CASE

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Case Name

Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, 19 décembre 2012, Référé No 882/2012

INCADAT reference

HC/E/LU 740

Court

Country

LUXEMBOURG

Name

Tribunal d'arrondissement

Level

First Instance

Judge(s)
Gehlen (Premier Juge), Van der Stricht (greffière assumée)

States involved

Requesting State

NETHERLANDS - KINGDOM IN EUROPE

Requested State

LUXEMBOURG

Decision

Date

19 December 2012

Status

Final

Grounds

Habitual Residence - Art. 3 | Removal and Retention - Arts 3 and 12 | Settlement of the Child - Art. 12(2) | Brussels IIa Regulation (Council Regulation (EC) No 2201/2003 of 27 November 2003)

Order

Return refused

HC article(s) Considered

3 12 13(1)(b)

HC article(s) Relied Upon

13(1)(b) 12(2)

Other provisions
Articles 1109 et 1110 du Nouveau Code de procédure civile du Luxembourg; Article 11 du Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003); Article 3(1) de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989
Authorities | Cases referred to
Neulinger and Shuruk v. Switzerland (Application No 41615/07), Grand Chamber [Référence INCADAT : HC/E/ 1323]; Cour de cassation française, 1ère chambre civile, 14 juin 2005; Cour d'appel de Luxembourg, 30 octobre 2002, No de rôle 26941 [Référence INCADAT : HC/E/LU 667].
Published in

-

INCADAT comment

Article 12 Return Mechanism

Return
After 12 Month Period

Exceptions to Return

Settlement of the child
Settlement of the Child

SUMMARY

Summary available in FR

Faits

L'affaire concernait trois enfants vivant au Pays-Bas dont les parents, mariés en 2001, avaient converti leur mariage en partenariat enregistré en 2004. En 2009, ce partenariat enregistré fut dissout par le Tribunal de Breda (Pays-Bas). La résidence des enfants fut fixée chez la mère mais les deux parents conservaient la garde conjointe sur les trois enfants.

Le 18 octobre 2010, la mère informa le père de son intention de déménager au Luxembourg avec les enfants. Le 22 octobre 2010, le père informa la mère qu'il s'opposait au déménagement et, le 24 décembre 2010, il demanda au Tribunal de Breda l'interdiction à la mère de déménager avec les enfants au Luxembourg.

Le 30 décembre 2010, la mère déménagea avec les enfants au Luxembourg. Le 31 décembre 2010, le Tribunal rejeta la demande du père et le 24 mai 2011, cette décision fut confirmée en appel. Le 30 décembre 2011, le père engagea une demande de retour en vertu de la Convention de La Haye auprès de l'Autorité centrale des Pays-Bas, qui parvint à l'Autorité centrale du Luxembourg le 31 juillet 2012.

Dispositif

Retour refusé ; le déplacement était illicite mais le délai d'un an prévu par la Convention n'avait pas été respecté et les enfants étaient manifestement intégrés au Luxembourg.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3


Le juge nota que les enfants avaient toujours vécu avec leur mère aux Pays-Bas jusqu'à la date du déplacement en cause ; il était établi qu'ils y avaient leur résidence habituelle.

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12


Le fait que les deux parents avaient la garde conjointe des enfants, et que le père avait un droit de garde au sens de la Convention, n'était pas contesté.  Le juge releva aussi que le père s'était opposé au déménagement de la mère avec les enfants en déposant la demande d'interdiction de déménagement du 24 décembre 2010 et que « le père n'ayant pas donné son consentement au déplacement des enfants, il fa[llait] retenir que qu'il y a[vait] déplacement illicite des trois enfants » au sens de l'article 3 de la Convention de La Haye.

Intégration de l'enfant - art. 12(2)
Le juge nota que la demande de retour avait été introduite par le père le 30 décembre 2011 et en conclut que « le délai d'un an prévu à l'article 12 alinéa de la convention n'a[vait] pas été respecté ». Le juge observa que d'après l'article 12(2), « l'autorité judiciaire de l'État requis n'[était] pas tenue d'ordonner le retour après l'expiration de la période d'un an s'il [était] établi que l'enfant [était] intégré dans son nouveau milieu ».

Le juge nota aussi que la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) retenait que l'intérêt supérieur de l'enfant devait constituer la considération déterminante dans la recherche du juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, la notion d'intérêt supérieur de l'enfant étant sous-jacente à la Convention de La Haye (Neulinger and Shuruk v. Switzerland (Application No 41615/07), Grand Chamber [Référence INCADAT : HC/E/ 1323]).

Le juge rappela le principe posé par la Convention de La Haye selon lequel, sauf circonstances exceptionnelles, le déplacement ou non-retour illicite de l'enfant était contraire à son intérêt supérieur et la discussion sur le fond du droit de garde devait être engagée devant les juridictions de l'État où l'enfant avait sa résidence habituelle. Le juge observa que l'intérêt de l'enfant comportait deux aspects : le maintien des liens avec sa famille, et la garantie d'une évolution dans un environnement sain (Neulinger and Shuruk v. Switzerland).

A ce titre, le juge nota que « le nouveau foyer familial des enfants a[vait] été décrit comme harmonieux, les enfants s'y plais[ai]ent, que chacun [y avait] sa propre chambre et que la maison familiale [était] spacieuse et dans un bon état d'entretien ». Le juge releva aussi l'affirmation de l'avocat des enfants que ces derniers ne désiraient pas retourner aux Pays-Bas pour y vivre avec leur père.

Enfin, le juge souligna le fait que les enfants «viv[ai]ent et évolu[ai]ent depuis bientôt deux ans dans le nouveau milieu maternel, de sorte que la mère représent[ait] pour eux la seule personne de référence, élément déterminant pour assurer aux enfants la stabilité nécessaire pour qu'ils puissent évoluer positivement».

Le juge en conclut que «séparer les trois enfants de leur mère à un moment où la présence maternelle [était] essentielle à leur bien-être, et les arracher à l'environnement auquel ils [étaient] actuellement habitués, notamment à leurs grands-parents maternels, [aurait risqué] de compromettre gravement leur état psychique».

Les enfants ayant vécu près de deux ans en harmonie avec la mère au Luxembourg où ils avaient leurs repères, étaient manifestement intégrés et connaissaient la stabilité nécessaire à leur bon développement, le juge trouva qu'il n'était pas dans leur intérêt de les obliger à retourner vivre aux Pays-Bas. Le juge rejeta la demande de retour.

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

-

Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003)

-

Commentaire INCADAT

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Résumé INCADAT en cours de préparation.

Intégration de l'enfant

La notion d'intégration ne fait pas encore l'objet d'une interprétation uniforme. La question se pose notamment de savoir si l'intégration doit s'entendre littéralement ou être interprétée à la lumière des objectifs de la Convention. Dans les États faisant prévaloir la deuxième alternative, la charge de la preuve est plus lourde pour le parent ravisseur et l'exception d'application plus rare.

Parmi les États les plus exigeants en ce qui concerne la preuve de l'intégration de l'enfant, on peut citer :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re N. (Minors) (Abduction) [1991] 1 FLR 413, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 106] ;
Dans cette espèce, il fut décidé que la notion d'intégration dépassait celle d'adaptation au nouveau milieu. L'intégration implique un élément de relation physique avec une communauté et un environnement. Elle contient un élément émotionnel traduisant la sécurité et la stabilité.

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Pour un commentaire critique de Re N., voir :

L.Collins et al., Dicey, Morris & Collins on the Conflict of Laws: fourteenth edition, London, Sweet & Maxwell, 2006, para. 19 à 121.

Il convient toutefois de noter que plus récemment l'Angleterre a vu se développer une analyse de la notion d'intégration centrée sur l'enfant. On se réfèrera à la décision de la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. Cette décision pourrait remettre en cause la jurisprudence antérieure.

Toutefois cette décision n'a apparemment pas affaibli les exigences posées en la matière par la Common Law comme en témoigne Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].

Royaume-Uni - Écosse
Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Pour que l'article 12(2) trouve à s'appliquer, il faut que l'intérêt qu'a l'enfant à rester dans son nouveau milieu soit si fort qu'il dépasse l'objectif premier de la Convention selon lequel il appartient au juge du lieu de la résidence habituelle qu'avait l'enfant au moment de l'enlèvement de décider de l'avenir de celui-ci.

P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963]

L'intégration existe dans les situations stables, dont on peut s'attendre qu'elles durent. Il convient d'opérer une certaine projection dans l'avenir.

C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962]

États-Unis d'Amérique
In re Interest of Zarate, No. 96 C 50394 (N.D. Ill. Dec. 23, 1996), [Référence INCADAT : HC/E/USf  134]

Une interprétation littérale du concept d'intégration a été préférée dans les États suivants :

Australie
Director-General, Department of Community Services v. M. and C. and the Child Representative (1998) FLC 92-829; [Référence INCADAT : HC/E/AU 291];

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825]

L'impact de la différence d'interprétation est sans doute plus marqué lorsque ce sont des jeunes enfants qui sont en cause.

Il a été décidé que l'intégration doit s'apprécier du point de vue du jeune enfant en :

Autriche
7Ob573/90 Oberster Gerichtshof, 17/05/1990, [Référence INCADAT : HC/E/AT 378] ;

Australie
Secretary, Attorney-General's Department v. T.S. (2001) FLC 93-063, [Référence INCADAT : HC/E/AU 823] ;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824] ;

Israël
Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit,  [Référence INCADAT : HC/E/IL 938] ;

Monaco
R 6136; M. Le Procureur Général contre M. H. K, [Référence INCADAT : HC/E/MC 510] ;

Suisse
Präsidium des Bezirksgerichts St. Gallen (Cour cantonale de St. Gallen) (Suisse), décision du 8 Septembre 1998, 4 PZ 98-0217/0532N, [Référence INCADAT : HC/E/CH 431].

Une approche centrée sur l'enfant a également été adoptée dans des décisions importantes rendues à propos d'enfants plus grands, l'accent étant mis sur l'opinion de l'enfant.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937];

France
CA Paris 27 Octobre 2005, 05/15032, [Référence INCADAT : HC/E/FR 814];

Québec
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

En revanche, c'est une analyse plus objective de l'intégration qui a été préférée aux États-Unis d'Amérique :

David S. v. Zamira S., 151 Misc. 2d 630, 574 N.Y.S. 2d 429 (Fam. Ct. 1991), [Référence INCADAT : HC/E/USs 208];
Les enfants, âgés de 3 ans et 1 an ½ n'avaient pas établi de liens importants dans leur nouveau milieu de Brooklyn. Ils ne participaient pas aux activités scolaires, extrascolaires, religieuses, sociales ou communautaires auxquelles des enfants plus âgés se livrent.