AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238

Référence INCADAT

HC/E/CNh 825

Juridiction

Pays

Chine (Hong Kong, RAS)

Nom

High Court of the Hong Kong Special Administrative Region Court of First Instance Miscellaneous Proceedings

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Australie

État requis

Chine (Hong Kong, RAS)

Décision

Date

14 June 2004

Statut

Définitif

Motifs

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

Décision

Retour refusé

Article(s) de la Convention visé(s)

12(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

12(2)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Exceptions au retour

Intégration de l'enfant
Intégration de l'enfant
Pouvoir d'ordonner le retour nonobstant l'intégration

RÉSUMÉ

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Faits

La demande concernait deux enfants : un garçon né en mars 1991 et sa soeur née en novembre 1994. Ils avaient vécu avec leurs parents à Hong Kong et en Australie. En avril 1999, les parents divorcèrent mais la famille continua à partager la même maison à Perth en Australie.

Toutefois, après un incident, la mère décida de demander la garde des enfants en juillet 1999. Le père emmena unilatéralement les enfants à Hong Kong en août 1999. Après plusieurs semaines, ils les emmena en Chine métropolitaine pour les y laisser aux soins de leur grand-mère paternelle.

En mars 2000, l'Autorité centrale australienne informa les autorités de Hong Kong de la situation de sorte que les enfants furent placés sur une liste afin qu'ils puissent être facilement identifiés. Malgré tout, les enfants ne furent pas inquiétés à leur retour à Hong Kong en décembre 2002 et jusqu'à ce que le père demande le statut de résident permanent pour son fils en avril 2004. Une procédure en vue du retour fut introduite en mai 2004.

Dispositif

Retour refusé ; le déplacement était illicite mais les enfants étaient désormais intégrés dans leur nouveau milieu.

Motifs

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

Selon la mère, il convenait que le délai d'un an de l'article 12 soit considéré comme ayant commencé à courir à partir du moment de la localisation des enfants, de sorte que la question de l'intégration n'avait pas à se poser. Pour cela on faisait référence à la doctrine du 'tribut équitable' telle qu'elle est appliquée par certaines cours américaines. Analysant les termes de la Convention et la jurisprudence, le juge rejeta cette présentation. Il reconnut que les enfants avaient été caches délébérément par leur père ais estima que cela n'avait pas suspendu le délai de l'article 12 alinéa 1. A cet égard il observa que le recours offert par la Convention ne pouvait pas être ouvert indéfiniment: il arrivait un moment où le retour immédiat perdait sa raison d'être. Quelle que soit la question de la culpabilité morale de l'un des parents, on ne pouvait méconaître qu'un retour pourrait être fondamentalement perturbant pour l'enfant en cause. S'agissant de l'interprétation à donner au concept d'intégration, le juge estima qu'une interprétation littérale, telle que celle privilégiée en Australie devait être préférée à l'interprétation stricte suivie par les juridictions anglaises. Il souligna néanmoins que la charge de la preuve n'était pas légère. Appliquant cette interprétation aux faits, il estima que les enfants s'étaient intégrés à Hong Kong dans les 16 mois qu'ils y avaient passé. Il fit observer qu'il n'avait pas été allégué que les enfants avaient dû vivre dans l'ombre. Le juge se demanda ensuite s'il lui appartenait d'ordonner le retour dans le cadre d'un pouvoir discrétionnaire de ce faire. Il estima qu'un tel pouvoir n'existait pas mais mentionna que s'il avait existé il n'aurait pas ordonné le retour des enfants.

Commentaire INCADAT

Intégration de l'enfant

La notion d'intégration ne fait pas encore l'objet d'une interprétation uniforme. La question se pose notamment de savoir si l'intégration doit s'entendre littéralement ou être interprétée à la lumière des objectifs de la Convention. Dans les États faisant prévaloir la deuxième alternative, la charge de la preuve est plus lourde pour le parent ravisseur et l'exception d'application plus rare.

Parmi les États les plus exigeants en ce qui concerne la preuve de l'intégration de l'enfant, on peut citer :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re N. (Minors) (Abduction) [1991] 1 FLR 413, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 106] ;
Dans cette espèce, il fut décidé que la notion d'intégration dépassait celle d'adaptation au nouveau milieu. L'intégration implique un élément de relation physique avec une communauté et un environnement. Elle contient un élément émotionnel traduisant la sécurité et la stabilité.

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Pour un commentaire critique de Re N., voir :

L.Collins et al., Dicey, Morris & Collins on the Conflict of Laws: fourteenth edition, London, Sweet & Maxwell, 2006, para. 19 à 121.

Il convient toutefois de noter que plus récemment l'Angleterre a vu se développer une analyse de la notion d'intégration centrée sur l'enfant. On se réfèrera à la décision de la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. Cette décision pourrait remettre en cause la jurisprudence antérieure.

Toutefois cette décision n'a apparemment pas affaibli les exigences posées en la matière par la Common Law comme en témoigne Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].

Royaume-Uni - Écosse
Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Pour que l'article 12(2) trouve à s'appliquer, il faut que l'intérêt qu'a l'enfant à rester dans son nouveau milieu soit si fort qu'il dépasse l'objectif premier de la Convention selon lequel il appartient au juge du lieu de la résidence habituelle qu'avait l'enfant au moment de l'enlèvement de décider de l'avenir de celui-ci.

P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963]

L'intégration existe dans les situations stables, dont on peut s'attendre qu'elles durent. Il convient d'opérer une certaine projection dans l'avenir.

C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962]

États-Unis d'Amérique
In re Interest of Zarate, No. 96 C 50394 (N.D. Ill. Dec. 23, 1996), [Référence INCADAT : HC/E/USf  134]

Une interprétation littérale du concept d'intégration a été préférée dans les États suivants :

Australie
Director-General, Department of Community Services v. M. and C. and the Child Representative (1998) FLC 92-829; [Référence INCADAT : HC/E/AU 291];

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825]

L'impact de la différence d'interprétation est sans doute plus marqué lorsque ce sont des jeunes enfants qui sont en cause.

Il a été décidé que l'intégration doit s'apprécier du point de vue du jeune enfant en :

Autriche
7Ob573/90 Oberster Gerichtshof, 17/05/1990, [Référence INCADAT : HC/E/AT 378] ;

Australie
Secretary, Attorney-General's Department v. T.S. (2001) FLC 93-063, [Référence INCADAT : HC/E/AU 823] ;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824] ;

Israël
Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit,  [Référence INCADAT : HC/E/IL 938] ;

Monaco
R 6136; M. Le Procureur Général contre M. H. K, [Référence INCADAT : HC/E/MC 510] ;

Suisse
Präsidium des Bezirksgerichts St. Gallen (Cour cantonale de St. Gallen) (Suisse), décision du 8 Septembre 1998, 4 PZ 98-0217/0532N, [Référence INCADAT : HC/E/CH 431].

Une approche centrée sur l'enfant a également été adoptée dans des décisions importantes rendues à propos d'enfants plus grands, l'accent étant mis sur l'opinion de l'enfant.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937];

France
CA Paris 27 Octobre 2005, 05/15032, [Référence INCADAT : HC/E/FR 814];

Québec
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

En revanche, c'est une analyse plus objective de l'intégration qui a été préférée aux États-Unis d'Amérique :

David S. v. Zamira S., 151 Misc. 2d 630, 574 N.Y.S. 2d 429 (Fam. Ct. 1991), [Référence INCADAT : HC/E/USs 208];
Les enfants, âgés de 3 ans et 1 an ½ n'avaient pas établi de liens importants dans leur nouveau milieu de Brooklyn. Ils ne participaient pas aux activités scolaires, extrascolaires, religieuses, sociales ou communautaires auxquelles des enfants plus âgés se livrent.

Pouvoir d'ordonner le retour nonobstant l'intégration

Au contraire de l'exception de l'article 13, l'article 12(2) ne prévoit pas expressément la possibilité pour les juridictions saisies de la demande de retour de disposer d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner le retour en cas d'intégration. Lorsque la question s'est posée, il apparaît néanmoins que les cours ont majoritairement  admis le caractère discrétionnaire de l'application de cette disposition.  La question s'est toutefois posée en des termes très variables :

Australie
La question n'a pas été définitivement résolue mais il semble que la Cour d'appel a sous-entendu le caractère discrétionnaire de l'article 12(2), référence faite à la jurisprudence anglaise et écossaise. Voir :

Director-General Department of Families, Youth and Community Care v. Moore, (1999) FLC 92-841 [Référence INCADAT : HC/E/AU 276].

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
La jurisprudence anglaise déduisait l'existence d'un pouvoir discrétionnaire de l'article 18, voir :

Re S. (A Minor) (Abduction) [1991] 2 FLR 1, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 163];

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Toutefois cette interprétation a été expressément rejetée par la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. La majorité des juges estima que l'article 12(2) laissait ouverte la question de savoir si le retour pouvait discrétionnairement être ordonné nonobstant l'intégration. Les juges soulignèrent que l'article 18 ne donne pas un nouveau pouvoir d'ordonner le retour d'un enfant mais se réfère simplement à un pouvoir préexistant en droit interne.

Irlande
Il a été fait référence à la jurisprudence ancienne anglaise et à l'article 18 pour justifier l'existence d'un pouvoir discrétionnaire :

P. v. B. (No. 2) (Child Abduction: Delay) [1999] 4 IR 185; [1999] 2 ILRM 401, [Référence INCADAT : HC/E/IE 391];

Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, le pouvoir discrétionnaire est prévu par la législation de mise en œuvre de la Convention. Voir :

Secretary for Justice (as the NZ Central Authority on behalf of T.J.) v. H.J. [2006] NZSC 97, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 882]

Royaume-Uni - Écosse
Quoique la question n'ait pas été envisagée en détail puisqu'en l'espèce il n'y avait pas eu intégration, il fut suggéré que l'application de l'exception avait un caractère discrétionnaire, référence étant faite à l'article 18.

Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Parmi les décisions qui n'ont pas usé de pouvoir discrétionnaire dans le cadre de l'application de l'article 12(2), voir :

Australie
State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232], - ultérieurement discuté;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re C. (Abduction: Settlement) [2004] EWHC 1245, [2005] 1 FLR 127, (Fam), [Référence INCADAT :  HC/E/UKe 596] - ultérieurement remis en cause;

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825];

Canada (Québec)
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 , [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

L'article 18 n'ayant pas été reproduit dans la loi mettant en œuvre la Convention au Québec, il a été considéré que le juge ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire en cas d'intégration.

Sur l'usage d'un pouvoir discrétionnaire lorsque l'enfant enlevé s'est intégré dans son nouveau milieu, voir :

P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 204 et seq.

R. Schuz, « In Search of a Settled Interpretation of Art 12(2) of the Hague Child Abduction Convention » Child and Family Law Quarterly, 2008.