AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

TGI Guingamp, 2 septembre 1999, No de RG 99/00777

Référence INCADAT

HC/E/FR 713

Juridiction

Pays

France

Nom

Tribunal de Grande Instance de Guingamp (France)

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Royaume-Uni

État requis

France

Décision

Date

2 September 1999

Statut

Définitif

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b) | Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2) | Questions procédurales

Décision

Retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

13(1)(b) 13(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b) 13(2)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Risque grave de danger
Jurisprudence française
Opposition de l’enfant
Influence parentale sur l'opinion de l'enfant

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'enfant, un garçon, était âgé de 13 ans à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. Les parents avaient divorcé; l'enfant résidait chez son père en Angleterre, la mère ayant un droit de visite.

A l'issue d'une période de visite et d'hébergement en France chez sa mère, l'enfant ne rentra pas en Angleterre comme prévu. Le père demanda le retour de l'enfant.

Dispositif

Retour ordonné ; le non-retour était illicite et aucune exception n'était applicable.

Motifs

Risque grave - art. 13(1)(b)

La mère prétendait que le retour de l'enfant en Angleterre l'exposerait à un risque grave dans la mesure où, selon elle, le père consommait des drogues dures.

Le juge releva que les parents avaient connu un divorce très conflictuel et très médiatisé et que l'argument de la consommation de drogue du père avait déjà été utilisé en 1995.

Il ajouta que la mère n'apportait aucun élément de preuve en ce sens; qu'au contraire, le juge anglais qui avait été saisi de la question de la garde de l'enfant avait déjà eu à connaître de cette allégation et avait fait passer un test au père au début de l'année 1999, qui s'était avéré négatif.

Le juge conclut que l'exception alléguée par la mère ne reposait sur aucun fondement sérieux.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)
La mère soutenait par ailleurs que l'enfant voulait vivre avec elle en France.

Le juge constata que vu la carence de la mère, qui n'avait pas jugé utile d'amener son fils au tribunal pour qu'une audition puisse intervenir (voir « questions procedurals » ), il convenait d'examiner les informations fournies sur la situation sociale de l'enfant.

Il constata que l'autorité anglaise avait estimé que si l'enfant avait dit à sa mère qu'il préférait vivre avec elle, c'est simplement parce que dans des affaires combattues avec autant d'amertume, les enfants disent généralement au parent ce qu'il a envie d'entendre.

Cet aspect avait été pris en considération par le juge anglais saisi de la question de la garde et qui, recherchant une vie stable pour l'enfant, avait décidé de le confier au père.

Le juge conclut que ces déclarations de l'enfant reflétaient les hésitations d'un adolescent de 13 ans, prisonnier du conflit parental et n'ayant pas forcément la maturité nécessaire ni le désir de choisir, en toute conscience, le parent avec lequel il pourrait vivre. Il décida d'ordonner le retour de l'enfant en Angleterre.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

-

Questions procédurales

Lors de l'audience, le 27 août 1999, le juge estima nécessaire d'auditionner l'enfant. La mère indiqua qu'il lui faudrait une heure aller-retour pour aller chercher l'enfant et l'amener au tribunal.

Le juge avisa la mère qu'il ne disposait d'aucun moyen coercitif pour la contraindre de ramener son fils et qu'à défaut pour elle d'être de retour au tribunal une heure plus tard, la décision serait rendue le 2 septembre.

La mère n'ayant pas amené l'enfant au tribunal dans le délai qui lui était imparti, c'est ce qui se produisit, le juge en tira les conséquences dans le cadre de l'article 13(2).

Commentaire INCADAT

Jurisprudence française

Le traitement de l'article 13(1) b) a évolué. L'interprétation permissive initialement privilégiée par les cours a fait place à une interprétation plus stricte.

Les jugements de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, rendus du milieu à la fin des années 1990 contrastent avec la position des juridictions d'appel et des arrêts de cassation plus récents. Voir :

Cass. Civ. 1ère 12 juillet 1994, Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt ; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT : HC/E/FR 103] ;

Cass. Civ. 1ère 21 novembre 1995 (Pourvoi N° 93-20140), [Référence INCADAT : HC/E/FR 514] ;

Cass. Civ. 1ère 22 juin 1999, (N° de pourvoi : 98-17902), [Référence INCADAT : HC/E/FR 498] ;

Et comparer avec:

Cass. Civ. 1ère 25 janvier 2005 (N° de pourvoi : 02-17411), [Référence INCADAT : HC/E/FR 708] ;

Cass. Civ. 1ère 14 juin 2005 (N° de pourvoi : 04-16942), [Référence INCADAT : HC/E/FR 844] ;

Cass. Civ. 1ère 13 juillet 2005 (N° de pourvoi : 05-10519), [Référence INCADAT : HC/E/FR 845] ;

CA. Amiens 4 mars 1998, n°5704759, [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;

CA. Grenoble 29 mars 2000 M. c. F., [Référence INCADAT : HC/E/FR 274] ;

CA. Paris 7 février 2002 (N° de pourvoi : 2001/21768), [Référence INCADAT : HC/E/FR 849] ;

CA. Paris, 20/09/2002 (N° de pourvoi : 2002/13730), [Référence INCADAT : HC/E/FR 850] ;

CA. Aix en Provence 8 octobre 2002, L c. Ministère Public, Mme B. et Mesdemoiselles L. (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;

CA. Paris 27 octobre 2005, 05/15032 [Référence INCADAT : HC/E/FR 814] ;

Cass. Civ. 1ère 14 décembre 2005 (N° de pourvoi : 05-12934) [Référence INCADAT : HC/E/FR @889@] ;

Cass. Civ. 1ère 14 November 2006 (N° de pourvoi : 05-15692) [Référence INCADAT : HC/E/FR @890@].

Pour des exemples récents où le retour a été refusé sur le fondement de l'article 13(1) b) :

Cass. Civ. 1ère 12 Décembre 2006 (N° de pourvoi : 05-22119) [Référence INCADAT : HC/E/FR @891@] ;

Cass. Civ. 1ère 17 Octobre 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR @946@]. 

L'interprétation donnée à l'article 13(1) b) par la Cour d'appel de Rouen en 2006, quoique simplement obiter, rappelle l'interprétation permissive qui était constante au début des années 1990. Voir :

CA. Rouen, 9 Mars 2006, N°05/04340 [Référence INCADAT : HC/E/FR @897@].

Influence parentale sur l'opinion de l'enfant

Les juridictions appliquant l'article 13(2) ont reconnu qu'il était essentiel de définir si l'opposition de l'enfant au retour avait été influencée par le parent ravisseur.

Les juges de nombreux États contractants ont rejeté les arguments fondés sur l'article 13(2) lorsqu'il était clair que l'enfant n'exprimait pas une opinion indépendante.

Voir notamment :

Australie
Director General of the Department of Community Services v. N., 19 août 1994, transcription, Family Court of Australia (Sydney), [Référence INCADAT : HC/E/AU 231] ;

Canada
J.E.A. v. C.L.M. (2002), 220 D.L.R. (4th) 577 (N.S.C.A.), [Référence INCADAT : HC/E/CA 754] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 87].

Bien que la question ne se soit pas posée en l'espèce, la Cour d'appel a affirmé que peu ou pas de poids devait être accordé à l'opposition d'un enfant si celui-ci a été influencé par le parent ravisseur ou toute autre personne.

Finlande
Cour d'appel d'Helsinki: No. 2933, [Référence INCADAT : HC/E/FI 863].

France
CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [INCADAT cite: HC/E/FR 947].

Une juridiction d'appel modéra la force probante de l'opposition au motif que les enfants avaient vécu longuement avec le parent ravisseur et sans contact avec le parent victime avant d'être entendus, observant également que les faits dénoncés par les enfants avaient par ailleurs été pris en compte par les autorités de l'État de la résidence habituelle.

Allemagne
4 UF 223/98, Oberlandesgericht Düsseldorf, [Référence INCADAT : HC/E/DE 820] ;

Hongrie
Mezei v. Bíró 23.P.500023/98/5. (27. 03. 1998, Central District Court of Budapest; First Instance); 50.Pkf.23.732/1998/2. 16. 06. 1998., (Capital Court as Appellate Court) [Référence INCADAT : HC/E/HU 329] ;

Israël
Appl. App. Dist. Ct. 672/06, Supreme Court 15 October 2006 [Référence INCADAT : HC/E/IL 885] ;

Royaume-Uni - Écosse
A.Q. v. J.Q., 12 December 2001, transcript, Outer House of the Court of Session (Scotland) [Référence INCADAT : HC/E/UKs 415] ;

Espagne
Auto Audiencia Provincial Nº 133/2006 Pontevedra (Sección 1ª), Recurso de apelación Nº 473/2006 [Référence INCADAT : HC/E/ES 887] ;

Restitución de Menores 534/1997 AA [Référence INCADAT : HC/E/ES 908].

Suisse
Le Tribunal fédéral suisse a estimé que l'opposition des enfants ne pouvait jamais être entièrement indépendante. Dès lors il convenait de distinguer selon que l'enfant avait ou non été manipulé. Voir :

5P.1/2005 /bnm, Bundesgericht II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT : HC/E/CH 795] ;

États-Unis d'Amérique
Robinson v. Robinson, 983 F. Supp. 1339 (D. Colo. 1997), [Référence INCADAT : HC/E/USf 128].

Dans cette espèce, la District Court estima qu'il ne serait pas réaliste de prétendre qu'un parent aimant n'influence pas la préférence de l'enfant dans une certaine mesure de sorte que la question de savoir si l'un des parents a indûment influencé l'enfant ne devrait pas se poser.

Toutefois il a été décidé dans deux affaires que la preuve de l'influence parentale ne devrait pas empêcher l'audition d'un enfant. Voir :

Allemagne
2 BvR 1206/98, Bundesverfassungsgericht (Federal Constitutional Court),[Référence INCADAT : HC/E/DE 233] ;

Nouvelle-Zélande
Winters v. Cowen [2002] NZFLR 927, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 473].

Il se peut également que l'influence d'un parent n'ait que peu d'effet sur la position de l'enfant. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901].

La Cour d'appel ne rejeta pas la suggestion selon laquelle l'opinion de l'enfant avait été influencée ou que celui-ci avait été entraîné à penser d'une certaine façon du fait de son immersion dans une atmosphère hostile au père, mais n'y accorda que peu d'importance.

Dans une affaire israélienne, le juge estima que l'enfant avait subi un véritable lavage de cerveau de la part de la mère de sorte que son opinion ne devait pas être prise au sérieux. Toutefois le juge considéra que la nature extrême des réactions de l'enfant interrogé sur un possible retour (menace de suicide) était telle que son opinion ne pouvait être ignorée. Le juge estima dans ce cas que le retour exposerait l'enfant à un risque grave de danger. Voir :

Family Appeal 1169/99 R. v. L. [Référence INCADAT : HC/E/IL 834].