AFFAIRE

Télécharger le texte complet EN

Nom de l'affaire

Headifen v. Harker, 549 Fed.Appx. 300 (5th Cir. 2013)

Référence INCADAT

HC/E/US 1268

Juridiction

Pays

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Nouvelle-Zélande

État requis

États-Unis d'Amérique

Décision

Date

18 December 2013

Statut

-

Motifs

Résidence habituelle - art. 3

Décision

Recours rejeté, demande rejetée

Article(s) de la Convention visé(s)

3

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Résidence habituelle
Résidence habituelle

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

La procédure concernait un enfant né aux États-Unis d'Amérique en août 2008 et adopté peu de temps après. Les parents adoptifs, un ressortissant néo-zélandais et une ressortissante sud-africaine, tous deux naturalisés citoyens américains, se sont mariés en 2005.

La famille a déménagé en Nouvelle-Zélande le 3 décembre 2009 ; l'objet de ce déménagement était un sujet de friction entre les parents. Les parents se sont séparés en août 2012 mais sont restés en Nouvelle Zélande ; les parents se partageant la garde de l'enfant une semaine sur deux.

L'argumentation de la mère consistait à dire que le père, l'enfant et elle-même devaient rentrer au Texas en mars 2013. La mère avait posé son préavis auprès de son employeur. Le 18 février 2013, le père a envoyé un courriel à la mère indiquant qu'il souhaitait que l'enfant reste en Nouvelle-Zélande pour des raisons scolaires.

Le 2 avril, la mère a vidé les comptes bancaires joints et a ramené l'enfant aux États-Unis. Elle avait déjà pris des dispositions en vue de l'envoi de ses affaires au Texas.

Le 24 avril, le père a déposé une demande de retour. Le 7 juin, la Cour de district des États-Unis pour le District ouest du Texas a rejeté cette demande au motif que l'enfant avait conservé sa résidence habituelle au Texas tout au long de son séjour en Nouvelle-Zélande. Le père a fait appel de la décision.

Dispositif

Appel rejeté et demande de retour refusée ; le déplacement n'était pas illicite considérant que l'enfant n'avait jamais perdu sa résidence habituelle établie au Texas.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3


La Cour d'appel a observé qu'à l'heure actuelle aux États-Unis, l'interprétation dans le cadre de l'application des Conventions de La Haye varie selon les tribunaux de district américains. La Cour d'appel a pris acte du fait que la Cour de district avait suivi le précédent établi par la Cour du Cinquième district dans l'affaire Larbie v. Larbie, 690 F.3d 295 (5th Cir. 2012) [Référence INCADAT : HC/E/USf 1236].

Il a été décidé d'accorder de l'importance aux intentions des parents en ce qu'elles permettaient d'établir la résidence habituelle de l'enfant, aux fins de la Convention, dans l'État dans lequel les parents partageaient, avant leur séparation, une volonté commune d'y résider de façon permanente. La Cour a estimé que l'intention conjointe des parents se révélait généralement décisive quant à la détermination de la résidence habituelle de l'enfant.

La Cour d'appel a également relevé qu'autant dans l'affaire Larbie qu'en l'espèce, la résidence de l'enfant à l'étranger était prévue pour être temporaire et n'avait pas vocation à durer de manière indéterminée. Il a été conclu qu'il s'agissait d'un élément déterminant ; le changement de résidence habituelle ne peut être établi que si les parents ont l'intention d'« abandonner » ou de « supplanter » leur État d'origine de manière définitive.

La Cour d'appel a estimé que des éléments probants venaient corroborer les conclusions de la Cour de district selon lesquelles l'intention commune des deux parents visait à reconnaître le Texas et non la Nouvelle-Zélande comme leur résidence habituelle. La Cour a également jugé que d'autres éléments probants venaient à l'appui du constat selon lequel l'enfant ne s'était pas véritablement intégré ou acclimaté à son environnement néo-zélandais.

La Cour de district a par conséquent correctement conclu que la résidence habituelle de l'enfant était établie au Texas et non en Nouvelle-Zélande. La Cour d'appel admet qu'une conclusion établissant le maintien de la résidence habituelle d'origine exclurait les voies de recours conventionnelles contre ce qui serait autrement considéré comme une fuite unilatérale avec l'enfant.

Auteur du résumé : Peter McEleavy

Commentaire INCADAT

Voir aussi l'arrêt rendu en première instance dans cette affaire: Headifen v. Harker 2013 U.S. Dist. LEXIS 80819 (W.D. Tex., 2013) [Référence INCADAT: HC/E/USf 1265].

Résidence habituelle

L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.

L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.

Tendances générales:

La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant

La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :

Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]

Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]

Voir aussi :

Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].

Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale

Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].

Voir aussi :

Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.

Approche centrée sur l'intention parentale

Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.

Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger.  Voir par exemple :

Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;

Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;

Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.

La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :

Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;

Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;

Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.

Autres États contractants

Dans d'autres États contractants, la position a évolué :

Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).

8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].

Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.

Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :

2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].

La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :

Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].

La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré  que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.

Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :

Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;

Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].

Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :

décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;

FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].

Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :

S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].

Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :

5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.

Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].

Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :

R. Schuz, « Habitual Residence of  Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;

R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.