HC/E/DK 519
Danemark
Vestre Landsret; High Court, Western Division (Danemark)
Deuxième Instance
Israël
Danemark
11 January 2002
Définitif
Risque grave - art. 13(1)(b)
Retour ordonné
-
La mère estimait que la sécurité en Israël, surtout après les attentats du 11 septembre 2001, était telle que les populations civiles vivant dans le pays se trouvaient en grand danger ; selon elle, cette situation était en partie la motivation de son départ. Elle prétendait que le retour de l'enfant dans ce pays serait de nature à l'exposer à un risque grave de danger physique ou psychologique ou à une situation intolérable. Elle faisait notamment référence aux conseils en matière de voyage qui avaient été publiés par le ministère britannique des affaires étrangères : ”Nous conseillons vivement de ne pas aller en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, dans la région de la ferme de Sheba/Har Dov à la frontière libano-israélienne et dans les zones frontalières entre Israël et Gaza. Des conflits violents sont continuellement recencés entre israéliens et palestiniens en divers endroits de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Les attaques terroristes continuent en Israël et dans les territoires occupés, y compris à Jerusalem. Le risque d'attaques imprévisibles et aveugles reste très grand. Les attentats suicide et à la voiture piégée sont utilisés contre des zones fréquentées et les transports publics. (…) Le risque d'attentat terroriste en Israël et dans les territoires occupés est très grand en cette période de crise du processus de paix au Moyen-Orient. Les cibles incluent les zones très fréquentées telles que les centres commerciaux, les rues commerciales, les bars, les boites de nuit, les restaurants et les transports publics. Des attentats suicides ou à la voiture piégée ont été utilisés contre toutes ces cibles …” Selon le père, la situation n'avait pas sensiblement changé depuis que la famille s'était installée en Israël pour la première fois dans les années 1980, ni depuis le 11 septembre 2001. L'article 13 alinéa 1 b ne pouvait être appliqué simplement parce qu'il vivait en Israël. La cour danoise estima que le fait qu'un Etat fasse l'objet d'attaques terroristes ou risque d'en être la cible ne suffit pas à créer un danger sérieux et concret pour la santé physique et psychologique d'un enfant au sens de l'article 11 paragraphe 2 de la loi danoise mettant en oeuvre la Convention de La Haye et l'article 13 alinéa 1 b de cette Convention. Le fait qu'un Etat soit en situation de guerre ou proche d'une situation de guerre peut toutefois conduire à l'application des dispositions sus-mentionnées si une menace concrète et sérieuse existe et a été identifiée à la suite d'un examen de la situation concrète. La cour reconnut qu'Israël avait été l'objet de nombreuses attaques suicides dans un passé récent, lesquels avaient fait de nombreuses victimes innocentes ; cela avait donné lieu à des attaques de rétorsion de la part d'Israël qui avaient elles aussi causé des victimes. Toutefois, la cour estima que la situation sécuritaire n'avait pas fondamentalement changé depuis le début de l'Intifada de septembre 2000 et les attaques du 11 Septembre. En outre, le risque d'attentat était un risque d'ordre général qui affectait essentiellement les zones publiques. Ce risque avait d'ailleurs été toléré par la mère jusqu'à son départ en octobre 2001. Dès lors, le retour de l'enfant fut ordonné.
Une exception de l'article 13(1)(b) a parfois été invoquée mettant en cause non pas un risque individuel pour l'enfant mais résultant des conditions de vie dans l'État de la résidence habituelle.
Dans l'arrêt d'appel fameux rendu aux États-Unis d'Amérique dans Friedrich v. Friedrich, 78 F.3d 1060 (6th Cir. 1996) [Référence INCADAT : HC/E/USf 82], la Cour constata entre autres qu'un risque grave ne pouvait être pris en compte que lorsque le retour est de nature à exposer l'enfant à un danger immédiat pouvant se matérialiser avant la résolution de la question de la garde, par exemple dans le cas où l'enfant est renvoyé dans une zone de guerre ou de famine.
La question s'est notamment posée au regard d'un retour en Israël.
Retour en Israël
La question de savoir si le retour d'enfants en Israël est de nature à les exposer à un risque grave de danger a divisé les tribunaux appelés à se prononcer sur ce point. Une majorité de juridictions a considéré que ce n'était pas le cas. Voir :
Argentine
A. v. A [Référence INCADAT : HC/E/AR 487]
Australie
Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81 [Référence INCADAT : HC/E/AU 995]
Belgique
N° 03/3585/A, Tribunal de première instance de Bruxelles, 17/4/2003 [Référence INCADAT : HC/E/BE 547]
Canada
Docket No 1 F 3709/00; C., 4 décembre 2001, Superior Court of Justice, Ontario, Court File No 01-FA-10575
Danemark
V.L.K., 11. januar 2002, 13. afdeling, B-2939-01, Vestre Landsret; High Court, Western Division [Référence INCADAT : HC/E/DK 519]
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (A Child) (Abduction: Grave Risk of Harm) [2002] 3 FCR 43, [2002] EWCA Civ 908 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 469]
France
CA Aix en Provence, 8 octobre 2002, No de RG 02/14917 [Référence INCADAT : HC/E/FR 509]
Allemagne
1 F 3709/00, Familiengericht Zweibrücken (Family Court), 25 January 2001 [Référence INCADAT: HC/E/DE 392]
États-Unis d'Amérique
Freier v. Freier, 969 F. Supp. 436 (E.D. Mich. 1996) [Référence INCADAT : HC/E/USf 133]
Toutefois, l'argument a été accueilli dans certaines affaires :
Australie
Janine Claire Genish-Grant and Director-General Department of Community Services [2002] FamCA 346 [Référence INCADAT : HC/E/AU 458]
États-Unis d'Amérique
Silverman v. Silverman, 2002 U.S. Dist. LEXIS 8313 [Référence INCADAT : HC/E/USf 481] (voir néanmoins Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/US 530]
Retour au Zimbabwe
La Chambre des Lords britannique, instance suprême du Royaume-Uni a rejeté l'argument selon lequel le climat politique et moral était tel au Zimbabwe que le retour d'enfants dans ce pays serait de nature à les exposer à un risque grave de danger psychologique ou à une situation intolérable.
Re M. (Abduction: Zimbabwe) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].
Retour au Mexique
CA Rennes, 28 juin 2011, No de RG 11/02685 [Référence INCADAT : HC/E/FR 1129]
La mère citait la pollution existant à Mexico, l'insécurité générée par la délinquance dans la métropole de Mexico ainsi que les risques sismiques. Toutefois elle ne montrait pas en quoi ces risques touchaient personnellement et directement les enfants. Elle n'avait pas mentionné ces facteurs pour justifier son choix de s'établir en France dans un document adressé au père en 2010, mais avait fait état de difficultés financières et familiales. En outre, la Cour nota que ces facteurs ne l'avaient pas dissuadé de vivre à Mexico de 1998 à 2010 et d'y avoir élevé deux enfants. Elle releva encore que la mère n'avait pas cru opportun de demander l'autorisation aux autorités mexicaines de s'établir en France avec les enfants, sans expliquer les raisons qui, selon elle, pourraient compromettre son droit à un procès équitable au Mexique.
La Cour clarifia qu'elle n'affirmait pas que les éléments soulevés par la mère étaient dénués de fondement. Ils pourraient être éventuellement utilisés dans le cadre de la question de la garde, mais ne suffisaient pas à établir l'existence d'un risque grave de danger.
(Auteur du résumé : Peter McEleavy, Avril 2013)