AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

5A.713/2007 Bundesgericht, II. Zivilabteilung, 28/2/2008

Référence INCADAT

HC/E/CH 985

Juridiction

Pays

Suisse

Nom

Bundesgericht, II. Zivilabteilung,

Degré

Instance Suprême

États concernés

État requérant

Afrique du Sud

État requis

Suisse

Décision

Date

28 February 2008

Statut

Définitif

Motifs

Droit de garde - art. 3

Décision

Recours rejeté, retour refusé

Article(s) de la Convention visé(s)

3 14 16 19

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Interprétation de la Convention
Concepts autonomes

Mécanisme de retour

Droit de garde
La notion de droit de garde au sens de la Convention

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'affaire concernait un garçon qui était né et avait vécu les premiers mois de sa vie en Afrique du Sud. Ses parents n'étaient pas mariés et s'étaient séparés en avril 2006. A partir de juin 2006, les parents entamèrent des procédures en vue de régler la question de la garde de l'enfant.

Le 14 octobre 2006, la mère emmena l'enfant en Suisse. Le père saisit les juridictions sud-africaines d'une demande tendant à faire reconnaitre qu'au moment du déplacement l'enfant les juridictions sud-africaines avaient la garde implicite de l'enfant.

Le 22 décembre 2006 la High Court décida qu'au moment du déplacement, elle avait bien la garde de l'enfant au sens de l'article 3 de la Convention. La mère forma appel de cette décision mais au moment de la décision du tribunal fédéral suisse, la cour d'appel compétente n'avait pas encore statué en Afrique du Sud.

En mai 2007, le père demanda le retour de l'enfant. En première instance comme en appel, il fut débouté par les juridictions suisses. Selon elles, au moment du déplacement la mère seule avait la garde de l'enfant. Le père forma un recours devant le Tribunal fédéral.

Dispositif

Recours rejeté; décision de rejet de la demande de retour confirmée. Ce n'était qu'à partir du 22 décembre 2006 que la High Court avait la garde implicite de l'enfant; le déplacement n'avait donc pas été illicite.

Motifs

Droit de garde - art. 3


Le père faisait valoir qu'il n'appartenait pas aux juridictions suisses de remettre en cause une décision de garde rendue dans l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant.

Le Tribunal fédéral reconnut que l'argument était exact mais indiqua qu'il était dénué de pertinence. Par sa décision de décembre 2006, la High court n'avait pas statué matériellement sur la garde. En outre, la seule question qui se posait en l'espèce était celle de l'illicéité de l'enlèvement et cette question relevait bien de la compétence des juridictions suisses, lesquelles devaient appliquer pour cela le droit de l'État de la résidence habituelle.

Par une ordonnance de retour on cherchait à restaurer le status quo ante. Dès lors, des décisions rendues postérieurement n'étaient pas pertinentes au regard de l'article 3.

Le Tribunal expliqua que la notion de « ward of court » avait bien été développée dans des pays de tradition anglo-américaine. Cette notion inconnue en droit romano-germanique renvoyait à l'idée qu'un tribunal saisi de la garde d'un enfant obtenait de ce fait la garde de celui-ci pendant la durée de l'instance, ce qui supposait que les parents ne l'avaient plus. Cette institution juridique devait être appréhendée sous réserve du jeu de l'article 20 de la Convention.

Il ajouta toutefois qu'en l'espèce une difficulté particulière existait: en droit sud-africain, la notion de « ward of court » était inconnue jusqu'à la décision de décembre 2006. Cette décision avait fait oeuvre créatrice en admettant pour la première fois cette institution juridique. Or seul le moment du déplacement importait, pour des raisons de sécurité juridique, de légalité et de prévisibilité.

Au moment de son départ en Suisse, la mère se savait avoir la garde exclusive de l'enfant et pouvait donc de bonne foi quitter l'Afrique du Sud, ne pouvant pas s'attendre à ce qu'une décision subséquente puisse avoir un effet rétroactif. En conséquence, au moment du déplacement, aucun droit de garde n'était violé de sorte que le déplacement n'était pas illicite.

Commentaire INCADAT

Concepts autonomes

Résumé INCADAT en cours de préparation.

La notion de droit de garde au sens de la Convention

Les tribunaux d'un nombre très majoritaire d'États considèrent que le droit pour un parent de s'opposer à ce que l'enfant quitte le pays est un droit de garde au sens de la Convention. Voir :

Australie
In the Marriage of Resina [1991] FamCA 33, [Référence INCADAT : HC/E/AU 257];

State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567 [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ;

Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;

Autriche
2 Ob 596/91, 05 February 1992, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT : HC/E/AT 375] ;

Canada
Thomson v. Thomson [1994] 3 SCR 551, 6 RFL (4th) 290 [Référence INCADAT : HC/E/CA 11] ;

La Cour suprême distingua néanmoins selon que le droit de veto avait été donné dans une décision provisoire ou définitive, suggérant que considérer un droit de veto accordé dans une décision définitive comme un droit de garde aurait d'importantes conséquences sur la mobilité du parent ayant la garde physique de l'enfant.

Thorne v. Dryden-Hall, (1997) 28 RFL (4th) 297 [Référence INCADAT : HC/E/CA 12] ;

Decision of 15 December 1998, [1999] R.J.Q. 248 [Référence INCADAT : HC/E/CA 334] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654, [1989] 2 All ER 465, [1989] 1 FLR 403, [1989] Fam Law 228 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 34] ;

Re D. (A child) (Abduction: Foreign custody rights) [2006] UKHL 51, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880] ;

France
Ministère Public c. M.B. 79 Rev. crit. 1990, 529, note Y. Lequette [Référence INCADAT : HC/E/FR 62] ;

Allemagne
2 BvR 1126/97, Bundesverfassungsgericht, (Federal Constitutional Court), [Référence INCADAT : HC/E/DE 338] ;

10 UF 753/01, Oberlandesgericht Dresden, [Référence INCADAT : HC/E/DE 486] ;

Royaume-Uni - Écosse
Bordera v. Bordera 1995 SLT 1176 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 183];

A.J. v. F.J. [2005] CSIH 36, 2005 1 SC 428 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 803].

Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC), [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309].

Suisse
5P.1/1999, Tribunal fédéral suisse, (Swiss Supreme Court), 29 March 1999, [Référence INCADAT : HC/E/CH 427].

États-Unis d'Amérique
Les cours d'appel fédérales des États-Unis étaient divisées entre 2000 et 2010 quant à l'interprétation à donner à la notion de garde.

Elles ont suivi majoritairement la position de la Cour d'appel du second ressort, laquelle a adopté une interprétation stricte. Voir :

Croll v. Croll, 229 F.3d 133 (2d Cir., 2000; cert. den. Oct. 9, 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 313] ;

Gonzalez v. Gutierrez, 311 F.3d 942 (9th Cir 2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 493] ;

Fawcett v. McRoberts, 326 F.3d 491, 500 (4th Cir. 2003), cert. denied 157 L. Ed. 2d 732, 124 S. Ct. 805 (2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 494] ;

Abbott v. Abbott, 542 F.3d 1081 (5th Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 989].

La Cour d'appel du 11ème ressort a néanmoins adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger.

Furnes v. Reeves 362 F.3d 702 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 578].

La question a été tranchée, du moins lorsqu'il s'agit d'un parent demandeur qui a le droit de décider du lieu de résidence habituelle de son enfant ou bien lorsqu'un tribunal de l'État de résidence habituelle de l'enfant cherche à protéger sa propre compétence dans l'attente d'autres jugements, par la Court suprême des États-Unis d'Amérique qui a adopté l'approche suivie à l'étranger.

Abbott v. Abbott (US SC 2010), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1029]

La Cour européenne des droits de l'homme a adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger, voir:
 
Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No. 41615/07, 8 January 2009 [Référence INCADAT :HC/E/ 1001].

Décision confirmée par la Grande Chambre: Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No 41615/07, 6 July 2010 [Référence INCADAT :HC/E/ 1323].

Droit de s'opposer à un déplacement

Quand un individu n'a pas de droit de veto sur le déplacement d'un enfant hors de son État de residence habituelle mais peut seulement s'y opposer et demander à un tribunal d'empêcher un tel déplacement, il a été considéré dans plusieurs juridictions que cela n'était pas suffisant pour constituer un droit de garde au sens de la Convention:

Canada
W.(V.) v. S.(D.), 134 DLR 4th 481 (1996), [Référence INCADAT :HC/E/CA 17];

Ireland
W.P.P. v. S.R.W. [2001] ILRM 371, [Référence INCADAT :HC/E/IE 271];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re V.-B. (Abduction: Custody Rights) [1999] 2 FLR 192, [Référence INCADAT :HC/E/UKe 261];

S. v. H. (Abduction: Access Rights) [1998] Fam 49 [Référence INCADAT :HC/E/UKe 36];

Royaume-Uni - Écosse
Pirrie v. Sawacki 1997 SLT 1160, [Référence INCADAT :HC/E/UKs 188].

Cette interprétation a également été retenue par la Cour de justice de l'Union européenne:

Case C-400/10 PPU J. McB. v. L.E., [Référence INCADAT :HC/E/ 1104].

La Cour de justice a jugé qu'une décision contraire serait incompatible avec les exigences de sécurité juridique et la nécessité de protéger les droits et libertés des autres personnes impliquées, notamment ceux du détenteur de la garde exclusive de l'enfant.

Voir les articles suivants :

P. Beaumont et P.McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 75 et seq. ;

M. Bailey, « The Right of a Non-Custodial Parent to an Order for Return of a Child Under the Hague Convention », Canadian Journal of Family Law, 1996, p. 287 ;

C. Whitman, « Croll v. Croll: The Second Circuit Limits ‘Custody Rights' Under the Hague Convention on the Civil Aspects of International Child Abduction », Tulane Journal of International and Comparative Law, 2001 , p. 605.