AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Norinder v. Fuentes, 657 F.3d 526 (7th Cir. 2011)

Référence INCADAT

HC/E/US 1138

Juridiction

Pays

États-Unis d'Amérique - Niveau fédéral

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Suède

État requis

États-Unis d'Amérique

Décision

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Résidence habituelle
Résidence habituelle

Mise en œuvre & difficultés d’application

Questions procédurales
Frais

RÉSUMÉ

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Faits

La procédure concernait un enfant né aux États-Unis d'Amérique en février 2008 d'une mère américaine et d'un père suédois. Les parents étaient mariés. En juillet 2008, la famille emménagea en Suède. L'objectif de ce déménagement était contesté par les parents. Leur relation en Suède était difficile et la mère quitta le domicile familial à plusieurs reprises.

Le 17 mars 2010, la mère emmena l'enfant aux États-Unis d'Amérique pour deux semaines de vacances. Le 7 avril, jour du retour prévu, elle informa le père qu'elle et l'enfant resteraient aux États-Unis. Après un mois de recherche, le père localisa la mère. Il introduisit une demande de retour le 26 mai 2010.

Le 23 juillet 2010, le U.S. District Court for the Southern District of Illinois (tribunal américain du district sud de l'Illinois) ordonna le retour de l'enfant en Suède. Le 17 novembre 2010, le Tribunal ordonna le paiement des dépens par la mère, à hauteur de 150 570 dollars. La mère interjeta appel de ces deux décisions.

Dispositif

Recours rejeté et retour ordonné ; l'enfant avait sa résidence habituelle en Suède à l'époque du non-retour et les conditions requises par l'article 13(1)(b) de la Convention de La Haye de 1980 sur l'enlèvement d'enfants pour reconnaître qu'il existe un risque grave que l'enfant soit exposé à un danger n'étaient pas réunies.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3


La Court of Appeals for the Seventh Circuit (Cour d'appel du septième ressort) a indiqué avoir suivi l'analyse de la résidence habituelle développée par la Cour d'appel du neuvième ressort dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001). Il s'agissait de déterminer si un lieu de résidence antérieur (les États-Unis d'Amérique dans le cas considéré) était effectivement abandonné et une nouvelle résidence établie (en Suède en l'espèce) « par les agissements et l'intention conjointes des parents, comme par le passage du temps ».

Au vu des preuves, la Cour a rejeté les arguments de la mère, selon lesquels elle n'avait jamais eu avec le père l'intention d'abandonner les États-Unis d'Amérique comme résidence habituelle pour elle et son enfant (80 % des biens avaient été envoyés en Suède, un statut de résident permanent avait été octroyé, des leçons de suédois avaient été prises, aucune résidence n'avait été conservée aux États-Unis). Avoir l'intention ou l'espoir de retourner dans un pays n'empêche pas d'établir une nouvelle résidence.

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère a fait valoir que le père exposait l'enfant à un risque grave de danger. Elle a indiqué en l'espèce que le couple s'était violemment battu à plusieurs reprises. Au cours d'un de ces épisodes, le père avait jeté l'enfant au sol. Il était de plus pharmacodépendant et faisait un usage immodéré de l'alcool. Le père a contesté ces allégations, qui ont été rejetées par le juge de première instance.

La Cour a estimé que les scènes de violence passées représentaient des « querelles domestiques mineures », plutôt que des violences susceptibles de porter préjudice à l'enfant. De plus, étant donné que l'application de la Convention visait à déterminer la juridiction compétente pour statuer sur le différend, non régler le litige lui-même, le risque devait être réellement grave. « Des preuves claires et convaincantes » devaient être apportées car « toute condition moins contraignante créerait une situation où l'exception absorberait la règle ».

La Cour a accepté l'analyse du juge de première instance selon laquelle le père n'avait jamais jeté l'enfant au sol et les problèmes d'alcool et de dépendance, quels qu'ils fussent, n'entachaient pas la décision.

Questions procédurales


Divulgation des preuves (discovery) :
La mère a argué que le juge de première instance avait limité à tort la phase d'investigation de la cause préalable au procès (pre-trial discovery), réduisant ainsi sa faculté à démontrer que le père exposait l'enfant à un risque grave de danger. La Cour d'appel a examiné les actions de l'équipe juridique de la mère et du juge de première instance.

Elle a relevé inter alia, que des éléments additionnels de preuve avaient été demandés pour la première fois la veille de l'audience prévue et que le juge avait requis du père une dispense afin de produire les documents, notamment médicaux, souhaités par la mère (le père avait alors fourni des documents à caractère médical et professionnel, mais aucun élément relatif aux médicaments délivrés sur ordonnance dans le passé).

La Cour d'appel a considéré qu'il convenait de déterminer si le juge de première instance n'aurait pas dû refuser la divulgation additionnelle des preuves. Elle a indiqué que la décision ne serait infirmée que si un préjudice réel et substantiel en découlait.

La Cour a considéré le refus d'une divulgation additionnelle de preuves comme justifiée car le temps était compté dans cette affaire. Elle a indiqué que les juges avaient toute latitude pour limiter la discovery lorsqu'une divulgation additionnelle viendrait compromettre le règlement du différend et que la Convention de La Haye privilégiait une procédure accélérée afin d'assurer un retour rapide des enfants à la bonne juridiction.

Elle a estimé que l'ordonnance de retour était similaire à la décision du juge de premier degré dans le cadre d'une injonction préjudicielle ou d'un ordre temporaire de restriction des droits. Dans les deux cas, les éléments de preuve doivent être produits rapidement, le juge doit s'approprier les faits et une décision doit être rendue après une procédure accélérée. Rien ne pouvait être objecté à la manière dont le juge avait traité cette affaire.

Dépens :
La mère a fait valoir inter alia, qu'étant dans une situation financière extrêmement difficile, les dépens ne pouvaient aucunement lui être imputés. Cet argument a été rejeté par la Cour d'appel. Alors qu'un juge en appel, dans une affaire en vertu de la Convention, pouvait considérer des frais comme excessifs et résultant d'une erreur d'appréciation s'ils empêchaient le parent défendeur de s'occuper de l'enfant, en l'espèce, la mère avait admis que ses revenus potentiels annuels s'élevaient à 300 000 dollars.

Auteur du résumé : Peter McEleavy

Commentaire INCADAT

Résidence habituelle

L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.

L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.

Tendances générales:

La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant

La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :

Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]

Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]

Voir aussi :

Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].

Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale

Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].

Voir aussi :

Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.

Approche centrée sur l'intention parentale

Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.

Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger.  Voir par exemple :

Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;

Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;

Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.

La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :

Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;

Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;

Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.

Autres États contractants

Dans d'autres États contractants, la position a évolué :

Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).

8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].

Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.

Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :

2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].

La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :

Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].

La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré  que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.

Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :

Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;

Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].

Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :

décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;

FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].

Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :

S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].

Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :

5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.

Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].

Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :

R. Schuz, « Habitual Residence of  Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;

R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.

Frais

Résumé INCADAT en cours de préparation.