AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006)

Référence INCADAT

HC/E/USf 879

Juridiction

Pays

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Nom

United States Court of Appeals for the Third Circuit (Etats-Unis)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Finlande

État requis

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Décision

Date

24 April 2006

Statut

Définitif

Motifs

Résidence habituelle - art. 3 | Déplacement et non-retour - art. 3 et 12

Décision

Recours rejeté, demande rejetée

Article(s) de la Convention visé(s)

3

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Déplacement et non-retour
Moment du déplacement ou du non-retour
Résidence habituelle
Résidence habituelle
Un enfant peut-il se trouver sans résidence habituelle?
Un enfant peut-il avoir plusieurs résidences habituelles?
Déménagement ou Installation à l'étranger
Installation à l'étranger pour une durée illimitée
Installation à l'étranger pour une durée limitée
Accords de garde alternée et accords / décisions définissant la compétence

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR

Faits

La demande concernait une enfant née en Russie en avril 1992. Elle avait vécu en Russie avec ses parents jusqu'à leur divorce en 1997, à la suite duquel elle partit s'installer en Finlande avec sa mère.

Chacun de ses parents se remaria et la petite fille rendit périodiquement visite à son père en Europe ou aux Etats-Unis. Elle avait souvent des difficultés pour obtenir un visa pour les Etats-Unis, de sorte que les parents s'arrangèrent pour qu'elle puisse y acquérir le statut de résident permanent, qu'elle obtint finalement en octobre 2002.

A l'hiver 2002/03, l'enfant et ses parents envisagèrent la possibilité qu'elle passe une plus longue période aux Etats-Unis. L'enfant commença à exprimer le souhait de s'y installer.

En juin 2003, elle alla aux Etats-Unis mais le but de son voyage est controversé. Pour le père il s'agissait d'un voyage test à l'issue duquel la fille déciderait si elle souhaitait rester aux Etats-Unis. Pour la mère il s'agissait d'une simple visite estivale dont l'enfant devait rentrer le 10 août.

Pendant les vacances, l'enfant suivit des cours, étudia la photographie, voyagea aux Etats-Uni et cultiva sa relation avec sa belle-mère et sa belle-famille. En outre, elle obtint son admission dans une école américaine privée où elle devait commencer les cours à l'automne suivant.

L'enfant n'étant pas rentrée en Finlande en Août 2003, la mère demanda son retour. La cour cantonale de Pennsylvanie occidentale (D.C. Civil No. 04-cv-00662) rejeta cette damande au motif que l'enfant s'était intégrée pendant son séjour et avait acquis une résidence habituelle aux Etats-Unis à la date du non-retour. La mère interjeta appel.

Dispositif

Appel rejeté et demande rejetée ; l'enfant avait sa résidence habituelle aux Etats-Unis à la date du non-retour, lequel n'était donc pas entaché d'illicéité.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3

La Cour d'appel estima que la recherche de la résidence habituelle de l'enfant impliquait une analyse intensive des faits qui ne pouvait être réduite à l'application d'une formule mécanique mais qui au contraire variait selon les circonstances de la cause. Se référant à la décision de la cour du troisième ressort dans Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217, 222 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/US 83], la Cour estima que la résidence habituelle de l'enfant était le lieu où il ou elle avait été physiquement présent pendant un temps suffisant pour qu'il ou elle s'y intègre et qui avait un degré de permanence selon la perspective de l'enfant. Il convenait également de s'attacher à l'intention parentale car lorsque l'enfant la connait, une telle intention colore son attitude par rapport aux contacts qu'il tisse. L'intention parentale était également utile pour la détermination du temps nécessaire pour que l'enfant s'intègre. La Cour estima que lorsque l'enfant était allée aux Etats-Unis en juin 2003, les parents étaient d'accord pour que l'enfant puisse choisir où elle souhaitait vivre à la fin des vacances. La Cour conclut que bien que le séjour de l'enfant aux Etats-Unis fût court, les preuves rapportées semblaient indiquer que l'enfant avait sa résidence habituelle aux Etats-Unis mi-juillet lorsque la mère commença à demander qu'elle rentre en Finlande. Pour parvenir à sa conclusion, la Cour se dit influencée par la maturité et l'intelligence de l'enfant. La Cour reconnut que le minimum exigé pour l'intégration ne devait pas être trop bas, car cela reviendrait à une invitation pour les parents rapteurs à venir aux Etats-Unis, mais elle s'estima convaincue que les circonstances uniques de l'affaire montraient que les expériences de l'enfant aux Etats-Unis avant le non-retour dénotaient une intégration de l'enfant et un niveau de stabilité dans son séjour. La Cour observa que si la cour du 3è ressort s'attachait presqu'exclusivement à l'intention commune dans le cadre de la recherche de la résidence habituelle des jeunes enfants, cela n'était pas le cas lorsque des enfants plus âgés étaient en cause. S'agissant de ceux-ci, l'intention parentale n'était pas complètement exclue mais restait pertinente. La Cour nota que dans la suite de Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301] l'intention parentale jouait un rôle important afin de décourager les enlèvements parentaux. la Cour affirma toutefois que puisque, en l'espèce, à la fois l'intention parentale commune et l'intégration militaient en faveur de l'acquisition par l'enfant d'une résidence habituelle aux Etats-Unis il n'était pas nécessaire de décider lequel de ces facteur devait avoir priorité sur l'autre en cas de conflit, ce qui avait été le cas dans l'affaire Mozes.

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12

Le juge cantonal avait décidé que la date de non-retour était le 28 août, lorsque la mère avait introduit sa demande judiciaire de retour. La mère alléguait que le non-retour datait du 10 Août, date à laquelle l'enfant était selon elle censée rentrer en Finlande. La Cour d'appel décida qu'il importait peu de savoir s'il y avait ou non non-retour jusqu'à ce qu'un parent ait communiqué très clairement sa volonté de reprendre la garde de l'enfant. Toutefois, le juge cantonal n'aurait pas dû considérer que la mère n'avait pas clairement fait part de son opposition à la présence continue de l'enfant aux Etats-Unis jusqu'à ce qu'elle demande son retour.

Commentaire INCADAT

Moment du déplacement ou du non-retour

La question du moment à partir duquel il y a déplacement ou non-retour illicite est une question essentiellement factuelle qui devra être résolue par la juridiction saisie de la demande de retour. Cette question est importante dans le cadre de l'application de l'article 12 (1), lorsqu'on n'est pas certain que les 12 mois se sont écoulés depuis l'enlèvement ou lorsqu'il est nécessaire de déterminer si au moment de l'enlèvement la Convention de La Haye était bien applicable entre l'État de la résidence habituelle de l'enfant et l'État de refuge.

Portée internationale

Plusieurs tribunaux de plusieurs États contractants ont considéré la question de savoir si le déplacement ou le non-retour commencent au moment où l'enfant est soustrait à la personne en ayant la garde ou seulement au moment où l'enfant quitte l'État de sa résidence habituelle ou est empêché d'y retourner ; cette question a été tranchée de manière uniforme. Les tribunaux ont considéré que la Convention de La Haye ayant pour objet l'enlèvement international et non l'enlèvement interne, le déplacement ou le non-retour n'étaient illicites qu'à partir du moment où le problème n'était pas ou plus purement interne.

Australie
Murray v. Director, Family Services (1993) FLC 92-416, [Référence INCADAT : HC/E/AU 113]

State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ; Kay J. a confirmé qu'aux fins de l'article 12 le délai ne commence à courir qu'à partir du moment où l'enfant arrive dans l'État de refuge.

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ; Kay J. a affirmé que pour déterminer le délai avec précision il fallait le calculer en prenant en compte l'heure locale du lieu d'où l'enfant s'était vu déplacer illicitement.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re H.; Re S. (Abduction: Custody Rights) [1991] 2 AC 476, [1991] 3 All ER 230, [1991] 2 FLR 262, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 115]. 

Royaume-Uni - Écosse
Findlay v. Findlay 1994 SLT 709, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 184],

Toutefois, dans une affaire ancienne, Kilgour v. Kilgour 1987 SC 55, 1987 SLT 568, 1987 SCLR 344, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 116], les parties s'accordaient à dire que le déplacement à prendre en compte commençait au moment où l'enfant avait été soustrait à la garde d'un des parents en disposant et non pas seulement au moment où il avait quitté le territoire de l'État de sa résidence habituelle.

Dans l'affaire israélienne Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit, [Référence INCADAT : HC/E/IL 938], le Tribunal ne trouva pas d'accord sur cette question. Un juge estima que la date du déplacement était celle à laquelle l'enfant avait quitté l'État de sa résidence habituelle, l'autre considérant que la date du déplacement était celle de l'arrivée de l'enfant en Israël.

Information concernant l'intention de ne pas rendre l'enfant

Différentes positions ont été adoptées concernant la question de savoir si le non-retour commence à partir du moment où l'une des deux personnes disposant de la garde d'un enfant décide de ne pas le rendre à l'autre personne partageant la garde ou uniquement lorsque cette deuxième  personne apprend l'intention de la première de ne pas lui rendre l'enfant ou que cette intention lui est expressément communiquée.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans l'affaire Re S. (Minors) (Abduction: Wrongful Retention) [1994] Fam 70, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 117], la High Court anglaise était disposée à accepter le fait qu'une décision non communiquée par le parent ravisseur pouvait constituer en soi un non-retour illicite.

Re A.Z. (A Minor) (Abduction: Acquiescence) [1993] 1 FLR 682, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 50] : le non-retour illicite de l'enfant n'a pas pour point de départ le moment où la mère a décidé unilatéralement de ne pas rendre l'enfant. Ce fait n'était qu'une intention non communiquée de ne pas rendre l'enfant à l'avenir ; intention sur laquelle elle aurait encore pu revenir. Le non retour aurait pu commencer à partir de la date à laquelle la tante a déposé une demande ex parte de résidence et une Ordonnance sur les mesures interdites (prohibited steps orders).

États-Unis d'Amérique
Slagenweit v. Slagenweit, 841 F. Supp. 264 (N.D. Iowa 1993), [Référence INCADAT : HC/E/USf 143].
 
Le non-retour illicite a uniquement commencé à partir du moment où la mère a communiqué clairement son désir d'obtenir à nouveau la garde de l'enfant et a revendiqué son droit parental à vivre avec son enfant.

Zuker v. Andrews, 2 F. Supp. 2d 134 (D. Mass. 1998) [Référence INCADAT : HC/E/UKf 122], la District Court for the District of Massachusetts des États-Unis d'Amérique a considéré qu'un non-retour se produit lorsque le parent gardien dépossédé constate objectivement le non-retour de l'enfant.

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006), [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

La Cour d'appel a considéré qu'en dernière analyse il n'était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le non-retour de l'enfant relevait ou non de la Convention jusqu'à ce que l'un des parents exprime clairement son désir de récupérer le droit de garde, mais elle a assumé que cette norme s'appliquait.

Résidence habituelle

L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.

L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.

Tendances générales:

La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant

La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :

Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]

Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]

Voir aussi :

Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].

Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale

Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].

Voir aussi :

Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.

Approche centrée sur l'intention parentale

Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.

Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger.  Voir par exemple :

Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;

Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;

Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.

La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :

Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;

Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;

Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.

Autres États contractants

Dans d'autres États contractants, la position a évolué :

Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).

8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].

Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.

Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :

2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].

La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :

Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].

La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré  que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.

Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :

Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;

Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].

Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :

décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;

FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].

Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :

S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].

Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :

5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.

Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].

Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :

R. Schuz, « Habitual Residence of  Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;

R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.

Un enfant peut-il se trouver sans résidence habituelle?

Dans la jurisprudence conventionnelle ancienne, les cours se sont montrées peu enclines à admettre qu'un enfant puisse se trouver sans résidence habituelle, notamment en raison du fait qu'une telle conclusion rendait inapplicable la Convention, voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re F. (A Minor) (Child Abduction) [1992] 1 FLR 548 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 40];

Australie
Cooper v. Casey (1995) FLC 92-575 [Référence INCADAT : HC/E/AU 104].

Toutefois, plus récemment on constate que les cours reconnaissent qu'il y a des situations dans lesquelles il est impossible d'admettre que l'enfant a une résidence habituelle quelque part.

D.W. & Director-General, Department of Child Safety [2006] FamCA 93, [Référence INCADAT : HC/E/AU 870].

Dans cette affaire, la majorité des juges a estimé que certes leur conclusion empêchait l'application de la Convention mais a souligné que l'intérêt des enfants pouvait pâtir d'une trop grande propension des tribunaux à admettre que le parent ayant tenté de se réconcilier avec l'autre parent en vivant avec lui à l'étranger afin de donner à l'enfant une famille biparentale doit, avec l'enfant, avoir acquis une résidence habituelle dans cet État.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
W. and B. v. H. (Child Abduction: Surrogacy) [2002] 1 FLR 1008 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 470] ;

Royaume-Uni - Écosse
Robertson v. Robertson 1998 SLT 468 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 194] ;

D. v. D. 2002 SC 33 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 351] ;

Nouvelle-Zélande
S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 816] ;

États-Unis d'Amérique
Delvoye v. Lee, 329 F.3d 330 (3rd Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 529] ;

Ferraris v. Alexander, 125 Cal. App. 4th 1417 (2005) [Référence INCADAT : HC/E/US 797].

Un enfant peut-il avoir plusieurs résidences habituelles?

Les commentateurs ont longtemps estimé que la nature factuelle du facteur de rattachement implique que dans certaines situations une personne puisse avoir plusieurs résidences habituelles à un moment donné.

Voir en particulier :

E. M. Clive, « The Concept of Habitual Residence », Juridical Review (1997), p. 137.

La cour d'appel anglaise a estimé dans le contexte de la compétence internationale en matière de divorce qu'un adulte pouvait avoir plusieurs résidences habituelles en même temps. Voir :

Ikimi v. Ikimi [2001] EWCA Civ 873, [2002] Fam 72.

Toutefois les tribunaux saisis de demandes en application de la Convention ont estimé qu'un enfant ne peut avoir qu'une seule résidence habituelle à un moment donné. Voir par exemple :

Canada

S.S.-C. c. G.C., Cour supérieure (Montréal), 15 août 2003, n° 500-04-033270-035, [INCADAT cite : HC/E/CA 916] ;

Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re v. (Abduction: Habitual Residence) [1995] 2 FLR 992, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 45].

En l'espèce, les enfants passaient une partie de l'année en Grèce et l'autre en Angleterre. La cour refusa de considérer qu'ils avaient à la fois leur résidence habituelle en Grèce et en Angleterre.

Royaume-Uni - Ireland du Nord

Re C.L. (A Minor); J.S. v. C.L., transcript, 25 August 1998, High Court of Northern Ireland, [Référence INCADAT: HC/E/UKn 390].

États-Unis d'Amérique
Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, (6th Cir. 1993), [Référence INCADAT : HC/E/USf 142].

Déménagement ou Installation à l'étranger

Lorsqu'une intention de s'installer à l'étranger pour y commencer un nouveau chapitre de sa vie est établie, la résidence habituelle préexistante va être perdue et une nouvelle résidence habituelle pourra rapidement être acquise.

Dans les pays de common law, il est admis que cette acquisition peut survenir rapidement, voir :

Canada
DeHaan v. Gracia [2004] AJ No.94 (QL), [2004] ABQD 4 [Référence INCADAT : HC/E/CA 576];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 2];

Re F. (A Minor) (Child Abduction) [1992] 1 FLR 548, [1992] Fam Law 195 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 40]

Dans les pays de droit civil, il a été admis qu'une résidence habituelle peut être acquise immédiatement, voir:
 
Suisse
5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Déménagements soumis à une condition future

Si l'accord des parents concernant le déménagement est soumis à une condition future, la résidence habituelle qui existait avant le déménagement est-elle perdue immédiatement lors du déménagement ?

Australie

Le tribunal familial australien (the Family Court of Australia) siégeant en séance plénière a répondu par la négative à cette question et a également déclaré que la perte de la résidence habituelle pouvait même ne pas découler de la réalisation de la condition en question, si à ce moment-là le parent désirant déménager ne s'engage pas clairement à déménager :

Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81, [Référence INCADAT : HC/E/AU 995].

Cependant, cette décision a été renversée en appel par la Haute Cour d'Australie, qui a considéré qu'une résidence habituelle existante pouvait être perdue si la volonté de déménager présentait un degré suffisant de continuité pour être décrite comme ferme. Il n'était donc pas nécessaire d'avoir une ferme intention d'établir sa résidence sur le « long terme ».

L.K. v. Director-General Department of Community Services [2009] HCA 9, (2009) 253 ALR 202, [Référence INCADAT: HC/E/AU 1012].

Installation à l'étranger pour une durée illimitée

Lorsque la durée de l'installation à l'étranger est illimitée ou potentiellement illimitée, il est également possible de perdre une résidence habituelle antérieure et d'en acquérir une nouvelle relativement rapidement. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles (cas ne relevant pas de la Convention)
Al Habtoor v. Fotheringham [2001] EWCA Civ 186 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 875] ;

Nouvelle-Zélande
Callaghan v. Thomas [2001] NZFLR 1105 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 413] ;

Royaume-Uni - Écosse
Cameron v. Cameron 1996 SC 17, 1996 SLT 306, 1996 SCLR 25 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 71] ;

Moran v. Moran 1997 SLT 541 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 74] ;

États-Unis d'Amérique
Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Installation à l'étranger pour une durée limitée

Lorsque la durée d'un séjour à l'étranger est d'emblée limitée, même si le séjour doit être relativement long, certains États contractants ont considéré que la résidence habituelle était maintenue dans l'État d'origine. Voir :

Danemark
Ø.L.K., 5. April 2002, 16. afdeling, B-409-02 [Référence INCADAT : HC/E/DK 520];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294; [2000] 3 FCR 412 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478];

États-Unis d'Amérique
Morris v. Morris, 55 F. Supp. 2d 1156 (D. Colo., Aug. 30, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 306];

Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301].

Toutefois, la Cour fédérale d'appel du troisième ressort estima qu'une résidence habituelle nouvelle avait pu être acquise assez rapidement dans une situation où le séjour à l'étranger devait durer 2 ans. Voir :

Whiting v. Krassner 391 F.3d 540 (3rd Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/US 778].

En Angleterre, une décision de première instance a considéré qu'un enfant avait pu acquérir une résidence habituelle en Allemagne après un séjour de 5 mois dans ce pays alors même que la famille y était établie pour un contrat de 6 mois. Voir:

Re R. (Abduction: Habitual Residence) [2003] EWHC 1968 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 580].

La Cour d'appel de Chine (RAS Hong-Kong) a considéré qu'un déménagement à l'étranger pour 21 mois conduisait à un changement de résidence habituelle. Voir:

B.L.W. v. B.W.L. [2007] 2 HKLRD 193, [Référence INCADAT : HC/E/HK 975].

Accords de garde alternée et accords / décisions définissant la compétence

La jurisprudence rendue sur le fondement de la Convention recèle un certain nombre d'exemples d'affaires dans lesquelles les parties ou les juges avaient tenté d'éviter de futurs litiges quant à la compétence en désignant le for de l'État contractant saisi de l'affaire comme compétent à l'avenir.  Dans de telles affaires, il était généralement admis que l'enfant pourrait, dans le cadre d'un accord de garde alternée, aller vivre dans un autre État pendant une période longue avant de retourner dans l'État désigné comme État de résidence.

L'expérience montre que de nombreux litiges ont porté sur la question de savoir où un enfant ayant passé une longue période hors de l'État désigné comme État de résidence avait sa résidence habituelle.

Dans les cas où l'enfant n'était pas rentré comme prévu dans l'État désigné comme État de résidence habituelle à la suite d'un long séjour à l'étranger, les juges ont généralement débouté les plaideurs de leur demande tendant à faire prévaloir la clause d'élection de for à l'étranger fixant la résidence. Voir :

Suède
A.F.J. v. T.J., Supreme Administrative Court (Regeringsrätten) RÅ 1996 ref 52, 9 May 1996, [Référence INCADAT : HC/E/SE 80];

Canada
Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800].

Toutefois, dans une affaire où l'enfant avait été renvoyé de son plein gré dans l'État désigné comme État de résidence habituelle, la compétence des juridictions de cet État a été reconnue ou maintenue en dépit d'une demande ultérieure de retour. Voir :

Israël
Family case 107064/99 K.L v. N.D.S., [Référence INCADAT : HC/E/IL 835].

Voir par exemple l'affaire suivante dans laquelle les parents avaient tenté de s'accorder sur une clause d'élection de for qui aurait été indépendante de l'évolution de la résidence habituelle des enfants:

Nouvelle-Zélande

Winters v. Cowen [2002] NZFLR 927 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 473].

L'interprétation donnée par le Regeringsratten (Suède) dans l'affaire A.F.J. c. T.J., selon laquelle la résidence habituelle d'un enfant est susceptible de changer indépendamment d'une clause d'élection de for en cas d'accord de garde alternée reflète celle adoptée par :

La Cour suprême d'Écosse (Court of Session) dans Watson v. Jamieson 1998 SLT 180 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 75], et

La cour d'appel de la Nouvelle-Zélande dans Punter v. Secretary for Justice [2004] 2 NZLR 28 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 583];

La cour supérieure de justice de l'Ontario dans Wilson v. Huntley (2005) A.C.W.S.J. 7084; 138 A.C.W.S. (3d) 1107 [Référence INCADAT : HC/E/CA 800].

Il convient également de se référer au Rapport de la troisième réunion de la Commission spéciale sur le fonctionnement de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant (17 - 21 mars 1997), para 16 :

« Les accords de garde alternée (ou «accords-navette») peuvent donner naissance à des problèmes de détermination de la résidence habituelle de l'enfant. La question est de savoir si de tels accords peuvent fixer la résidence abituelle de l'enfant de telle sorte que cette solution s'imposerait aux juridictions requises d'ordonner le retour. Parmi d'autres possibilités de clauses conduisant à une élection de for, un exemple serait celui d'une clause qui stipulerait que le non-retour de l'enfant à une date convenue serait constitutif d'un non-retour illicite au sens de la Convention. Quoi qu'il en soit, de telles clauses attributives de juridictions ne sauraient être reconnues dans le cadre de la Convention et les parties à un tel accord ne devraient pas se voir reconnaître le pouvoir de créer une résidence habituelle de l'enfant distincte de la résidence objective de l'enfant. En effet, d'une part, la notion de «résidence habituelle» utilisée par la Convention est purement factuelle et d'autre part la Convention prévoit des solutions très spécifiques applicables dans des hypothèses d'urgence qui ne sont pas supposées résoudre des désaccords parentaux sur le fond du droit de garde. »

Voir les commentaires de :

P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, ,1999, p. 99-101 ;

J. Schiratzki, « Friends at Odds - Construing Habitual Residence for Children in Sweden and the United States », International Journal of Law, Policy and the Family 2001, p.297 - 326 ;

R. Schuz, « Habitual Residence of Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, 2001.