AFFAIRE

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Nom de l'affaire

CAA Paris, 11 juillet 1997, No 96PA01389

Référence INCADAT

HC/E/FR 522

Juridiction

Pays

France

Nom

Cour Administrative d'appel de Paris (France)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Canada

État requis

France

Décision

Date

11 July 1997

Statut

-

Motifs

Rôle des Autorités centrales - art. 6 - 10 | Questions procédurales

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

3 8 27

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

27

Autres dispositions
Article 374 du Code civil français; Articles 1, 8 et 14 de la Convention européenne de droits de l'homme; Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989
Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Mécanisme de retour

Droit de garde
La notion de droit de garde au sens de la Convention

Mise en œuvre & difficultés d’application

Mesures facilitant le retour de l’enfant
Coopération des Autorités centrales

RÉSUMÉ

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Faits

L'enfant, âgé d'environ 1 an et demi à la date du déplacement dont le caractère illicite était allégué, était né en France de mère canadienne. Le 13 mai 1992, la mère partit s'installer à Montréal (Canada) avec l'enfant. Par lettres en date des 5 mars et 21 avril 1993, le père a demandé au garde des sceaux (l'autorité centrale française) de lui prêter assistance en vue d'assurer le retour de l'enfant.

Le 7 juin 1993, le garde des Sceaux a refusé d'accéder à la demande du père au motif que "la mère seule disposait de l'autorité parentale au moment du déplacement", de sorte que celui-ci ne pouvait être qualifié d'illicite au sens de la Convention de 1980. Le père saisit le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à voir annuler la décision ministérielle du 7 juin 1993.

Le 21 février 1996, le Tribunal administratif rejeta sa demande, estimant qu'il n'était pas compétent pour connaître de l'affaire. Le père forma un recours contre cette décision et contre la décision ministérielle du 7 juin 1993.

Dispositif

Recours partiellement admis: le tribunal administratif était bien compétent pour statuer sur la demande. Mais la demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle est rejetée car la décision de 1993 était justifiée en application de l'article 27 de la Convention de 1980.

Motifs

Rôle des Autorités centrales - art. 6 - 10

Le père souhaitait voir la cour constater qu'au moment du déplacement, il avait l'autorité parentale sur l'enfant, de sorte que l'autorité centrale aurait dû accepter d'intervenir. Pour cela, il prétendait que l'article 374 du code civil, qui est relatif à l'autorité parentale, était contraire à des dispositions conventionnelles internationales. Cette disposition, telle qu'applicable à l'espèce, prévoyait en effet qu'un enfant naturel reconnu par ses deux parents, est en principe automatiquement sous l'autorité parentale de la mère, le père pouvant toutefois demander judiciairement la garde légale et physique (conjointe ou exclusive) de l'enfant. La cour administrative d'appel indique que même si l'article 374 du code civil, dans sa rédaction de 1987 applicable à l'espèce, était contraire aux articles 1, 8 et 14 de la CEDH et aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant de 1990 (ce qui n'est pas recherché par la cour), rien ne permettait de supposer qu'il disposait d'un droit de garde sur l'enfant au moment de son déplacement. Dès lors, selon la cour, l'autorité centrale ne pouvait que considérer la demande que comme manifestement mal fondée en application de l'article 27 de la Convention.

Questions procédurales

La cour administrative d'appel a considéré que les juridictions administratives françaises étaient bien compétentes pour connaître des demandes d'annulation des décisions rendues par l'autorité centrale française. En effet, selon la cour, de telles décisions ministérielles n'impliquent pas nécessairement les rapports entre l'Etat français et un gouvernement étranger et ne peuvent, dès lors, être considérées comme des actes de gouvernement insusceptibles de recours. En outre, la cour ajoute qu'en l'espèce, la décision du 7 mai 1993 ne se rattachait à aucune procédure judiciaire relative à la garde (ressortissant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire), de sorte que les juridictions administratives avaient bien compétence pour statuer sur cette décision.

Commentaire INCADAT

Cette décision a été partiellement annulée par le conseil d'Etat le 30 juin 1999. Voy le résumé : [Référence INCADAT : HC/E/FR 523]. Une étude doctrinale portant sur ces questions a été publiée: S & V Corneloup, Revue Critique de Droit International Privé 1999, p. 641.

La notion de droit de garde au sens de la Convention

Les tribunaux d'un nombre très majoritaire d'États considèrent que le droit pour un parent de s'opposer à ce que l'enfant quitte le pays est un droit de garde au sens de la Convention. Voir :

Australie
In the Marriage of Resina [1991] FamCA 33, [Référence INCADAT : HC/E/AU 257];

State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567 [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ;

Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;

Autriche
2 Ob 596/91, 05 February 1992, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT : HC/E/AT 375] ;

Canada
Thomson v. Thomson [1994] 3 SCR 551, 6 RFL (4th) 290 [Référence INCADAT : HC/E/CA 11] ;

La Cour suprême distingua néanmoins selon que le droit de veto avait été donné dans une décision provisoire ou définitive, suggérant que considérer un droit de veto accordé dans une décision définitive comme un droit de garde aurait d'importantes conséquences sur la mobilité du parent ayant la garde physique de l'enfant.

Thorne v. Dryden-Hall, (1997) 28 RFL (4th) 297 [Référence INCADAT : HC/E/CA 12] ;

Decision of 15 December 1998, [1999] R.J.Q. 248 [Référence INCADAT : HC/E/CA 334] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654, [1989] 2 All ER 465, [1989] 1 FLR 403, [1989] Fam Law 228 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 34] ;

Re D. (A child) (Abduction: Foreign custody rights) [2006] UKHL 51, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880] ;

France
Ministère Public c. M.B. 79 Rev. crit. 1990, 529, note Y. Lequette [Référence INCADAT : HC/E/FR 62] ;

Allemagne
2 BvR 1126/97, Bundesverfassungsgericht, (Federal Constitutional Court), [Référence INCADAT : HC/E/DE 338] ;

10 UF 753/01, Oberlandesgericht Dresden, [Référence INCADAT : HC/E/DE 486] ;

Royaume-Uni - Écosse
Bordera v. Bordera 1995 SLT 1176 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 183];

A.J. v. F.J. [2005] CSIH 36, 2005 1 SC 428 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 803].

Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC), [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309].

Suisse
5P.1/1999, Tribunal fédéral suisse, (Swiss Supreme Court), 29 March 1999, [Référence INCADAT : HC/E/CH 427].

États-Unis d'Amérique
Les cours d'appel fédérales des États-Unis étaient divisées entre 2000 et 2010 quant à l'interprétation à donner à la notion de garde.

Elles ont suivi majoritairement la position de la Cour d'appel du second ressort, laquelle a adopté une interprétation stricte. Voir :

Croll v. Croll, 229 F.3d 133 (2d Cir., 2000; cert. den. Oct. 9, 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 313] ;

Gonzalez v. Gutierrez, 311 F.3d 942 (9th Cir 2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 493] ;

Fawcett v. McRoberts, 326 F.3d 491, 500 (4th Cir. 2003), cert. denied 157 L. Ed. 2d 732, 124 S. Ct. 805 (2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 494] ;

Abbott v. Abbott, 542 F.3d 1081 (5th Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 989].

La Cour d'appel du 11ème ressort a néanmoins adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger.

Furnes v. Reeves 362 F.3d 702 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 578].

La question a été tranchée, du moins lorsqu'il s'agit d'un parent demandeur qui a le droit de décider du lieu de résidence habituelle de son enfant ou bien lorsqu'un tribunal de l'État de résidence habituelle de l'enfant cherche à protéger sa propre compétence dans l'attente d'autres jugements, par la Court suprême des États-Unis d'Amérique qui a adopté l'approche suivie à l'étranger.

Abbott v. Abbott (US SC 2010), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1029]

La Cour européenne des droits de l'homme a adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger, voir:
 
Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No. 41615/07, 8 January 2009 [Référence INCADAT :HC/E/ 1001].

Décision confirmée par la Grande Chambre: Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No 41615/07, 6 July 2010 [Référence INCADAT :HC/E/ 1323].

Droit de s'opposer à un déplacement

Quand un individu n'a pas de droit de veto sur le déplacement d'un enfant hors de son État de residence habituelle mais peut seulement s'y opposer et demander à un tribunal d'empêcher un tel déplacement, il a été considéré dans plusieurs juridictions que cela n'était pas suffisant pour constituer un droit de garde au sens de la Convention:

Canada
W.(V.) v. S.(D.), 134 DLR 4th 481 (1996), [Référence INCADAT :HC/E/CA 17];

Ireland
W.P.P. v. S.R.W. [2001] ILRM 371, [Référence INCADAT :HC/E/IE 271];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re V.-B. (Abduction: Custody Rights) [1999] 2 FLR 192, [Référence INCADAT :HC/E/UKe 261];

S. v. H. (Abduction: Access Rights) [1998] Fam 49 [Référence INCADAT :HC/E/UKe 36];

Royaume-Uni - Écosse
Pirrie v. Sawacki 1997 SLT 1160, [Référence INCADAT :HC/E/UKs 188].

Cette interprétation a également été retenue par la Cour de justice de l'Union européenne:

Case C-400/10 PPU J. McB. v. L.E., [Référence INCADAT :HC/E/ 1104].

La Cour de justice a jugé qu'une décision contraire serait incompatible avec les exigences de sécurité juridique et la nécessité de protéger les droits et libertés des autres personnes impliquées, notamment ceux du détenteur de la garde exclusive de l'enfant.

Voir les articles suivants :

P. Beaumont et P.McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 75 et seq. ;

M. Bailey, « The Right of a Non-Custodial Parent to an Order for Return of a Child Under the Hague Convention », Canadian Journal of Family Law, 1996, p. 287 ;

C. Whitman, « Croll v. Croll: The Second Circuit Limits ‘Custody Rights' Under the Hague Convention on the Civil Aspects of International Child Abduction », Tulane Journal of International and Comparative Law, 2001 , p. 605.

Coopération des Autorités centrales

Résumé INCADAT en cours de préparation.