé qu'une décision contraire serait incompatible avec les exigences de sécurité juridique et la nécessité de protéger les droits et libertés des autres personnes impliquées, notamment ceux du détenteur de la garde exclusive de l'enfant.

Voir les articles suivants :

P. Beaumont et P.McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 75 et seq. ;

M. Bailey, « The Right of a Non-Custodial Parent to an Order for Return of a Child Under the Hague Convention », Canadian Journal of Family Law, 1996, p. 287 ;

C. Whitman, « Croll v. Croll: The Second Circuit Limits ‘Custody Rights' Under the Hague Convention on the Civil Aspects of International Child Abduction », Tulane Journal of International and Comparative Law, 2001 , p. 605.