HC/E/CA 754
CANADA
Nova Scotia Court of Appeal
Appellate Court
UNITED STATES OF AMERICA
CANADA
23 October 2002
Final
Aims of the Convention - Preamble, Arts 1 and 2 | Objections of the Child to a Return - Art. 13(2) | Settlement of the Child - Art. 12(2) | Issues Relating to Return
Appeal dismissed, return ordered
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La Convention a pour but de prévenir les enlèvements d'enfant, de garantir un retour rapide des enfants, de restaurer le status quo ante et d'assurer la prééminence des juridictions de l'Etat de résidence habituelle pour toutes les questions liées à l'intérêt supérieur des enfants.
La raison pour laquelle l'enfant s'opposait à son retour était qu'elle avait peur du père. Le juge avait estimé qu'il n'y avait pas de risque grave de danger, ce qui était contesté par le recours. Donner effet à l'opposition de l'enfant dans de telles circonstances serait contraire aux objectifs de la Convention. En outre, il était prouvé que l'enfant avait été influencée par sa mère.
Le juge Cromwell, estima que l'article 12 alinéa 2 impose à la cour de prendre directement en compte certains aspects de l'intérêt de l'enfant - notamment celui de ne pas être déraciné - bien que l'intérêt individuel des enfants en cause ne soit pas généralement au coeur même de la procédure conventionnelle. La difficulté esr que refuser le retour en raison de l'opposition de l'enfant est contraire aux objectifs fondamentaux de la Convention. Dès lors interprété trop largement, l'article 12 alinéa 2 est contraire au bon fonctionnement de la Convention. D'un autre côté s'il est appliqué trop restrictivement, alors l'exception n'a plus d'effet utile. Afin d'appliquer l'exception de l'article 12 alinéa 2, les juges doivent se pencher sur la situation présente de l'enfant dans son nouveau milieu et l'interpréter à la lumière des objectifs de la Convention. En l'espèce, 7 ans s'étaient écoulés depuis l'enlèvement et ordonner le retour dans un tel cas ne correspondait plus à l'objectif de retour rapide de la Convention. Au moment du déplacement, le père n'avait pas vraiment de contact avec l'enfant, de sorte que la restoration du status quo ante n'était pas vraiment souhaitable. Toutefois, l'objectif de prévention de la Convention imposerait qu'un retour soit ordonné dans le cas présent. Les circonstances de l'enlèvement étaient particulièrement détestables. Il convenait de montrer à la mère et aux personnes qui l'avaient aidée que les tribunaux sont fermes et que la Nouvelle-Ecosse n'est pas un paradis pour les parents-rapteurs. Le fait qu'il est préférable que l'intérêt supérieur de l'enfant soit examiné par les juridictions de la résidence habituelle de celui-ci est également un élément au soutien d'une décision de retour, même si l'enfant a quitté sa résidence habituelle pendant plus de 7 ans. La famille de son père et son père lui-même vivaient aux Etats-Unis et c'est dans ce pays que la question de l'abus avait fait l'objet d'une enquête. C'étaient donc les cours américaines qui étaient les mieux placées pour continuer de traiter l'affaire et se prononcer sur l'intérêt de l'enfant. Certes l'enfant était intégrée à son nouveau milieu (école, amis, clubs), mais sa position était instable, tout comme celle de sa mère, dont elle dépendait.
Les avocats devaient se demander comment l'enfant doit être rapatrié si le retour est ordonné. Le but des accords relatifs à la période de transition n'étaient pas de rétablir les liens entre l'enfant et son père mais de réduite le risque de danger résultant pour l'enfant de son retour. Il fut décidé que la mère devrait raccompagner l'enfant dans l'Iowa avant le 22 novembre 2002 et que l'enfant devrait y vivre avec elle jusqu'à ce que les juridictions de cet Etat se prononcent sur la question.
Les juridictions appliquant l'article 13(2) ont reconnu qu'il était essentiel de définir si l'opposition de l'enfant au retour avait été influencée par le parent ravisseur.
Les juges de nombreux États contractants ont rejeté les arguments fondés sur l'article 13(2) lorsqu'il était clair que l'enfant n'exprimait pas une opinion indépendante.
Voir notamment :
Australie
Director General of the Department of Community Services v. N., 19 août 1994, transcription, Family Court of Australia (Sydney), [Référence INCADAT : HC/E/AU 231] ;
Canada
J.E.A. v. C.L.M. (2002), 220 D.L.R. (4th) 577 (N.S.C.A.), [Référence INCADAT : HC/E/CA 754] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 87].
Bien que la question ne se soit pas posée en l'espèce, la Cour d'appel a affirmé que peu ou pas de poids devait être accordé à l'opposition d'un enfant si celui-ci a été influencé par le parent ravisseur ou toute autre personne.
Finlande
Cour d'appel d'Helsinki: No. 2933, [Référence INCADAT : HC/E/FI 863].
France
CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [INCADAT cite: HC/E/FR 947].
Une juridiction d'appel modéra la force probante de l'opposition au motif que les enfants avaient vécu longuement avec le parent ravisseur et sans contact avec le parent victime avant d'être entendus, observant également que les faits dénoncés par les enfants avaient par ailleurs été pris en compte par les autorités de l'État de la résidence habituelle.
Allemagne
4 UF 223/98, Oberlandesgericht Düsseldorf, [Référence INCADAT : HC/E/DE 820] ;
Hongrie
Mezei v. Bíró 23.P.500023/98/5. (27. 03. 1998, Central District Court of Budapest; First Instance); 50.Pkf.23.732/1998/2. 16. 06. 1998., (Capital Court as Appellate Court) [Référence INCADAT : HC/E/HU 329] ;
Israël
Appl. App. Dist. Ct. 672/06, Supreme Court 15 October 2006 [Référence INCADAT : HC/E/IL 885] ;
Royaume-Uni - Écosse
A.Q. v. J.Q., 12 December 2001, transcript, Outer House of the Court of Session (Scotland) [Référence INCADAT : HC/E/UKs 415] ;
Espagne
Auto Audiencia Provincial Nº 133/2006 Pontevedra (Sección 1ª), Recurso de apelación Nº 473/2006 [Référence INCADAT : HC/E/ES 887] ;
Restitución de Menores 534/1997 AA [Référence INCADAT : HC/E/ES 908].
Suisse
Le Tribunal fédéral suisse a estimé que l'opposition des enfants ne pouvait jamais être entièrement indépendante. Dès lors il convenait de distinguer selon que l'enfant avait ou non été manipulé. Voir :
5P.1/2005 /bnm, Bundesgericht II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile), [Référence INCADAT : HC/E/CH 795] ;
États-Unis d'Amérique
Robinson v. Robinson, 983 F. Supp. 1339 (D. Colo. 1997), [Référence INCADAT : HC/E/USf 128].
Dans cette espèce, la District Court estima qu'il ne serait pas réaliste de prétendre qu'un parent aimant n'influence pas la préférence de l'enfant dans une certaine mesure de sorte que la question de savoir si l'un des parents a indûment influencé l'enfant ne devrait pas se poser.
Toutefois il a été décidé dans deux affaires que la preuve de l'influence parentale ne devrait pas empêcher l'audition d'un enfant. Voir :
Allemagne
2 BvR 1206/98, Bundesverfassungsgericht (Federal Constitutional Court),[Référence INCADAT : HC/E/DE 233] ;
Nouvelle-Zélande
Winters v. Cowen [2002] NZFLR 927, [Référence INCADAT : HC/E/NZ 473].
Il se peut également que l'influence d'un parent n'ait que peu d'effet sur la position de l'enfant. Voir :
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901].
La Cour d'appel ne rejeta pas la suggestion selon laquelle l'opinion de l'enfant avait été influencée ou que celui-ci avait été entraîné à penser d'une certaine façon du fait de son immersion dans une atmosphère hostile au père, mais n'y accorda que peu d'importance.
Dans une affaire israélienne, le juge estima que l'enfant avait subi un véritable lavage de cerveau de la part de la mère de sorte que son opinion ne devait pas être prise au sérieux. Toutefois le juge considéra que la nature extrême des réactions de l'enfant interrogé sur un possible retour (menace de suicide) était telle que son opinion ne pouvait être ignorée. Le juge estima dans ce cas que le retour exposerait l'enfant à un risque grave de danger. Voir :
Family Appeal 1169/99 R. v. L. [Référence INCADAT : HC/E/IL 834].
La notion d'intégration ne fait pas encore l'objet d'une interprétation uniforme. La question se pose notamment de savoir si l'intégration doit s'entendre littéralement ou être interprétée à la lumière des objectifs de la Convention. Dans les États faisant prévaloir la deuxième alternative, la charge de la preuve est plus lourde pour le parent ravisseur et l'exception d'application plus rare.
Parmi les États les plus exigeants en ce qui concerne la preuve de l'intégration de l'enfant, on peut citer :
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re N. (Minors) (Abduction) [1991] 1 FLR 413, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 106] ;
Dans cette espèce, il fut décidé que la notion d'intégration dépassait celle d'adaptation au nouveau milieu. L'intégration implique un élément de relation physique avec une communauté et un environnement. Elle contient un élément émotionnel traduisant la sécurité et la stabilité.
Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].
Pour un commentaire critique de Re N., voir :
L.Collins et al., Dicey, Morris & Collins on the Conflict of Laws: fourteenth edition, London, Sweet & Maxwell, 2006, para. 19 à 121.
Il convient toutefois de noter que plus récemment l'Angleterre a vu se développer une analyse de la notion d'intégration centrée sur l'enfant. On se réfèrera à la décision de la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. Cette décision pourrait remettre en cause la jurisprudence antérieure.
Toutefois cette décision n'a apparemment pas affaibli les exigences posées en la matière par la Common Law comme en témoigne Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].
Royaume-Uni - Écosse
Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]
Pour que l'article 12(2) trouve à s'appliquer, il faut que l'intérêt qu'a l'enfant à rester dans son nouveau milieu soit si fort qu'il dépasse l'objectif premier de la Convention selon lequel il appartient au juge du lieu de la résidence habituelle qu'avait l'enfant au moment de l'enlèvement de décider de l'avenir de celui-ci.
P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963]
L'intégration existe dans les situations stables, dont on peut s'attendre qu'elles durent. Il convient d'opérer une certaine projection dans l'avenir.
C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962]
États-Unis d'Amérique
In re Interest of Zarate, No. 96 C 50394 (N.D. Ill. Dec. 23, 1996), [Référence INCADAT : HC/E/USf 134]
Une interprétation littérale du concept d'intégration a été préférée dans les États suivants :
Australie
Director-General, Department of Community Services v. M. and C. and the Child Representative (1998) FLC 92-829; [Référence INCADAT : HC/E/AU 291];
Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825]
L'impact de la différence d'interprétation est sans doute plus marqué lorsque ce sont des jeunes enfants qui sont en cause.
Il a été décidé que l'intégration doit s'apprécier du point de vue du jeune enfant en :
Autriche
7Ob573/90 Oberster Gerichtshof, 17/05/1990, [Référence INCADAT : HC/E/AT 378] ;
Australie
Secretary, Attorney-General's Department v. T.S. (2001) FLC 93-063, [Référence INCADAT : HC/E/AU 823] ;
State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824] ;
Israël
Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit, [Référence INCADAT : HC/E/IL 938] ;
Monaco
R 6136; M. Le Procureur Général contre M. H. K, [Référence INCADAT : HC/E/MC 510] ;
Suisse
Präsidium des Bezirksgerichts St. Gallen (Cour cantonale de St. Gallen) (Suisse), décision du 8 Septembre 1998, 4 PZ 98-0217/0532N, [Référence INCADAT : HC/E/CH 431].
Une approche centrée sur l'enfant a également été adoptée dans des décisions importantes rendues à propos d'enfants plus grands, l'accent étant mis sur l'opinion de l'enfant.
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937];
France
CA Paris 27 Octobre 2005, 05/15032, [Référence INCADAT : HC/E/FR 814];
Québec
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].
En revanche, c'est une analyse plus objective de l'intégration qui a été préférée aux États-Unis d'Amérique :
David S. v. Zamira S., 151 Misc. 2d 630, 574 N.Y.S. 2d 429 (Fam. Ct. 1991), [Référence INCADAT : HC/E/USs 208];
Les enfants, âgés de 3 ans et 1 an ½ n'avaient pas établi de liens importants dans leur nouveau milieu de Brooklyn. Ils ne participaient pas aux activités scolaires, extrascolaires, religieuses, sociales ou communautaires auxquelles des enfants plus âgés se livrent.
Lorsque des enfants sont cachés dans l'État de refuge, les juges sont réticents à l'idée de considérer qu'il y a eu intégration, même lorsque de nombreuses années se sont écoulées entre le déplacement et la localisation :
Canada (7 ans entre l'enlèvement et la localisation)
J.E.A. v. C.L.M. (2002), 220 D.L.R. (4th) 577 (N.S.C.A.), [Référence INCADAT : HC/E/CA 754] ;
Voir cependant la décision de la Cour d'appel de Montréal dans :
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].
Royaume-Uni - Écosse (2 ans et demi entre l'enlèvement et la localisation)
C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962];
Suisse (4 ans entre l'enlèvement et la localisation)
Justice de Paix du cercle de Lausanne, 6 juillet 2000, J 765 CIEV 112E, [Référence INCADAT : HC/E/CH 434];
États-Unis d'Amérique
(2 ans et demi entre l'enlèvement et la localisation)
Lops v. Lops, 140 F. 3d 927 (11th Cir. 1998), [Référence INCADAT : HC/E/USf 125] ;
(3 ans entre l'enlèvement et la localisation)
In re Coffield, 96 Ohio App. 3d 52, 644 N.E. 2d 662 (1994), [Référence INCADAT : HC/E/USs 138].
Dans certains États, le retour d'enfants a été ordonné alors même qu'ils menaient une vie relativement ouverte en dépit du fait qu'ils étaient recherchés :
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles (4 ans entre l'enlèvement et la localisation)
Re C. (Abduction: Settlement) (No 2) [2005] 1 FLR 938, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 815] ;
Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong) (4 ans 3/4 entre l'enlèvement et la localisation)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825].