HC/E/USf 1029
UNITED STATES - FEDERAL JURISDICTION
United States Supreme Court
Superior Appellate Court
CHILE
UNITED STATES - FEDERAL JURISDICTION
17 May 2010
Final
Aims of the Convention - Preamble, Arts 1 and 2 | Rights of Custody - Art. 3 | Interpretation of the Convention
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La Cour a décidé qu'interpréter la violation d'un droit de véto relatif au déplacement comme donnant droit de déposer une demande de retour dans le cadre de la Convention était conforme avec l'objet et les buts de l'instrument, notamment son effet dissuasif. La Cour a souligné l'importance de la neutralité judiciaire, soulignant que les juges devaient s'efforcer de ne pas suivre la tendance commune à préférer leur propre société et culture.
Le juge Kennedy, rejoint par le président Roberts ainsi que les juges Scalia, Ginsburg, Alito et Sotomayor, a présenté l'opinion de la Cour. La Cour a disposé que le contenu du droit du père devait être déterminé en fonction du droit chilien mais que la décision relative à l'équivalence de ce droit avec un droit de garde devait être prise à la lumière du texte et de la structure de la Convention.
En vertu du droit chilien, le père disposait du droit de décider du pays de résidence de son enfant. La Cour a admis les éléments de preuve indiquant qu'aucun des parents ne pouvait décider « unilatéralement » du lieu de résidence de l'enfant. La Cour a déterminé que le droit de véto du père relatif au déplacement (ne exeat) lui conférait à la fois le droit partagé « de décider [du] lieu de résidence [de l'enfant] » et le droit partagé « portant sur les soins de la personne de l'enfant ».
L'expression « lieu de résidence » a été considérée comme recouvrant le pays de résidence de l'enfant, en particulier à la lumière du but explicite de la Convention d'empêcher les déplacements illicites à travers les frontières internationales. Toutefois, même si les termes faisaient seulement référence à l'adresse postale dans un pays, un droit de véto relatif au déplacement permettrait encore au père de « décider » de ce lieu. Il en découle que la protection par la Convention du droit de garde d'un parent de « décider [du] lieu de résidence » de l'enfant comprend le droit de véto relatif au déplacement.
La Cour a ensuite précisé que le droit partagé du père de décider du pays de résidence de l'enfant lui conférait également un « droit portant sur les soins de la personne de l'enfant ». Elle a à ce sujet estimé que la langue et l'identité d'un enfant, ainsi que la culture et les traditions auxquelles il est exposé sont inextricablement liées à son pays de résidence.
La Cour a estimé comme non pertinent le fait qu'un droit de véto relatif au déplacement ne corresponde pas aux notions traditionnelles de la garde physique. C'est la compréhension de ce terme au sens de la Convention qui comptait et suivre cette définition contribuerait à promouvoir une cohérence internationale dans l'interprétation de la Convention. En outre, l'interprétation de la Cour d'appel selon laquelle une violation d'un droit de véto relatif au déplacement ne donnerait pas lieu à une demande de retour reviendrait à vider la Convention de son sens.
Un droit de véto relatif au déplacement doit être distingué d'un droit de visite car le premier ne peut être honoré que par une demande de retour puisqu'il dépend du fait que l'enfant se trouve dans le pays de résidence habituelle. La Cour a rejeté l'argument selon lequel une ordonnance de non déplacement (ne exeat) serait simplement un mécanisme destiné à protéger la compétence de la juridiction saisie de l'affaire en premier lieu.
Elle a précisé que même une ordonnance de non déplacement délivrée pour protéger la compétence d'une juridiction en attendant que des décisions soient rendues était compatible avec l'octroi à un parent de la possibilité de s'opposer au déplacement de l'enfant hors du pays.
La Cour a estimé qu'il ne lui était pas nécessaire de se prononcer sur le statut d'ordonnances de non déplacement auxquelles faisaient défaut les dispositions relatives au consentement parental. Mais dans le cas d'espèce, les droits conférés au père par la loi chilienne nécessitaient clairement son consentement préalable pour que l'enfant puisse être emmené hors du pays.
Opinion dissidente
Le juge Stevens a déposé une opinion dissidente à laquelle se sont joints les juges Thomas et Breyer. L'opinion dissidente a rejeté l'interprétation par la Cour de la Convention et de l'intention de ses auteurs, ainsi que son analyse de l'équilibre de la jurisprudence internationale.
Elle a remarqué que si le droit de garde pouvait être partagé par deux parents, il n'en découlait pas pour autant que les auteurs aient souhaité qu'un droit de véto limité soit considéré comme un droit de garde. Elle a estimé que la lecture large et flexible de la Cour détruisait la distinction soigneuse faite par les auteurs entre droit de garde et droit de visite.
Exercice effectif
La Cour a estimé qu'un droit de véto relatif au déplacement est par nature incomplet et n'a par conséquent aucune force opératoire sauf lorsque l'autre parent cherche à déplacer l'enfant hors du pays. Quand cela se produit, le parent dépossédé peut exercer ce droit en refusant de consentir au déplacement ou en y posant des conditions. Lorsque le consentement n'a pas été cherché, on se trouve dans une situation dans laquelle le droit « eût été [exercé] si [le déplacement ou le non-retour] n'étaient survenus ».
Se référant à un large éventail de décisions internationales, la Cour a noté que cette jurisprudence confirmait une acceptation large de la règle selon laquelle un droit de véto relatif au déplacement est un droit de garde.
De même, les universitaires et experts se joignaient eux aussi au consensus international émergeant en convenant qu'un droit de véto relatif au déplacement est un droit de garde, même si cette opinion n'avait pas été formulée de manière générale au moment de la rédaction de la Convention. La Cour s'est également appuyée sur le rapport explicatif Perez-Vera.
Cette décision a renversé la jurisprudence Abbott v. Abbott 542 F.3d 1081 (5th Cir. 2008) [Référence INCADAT : HC/E/USf 989] de la Cour d'appel des États-Unis pour le cinquième circuit.
Les tribunaux d'un nombre très majoritaire d'États considèrent que le droit pour un parent de s'opposer à ce que l'enfant quitte le pays est un droit de garde au sens de la Convention. Voir :
Australie
In the Marriage of Resina [1991] FamCA 33, [Référence INCADAT : HC/E/AU 257];
State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567 [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ;
Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT : HC/E/AU 294] ;
Autriche
2 Ob 596/91, 05 February 1992, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT : HC/E/AT 375] ;
Canada
Thomson v. Thomson [1994] 3 SCR 551, 6 RFL (4th) 290 [Référence INCADAT : HC/E/CA 11] ;
La Cour suprême distingua néanmoins selon que le droit de veto avait été donné dans une décision provisoire ou définitive, suggérant que considérer un droit de veto accordé dans une décision définitive comme un droit de garde aurait d'importantes conséquences sur la mobilité du parent ayant la garde physique de l'enfant.
Thorne v. Dryden-Hall, (1997) 28 RFL (4th) 297 [Référence INCADAT : HC/E/CA 12] ;
Decision of 15 December 1998, [1999] R.J.Q. 248 [Référence INCADAT : HC/E/CA 334] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654, [1989] 2 All ER 465, [1989] 1 FLR 403, [1989] Fam Law 228 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 34] ;
Re D. (A child) (Abduction: Foreign custody rights) [2006] UKHL 51, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880] ;
France
Ministère Public c. M.B. 79 Rev. crit. 1990, 529, note Y. Lequette [Référence INCADAT : HC/E/FR 62] ;
Allemagne
2 BvR 1126/97, Bundesverfassungsgericht, (Federal Constitutional Court), [Référence INCADAT : HC/E/DE 338] ;
10 UF 753/01, Oberlandesgericht Dresden, [Référence INCADAT : HC/E/DE 486] ;
Royaume-Uni - Écosse
Bordera v. Bordera 1995 SLT 1176 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 183];
A.J. v. F.J. [2005] CSIH 36, 2005 1 SC 428 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 803].
Afrique du Sud
Sonderup v. Tondelli 2001 (1) SA 1171 (CC), [Référence INCADAT : HC/E/ZA 309].
Suisse
5P.1/1999, Tribunal fédéral suisse, (Swiss Supreme Court), 29 March 1999, [Référence INCADAT : HC/E/CH 427].
États-Unis d'Amérique
Les cours d'appel fédérales des États-Unis étaient divisées entre 2000 et 2010 quant à l'interprétation à donner à la notion de garde.
Elles ont suivi majoritairement la position de la Cour d'appel du second ressort, laquelle a adopté une interprétation stricte. Voir :
Croll v. Croll, 229 F.3d 133 (2d Cir., 2000; cert. den. Oct. 9, 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 313] ;
Gonzalez v. Gutierrez, 311 F.3d 942 (9th Cir 2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 493] ;
Fawcett v. McRoberts, 326 F.3d 491, 500 (4th Cir. 2003), cert. denied 157 L. Ed. 2d 732, 124 S. Ct. 805 (2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 494] ;
Abbott v. Abbott, 542 F.3d 1081 (5th Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 989].
La Cour d'appel du 11ème ressort a néanmoins adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger.
Furnes v. Reeves 362 F.3d 702 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 578].
La question a été tranchée, du moins lorsqu'il s'agit d'un parent demandeur qui a le droit de décider du lieu de résidence habituelle de son enfant ou bien lorsqu'un tribunal de l'État de résidence habituelle de l'enfant cherche à protéger sa propre compétence dans l'attente d'autres jugements, par la Court suprême des États-Unis d'Amérique qui a adopté l'approche suivie à l'étranger.
Abbott v. Abbott (US SC 2010), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1029]
La Cour européenne des droits de l'homme a adopté l'approche majoritairement suivie à l'étranger, voir:
Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No. 41615/07, 8 January 2009 [Référence INCADAT :HC/E/ 1001].
Décision confirmée par la Grande Chambre: Neulinger & Shuruk v. Switzerland, No 41615/07, 6 July 2010 [Référence INCADAT :HC/E/ 1323].
Droit de s'opposer à un déplacement
Quand un individu n'a pas de droit de veto sur le déplacement d'un enfant hors de son État de residence habituelle mais peut seulement s'y opposer et demander à un tribunal d'empêcher un tel déplacement, il a été considéré dans plusieurs juridictions que cela n'était pas suffisant pour constituer un droit de garde au sens de la Convention:
Canada
W.(V.) v. S.(D.), 134 DLR 4th 481 (1996), [Référence INCADAT :HC/E/CA 17];
Ireland
W.P.P. v. S.R.W. [2001] ILRM 371, [Référence INCADAT :HC/E/IE 271];
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re V.-B. (Abduction: Custody Rights) [1999] 2 FLR 192, [Référence INCADAT :HC/E/UKe 261];
S. v. H. (Abduction: Access Rights) [1998] Fam 49 [Référence INCADAT :HC/E/UKe 36];
Royaume-Uni - Écosse
Pirrie v. Sawacki 1997 SLT 1160, [Référence INCADAT :HC/E/UKs 188].
Cette interprétation a également été retenue par la Cour de justice de l'Union européenne:
Case C-400/10 PPU J. McB. v. L.E., [Référence INCADAT :HC/E/ 1104].
La Cour de justice a jugé qu'une décision contraire serait incompatible avec les exigences de sécurité juridique et la nécessité de protéger les droits et libertés des autres personnes impliquées, notamment ceux du détenteur de la garde exclusive de l'enfant.
Voir les articles suivants :
P. Beaumont et P.McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 75 et seq. ;
M. Bailey, « The Right of a Non-Custodial Parent to an Order for Return of a Child Under the Hague Convention », Canadian Journal of Family Law, 1996, p. 287 ;
C. Whitman, « Croll v. Croll: The Second Circuit Limits ‘Custody Rights' Under the Hague Convention on the Civil Aspects of International Child Abduction », Tulane Journal of International and Comparative Law, 2001 , p. 605.