AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Re S. (Children) (Abduction: Asylum Appeal) [2002] EWCA Civ 843

Référence INCADAT

HC/E/UKe 590

Juridiction

Pays

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Nom

Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Inde

État requis

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Décision

Date

28 May 2002

Statut

Définitif

Motifs

Questions ne relevant pas de la Convention

Décision

Recours accueilli, retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

-

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

-

Autres dispositions
Children Act 1989
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Relation avec d’autres instruments internationaux et régionaux et avec le droit interne

Affaires d’enlèvement d’enfants ne relevant de la Convention de La Haye – droit interne
Problèmes de fond

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

La demande concernait deux enfants nés en Inde de parents indiens. En juin 2001, la mère les emmena en Angleterre pour 2 mois, afin qu'ils rendent visite à leurs grands-parents paternels. En juillet la mère quitta le foyer des grands-parents avec les enfants.

Le 2 octobre, elle demanda l'asile, les enfants étant inscrits comme personnes à charge. Elle allégait des violences domestiques et viols maritaux. Le 5 octobre, le père demanda le retour des enfants sur le fondement du droit interne.

Le 9 janvier 2002, la demande d'asile de la mère fut rejetée. Le 10 janvier, la mère et les enfants obtinrent une autorisation spéciale à résider au Royaume-Uni pour 4 ans. Le 15 janvier, la mère interjeta appel de la décision de ne pas lui accorder l'asile.

Le 26 avril, la chambre familiale de la High Court (tribunal de première instance) ordonna le retour des enfants en Inde. Le juge estima que par la demande d'asile, la mère tentait d'échapper au principe du retour immédiat des enfants. La mère interjeta appel.

Dispositif

Appel rejeté et retour ordonné ; il était dans l'intérêt supérieur des enfants de rentrer en Inde et les règles relatives au demandeurs d'asile ne s'opposaient pas à cette solution.

Motifs

Questions ne relevant pas de la Convention

La mère prétendait que l'article 15 de la loi de 1999 sur l'immigration interdisait le retour des enfants en Inde, comme l'avait ordonné le tribunal. Cet article dispose : '(1) Entre le moment où le demandeur d'asile introduit sa demande et celui où le secrétaire d'Etat lui notifie la décision prise, il ne peut être expulsé du Royaume-Uni et on ne lui demander de quitter le territoire. (2) L'alinéa 1 n'empêche pas qu'on donne des directives quant à son expulsion ni qu'un arrêté d'expulsion soit pris pendant cette période.' D'après le père l'article 15 ne liait que le pouvoir exécutif (les autorités en charge de l'immigration sous le contrôle du Secrétaire d'Etat chargé des questions intérieures). Cette position fut suivie par la cour d'appel qui indiqua que la disposition ne faisait pas exception aux obligations découlant de l'article 12 de la Convention de La Haye ni n'était de nature à affecter les obligations et pouvoirs des juges tutélaires. Il fut reconnu que l'article 15 donne effet dans le droit britannique aux dispositions de l'article 33 de la Convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés de 1951. La cour estima cependant que cet article n'avait pas un domaine d'application aussi vaste que celui de la Convention de 1951 et qu'on pouvait se poser la question de savoir dans quelle mesure un juge aux affaires familiales saisi d'une demande de retour était tenu de prendre en compte l'article 33 lui-même. La cour ne se prononça pas clairement sur ce point mais indiqua qu'il était probable qu'un juge aux affaires familiales accorderait toute son attention à toute suggestion laissant entendre qu'un enfant ferait l'objet de persécutions dans son Etat d'origine avant de décider d'ordonner ou non le retour de l'enfant dans cet Etat. La cour d'appel releva par ailleurs que la mère ne pouvait de toute façon pas bénéficier de l'article 15 dans la mesure où elle avait déja reçu notification de la décision du Secrétaire d'Etat.

Commentaire INCADAT

Problèmes de fond

Lorsqu'un parent demande le retour d'un enfant dans une situation ne relevant pas de la Convention de La Haye ni d'un autre instrument international ou régional, le tribunal saisi doit mettre en balance l'intérêt de l'enfant et le principe international selon lequel les États doivent prendre des mesures en vue de lutter contre les déplacements et non-retours illicites d'enfants à l'étranger (art. 11(1) de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant de 1990).

Canada
Shortridge-Tsuchiya v. Tsuchiya, 2009 BCSC 541, [2009] B.C.W.L.D. 4138, [Référence INCADAT : HC/E/CA 1109].

Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles
Les juges d'appel ont développé des approches discordantes sur cette question.

Dans les affaires suivantes, la cour d'appel a privilégié une vision internationaliste analogue à celle de la Convention de La Haye :

Re E. (Abduction: Non-Convention Country) [1999] 2 FLR 642 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 589] ;

Re J. (Child Returned Abroad: Human Rights) - [2004] 2 FLR 85 [2004] EWCA Civ. 417 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 586].

Toutefois dans l'affaire plus ancienne de Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588] le retour n'avait pas été prononcé au motif qu'il était douteux que l'État de la résidence habituelle puisse agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'espèce la mère, auteur de l'enlèvement et ressortissante britannique, n'aurait pas été autorisée à quitter l'État de la résidence habituelle sans le consentement du père.

Dans Re J. (A child) (Return to foreign jurisdiction: convention rights), [2005] UKHL 40, [2006] 1 AC 80, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 801], la Chambre des Lords approuva expressément l'approche privilégiée dans Re J.A. (Child Abduction: Non-Convention Country) [1998] 1 FLR 231 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 588].

La Chambre des Lords indiqua que le principe sous-tendant la Convention de La Haye impliquait nécessairement que dans certains cas l'État de refuge devait prendre des mesures qui n'étaient pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause.  Les États contractants avaient accepté cet état de fait parce que la Convention permettait d'atteindre l'intérêt supérieur des enfants en général. Néanmoins, la Chambre des Lords rappela que ni la loi ni les précédents judiciaires ne prévoyaient l'extension des principes de la Convention de La Haye aux États non contractants. Dans les affaires ne relevant pas de conventions internationales le juge devait agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant en cause. Quoiqu'il n'y ait pas de présomption forte en faveur du retour il convient d'étudier au cas par cas si le retour immédiat de l'enfant n'est pas dans son intérêt supérieur.

Il convient de souligner que dans l'affaire Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982] un juge revint sur sa décision d'ordonner le retour notamment en raison de l'affaire Re M. La Cour d'appel ne discuta toutefois pas la décision de la Chambre des Lords, insistant sur des éléments nouveaux qui montraient qu'il était inévitable que la mère soit renvoyée dans son pays vu son statut d'immigration.

Dans E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994], un enfant avait été enlevé de son pays de résidence habituelle, qui n'était pas partie à aucune convention relative à l'enlèvement. Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois, il importe de noter qu'en l'espèce la vie familiale de l'enfant se résumait à sa vie avec sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges estimèrent que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il imposait le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7ème anniversaire, ne violait pas en principe la CEDH.