AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

Cass Civ 1ère, 25 janvier 2005, N° de pourvoi 02-17411

Référence INCADAT

HC/E/FR 708

Juridiction

Pays

France

Nom

Cour de cassation (première chambre civile) (France)

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Italie

État requis

France

Décision

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye
Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Exceptions au retour

Risque grave de danger
Jurisprudence française

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'enfant, un garçon, était âgé de 7 mois à la date du déplacement dont le caractère illicite était allégué. Il avait vécu en Italie avec ses parents depuis sa naissance. Le 23 juillet 1999, la mère quitta Rome avec l'enfant et s'installa en France. Le père demanda le retour de l'enfant.

Le 25 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Tarascon (France) ordonna le retour de l'enfant sur le fondement de la Convention de La Haye. La mère interjeta appel de cette décision. Le 10 décembre 1999, le tribunal aux affaires familiales de Tarascon, qui avait entre-temps été saisi par la mère d'une demande relative à la garde, décida que les parents avaient l'autorité parentale conjointe et fixa la résidence de l'enfant chez sa mère.

Le père interjeta appel de cette décision. Le 29 novembre 2001, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, joignant les deux appels, confirma les deux décisions. La mère forma un pourvoi sur la partie de la décision relative à l'application de la Convention de La Haye. Le père forma un pourvoi contre la partie de la décision relative à la question de la garde.

Dispositif

Cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel. L'arrêt d'appel est annulé, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge aux affaires familiales de Tarascon du 10 décembre 1999, et l'affaire est renvoyée à la même cour, autrement composée.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère alléguait que la cour d'appel aurait dû rechercher si le retour de l'enfant ne pouvait pas le placer dans une situation intolérable. A cet égard, elle invoquait deux éléments. D'une part le très jeune âge de l'enfant, qui, selon elle, ne permettait pas un éloignement durable de sa mère, alors qu'il ne connaissait pratiquement pas son père; et d'autre part, la violence du père à l'égard de la mère.

La cour de cassation refusa de considérer le premier argument, rappelant que toutes les conditions nécessaires au retour étaient remplies. Elle ajouta que la cour d'appel avait souverainement considéré les témoignages faisant état de la violence du père et conclu qu'il n'était pas établi que le retour placerait l'enfant dans une situation intolérable ou face à un danger psychique ou physique. Les juges d'appel avaient ainsi justifié leur décision et il n'appartenait pas à la cour de cassation (juge du droit) de revenir sur l'appréciation des faits de la cour d'appel.

Questions liées au retour de l'enfant
La cour de cassation estima que la cour d'appel avait violé l'article 16 de la Convention de La Haye par refus d'application. Il résulte en effet de ce texte qu'après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde tant que les conditions prescrites par la Convention pour un retour de l'enfant n'ont pas été satisfaites.

La cour d'appel avait confirmé la décision du tribunal aux affaires familiales de Tarascon au motif que celui-ci n'avait statué sur le fond du droit de garde qu'après que les dispositions de la Convention ont été mises en oeuvre, que le jugement du 25 octobre 1999 ordonnant le retour immédiat de l'enfant au domicile de son père n'avait pas eu pour effet de priver la mère de l'autorité parentale et qu'il ne pouvait lui être reproché de garder l'enfant avec elle alors qu'une décision, exécutoire de droit à titre provisoire, avait fixé la résidence habituelle de l'enfant chez elle.

Or la cour d'appel avait par ailleurs constaté que la décision de retour immédiat de l'enfant au domicile de son père n'avait pas été exécutée, ce qui aurait dû la conduire à conclure que les juridictions françaises ne pouvaient décider du fond du droit de garde et devaient, à tout le moins, surseoir à statuer sur la demande de la mère en attendant la remise de l'enfant. Dès lors la cour de cassation annula cet aspect de la décision de la Cour d'appel.

Questions liées au retour de l'enfant

-

Commentaire INCADAT

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye

Questions de compétence dans le cadre de la Convention de La Haye (art. 16)

Le but de la Convention étant d'assurer le retour immédiat d'enfants enlevés dans leur État de résidence habituelle pour permettre l'ouverture d'une procédure au fond, il est essentiel qu'une procédure d'attribution de la garde ne soit pas commencée dans l'État de refuge. À cette fin, l'article 16 dispose que :

« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »

Les États contractants qui sont également parties à la Convention de La Haye de 1996 bénéficient d'une plus grande protection en vertu de l'article 7 de cet instrument.

Les États contractants membres de l'Union européenne auxquels s'applique le règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement Bruxelles II bis) bénéficient d'une protection supplémentaire en vertu de l'article 10 de cet instrument.

L'importance de l'article 16 a été notée par la Cour européenne des droits de l'Homme :

Iosub Caras v. Romania, Requête n° 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35, [Référence INCADAT : HC/E/ 867]
 
Carlson v. Switzerland, Requête n° 49492/06, 8 novembre 2008, [Référence INCADAT : HC/E/ 999

Dans quelles circonstances l'article 16 doit-il être appliqué ?

La Haute Cour (High Court) d'Angleterre et du Pays de Galles a estimé qu'il revient aux tribunaux et aux avocats de prendre l'initiative lorsque des éléments indiquent qu'un déplacement ou non-retour illicite a eu lieu.

R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].
 
Lorsqu'un tribunal prend connaissance, expressément ou par présomption, d'un déplacement ou non-retour illicite, il est informé de ce déplacement ou non-retour illicite au sens de l'article 16. Il incombe en outre au tribunal d'envisager les mesures à prendre pour s'assurer que le parent se trouvant dans cet État est informé de ses droits dans le cadre de la Convention.

Re H. (Abduction: Habitual Residence: Consent) [2000] 2 FLR 294, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 478

Les avocats, même ceux des parents ravisseurs, ont le devoir d'attirer l'attention du tribunal sur la Convention lorsque cela est pertinent.

Portée et durée de la protection conférée par l'article 16 ?

L'article 16 n'empêche pas la prise de mesures provisoires et de protection :

Belgique
Cour de cassation 30/10/2008, CG c BS, n° de rôle: C.06.0619.F, [Référence INCADAT : HC/E/BE 750]. Dans ce cas d'espèce les mesures provisoires devinrent toutefois définitives et le retour ne fut jamais appliqué en raison d'un changement des circonstances.

Une demande de retour doit être déposée dans un laps de temps raisonnable :

France
Cass. Civ. 1ère, 9 juillet 2008 (pourvois n° K 06-22090 et M 06-22091), 9.7.2008, [Référence INCADAT : HC/E/FR 749] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
R. v. R. (Residence Order: Child Abduction) [1995] Fam 209, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 120].

Une ordonnance de retour devenue définitive mais n'ayant pas encore été exécutée entre dans le champ de l'article 16 :

Allemagne
Bundesgerichtshof, XII. Décision du Zivilsenat du 16 août 2000 - XII ZB 210/99, BGHZ 145, 97 16 August 2000 [Référence INCADAT : HC/E/DE 467].

L'article 16 ne s'appliquera plus lorsqu'une ordonnance de retour ne peut être exécutée :

Suisse
5P.477/2000/ZBE/bnm, [Référence INCADAT : HC/E/CH 785].

Jurisprudence française

Le traitement de l'article 13(1) b) a évolué. L'interprétation permissive initialement privilégiée par les cours a fait place à une interprétation plus stricte.

Les jugements de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, rendus du milieu à la fin des années 1990 contrastent avec la position des juridictions d'appel et des arrêts de cassation plus récents. Voir :

Cass. Civ. 1ère 12 juillet 1994, Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt ; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT : HC/E/FR 103] ;

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 (Pourvoi N° 93-20140), [Référence INCADAT : HC/E/FR 514] ;

Cass. Civ. 1ère 22 juin 1999, (N° de pourvoi : 98-17902), [Référence INCADAT : HC/E/FR 498] ;

Et comparer avec:

Cass. Civ. 1ère 25 janvier 2005 (N° de pourvoi : 02-17411), [Référence INCADAT : HC/E/FR 708] ;

Cass. Civ. 1ère 14 juin 2005 (N° de pourvoi : 04-16942), [Référence INCADAT : HC/E/FR 844] ;

Cass. Civ. 1ère 13 juillet 2005 (N° de pourvoi : 05-10519), [Référence INCADAT : HC/E/FR 845] ;

CA. Amiens 4 mars 1998, n°5704759, [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;

CA. Grenoble 29 mars 2000 M. c. F., [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;

CA. Paris 7 février 2002 (N° de pourvoi : 2001/21768), [Référence INCADAT : HC/E/FR 849] ;

CA. Paris, 20/09/2002 (N° de pourvoi : 2002/13730), [Référence INCADAT : HC/E/FR 850] ;

CA. Aix en Provence 8 octobre 2002, L c. Ministère Public, Mme B. et Mesdemoiselles L. (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;

CA. Paris 27 octobre 2005, 05/15032 [Référence INCADAT : HC/E/FR 814] ;

Cass. Civ. 1ère 14 décembre 2005 (N° de pourvoi : 05-12934) [Référence INCADAT : HC/E/FR @889@] ;

Cass. Civ. 1ère 14 November 2006 (N° de pourvoi : 05-15692) [Référence INCADAT : HC/E/FR @890@].

Pour des exemples récents où le retour a été refusé sur le fondement de l'article 13(1) b) :

Cass. Civ. 1ère 12 Décembre 2006 (N° de pourvoi : 05-22119) [Référence INCADAT : HC/E/FR @891@] ;

Cass. Civ. 1ère 17 Octobre 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR @946@]. 

L'interprétation donnée à l'article 13(1) b) par la Cour d'appel de Rouen en 2006, quoique simplement obiter, rappelle l'interprétation permissive qui était constante au début des années 1990. Voir :

CA. Rouen, 9 Mars 2006, N°05/04340 [Référence INCADAT : HC/E/FR @897@].