AFFAIRE

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Nom de l'affaire

V.B.M. v. D.L.J. [2004] N.J. No. 321; 2004 NLCA 56

Référence INCADAT

HC/E/CA 592

Juridiction

Pays

Canada

Nom

Newfoundland and Labrador Supreme Court - Court of Appeal (Canada)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

États-Unis d'Amérique

État requis

Canada

Décision

Date

22 September 2004

Statut

-

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12 | Intégration de l'enfant - art. 12(2)

Décision

-

Article(s) de la Convention visé(s)

12(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

12(2)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Déplacement et non-retour
Moment du déplacement ou du non-retour

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

L'enfant, une fille, était âgée de 5 ans à la date du déplacement dont le caractère illicite était allégué. Elle était née au Canada mais six mois après sa naissance, ses parents s'étaient installés dans l'Etat de Washington aux Etats-Unis. A la suite de la séparation des parents, la mère retourna au Canada, son pays d'origine, emmenant avec elle l'enfant.

L'enfant fut localisée à St John, dans la province de Terre Neuve et Labrador en octobre 2003. Le 8 décembre 2003 l'autorité centrale de cette province notifia le juge aux affaires familiales compétent de ce qu'elle avait reçu une demande de retour fondée sur la Convention.

Le 2 mars 2004, le père saisit cette juridiction d'une demande tendant au retour de l'enfant. Le 30 juillet, le juge aux affaires familiales ordonna le retour de l'enfant dans l'Etat de Washington et l'y confia aux services de protection de l'enfance jusqu'à ce que toutes les difficultés relative à ses soins soient réglées par les tribunaux de cet Etat. La mère fit appel de cette décision.

Dispositif

Appel accueilli ; affaire renvoyée au juge aux affaires familiales (« Unified Family Court ») pour décider si l'enfant s'était intégré dans son nouveau milieu.

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12

La mère ne contestait pas l'illicéité du déplacement. L'attention de la cour fut dès lors portée sur l'article 12 et la date du début de la procédure. Si la procédure avait été entamée moins d'un an après le déplacement, alors l'enfant devait être immédiatement renvoyée aux Etats-Unis (sauf si les exceptions s'appliquaient). Toutefois si plus d'un an s'était écoulé entre l'enlèvement et la demande, alors il appartenait au juge de vérifier si l'enfant s'était intégrée à son nouveu milieu. La mère prétendait que le premier juge aurait dû considérer que plus d'un an s'était écoulé entre le déplacement et l'introduction de la demande. La cour examina les mesures qui avaient été prises à la suite de la localisation de l'enfant et se demanda si celles-ci pouvaient être interprétées comme introduisant la demande devant les autorités judiciaires ou administratibes de l'Etat dans lequel l'enfant se trouvait. Le père avait demandé l'aide de l'autorité centrale de l'Etat de Washington, mais cela ne pouvait s'analyser comme introduction d'une instance judiciaire dans la province de Terre-Neuve et Labrador. De même la transmission de la demande d'assistance du père à l'autorité centrale de cette province ne pouvait pas davantage s'anamyser comme une introduction d'instance judiciaire. La cour estima qu'il était clair que la référence aux autorités administratives dans l'article 12 ou à une procédure administrative dans l'article 7 f ne se référait pas aux autorités centrales. L'article 12 renvoyait plutôt à la saisine des autorités (judiciaires ou administratives) ayant compétence pour ordonner le retour de l'enfant. La cour se demanda alors si la notification du 8 décembre 2003 pouvait valoir commencement de l'instance. Elle estima que les deux aspects ne pouvaient être confondus. L'article 12 réquérait davantage qu'une simple notification en application de l'article 16 : c'est l'introduction d'une procédure qui importe. La cour estima que cette interprétation n'était pas contraire aux dispositions de l'article 11 relatives au délai: s'il suffisait d'informer l'autorité de l'enlèvement au sens de l'article 16, alors le délai de 6 semaines spécifié à l'article 11 alinéa 2 pourrait commencer à courir voire expirer avant même qu'une demande de retour soit réellement introduite. Un tel résultat ne pouvait être admis. Il fallait donc considérer que la demande du père avait été introduite le 2 mars 2004. Dès lors il convenait de vérifier si l'enfant ne s'était pas intégrée à son nouvel environnement.

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

Voir supra la discussion relative au moment de l'introduction de l'instance devant une autorité administrative ou judiciaire de l'Etat de refuge de l'enfant.

Commentaire INCADAT

Moment du déplacement ou du non-retour

La question du moment à partir duquel il y a déplacement ou non-retour illicite est une question essentiellement factuelle qui devra être résolue par la juridiction saisie de la demande de retour. Cette question est importante dans le cadre de l'application de l'article 12 (1), lorsqu'on n'est pas certain que les 12 mois se sont écoulés depuis l'enlèvement ou lorsqu'il est nécessaire de déterminer si au moment de l'enlèvement la Convention de La Haye était bien applicable entre l'État de la résidence habituelle de l'enfant et l'État de refuge.

Portée internationale

Plusieurs tribunaux de plusieurs États contractants ont considéré la question de savoir si le déplacement ou le non-retour commencent au moment où l'enfant est soustrait à la personne en ayant la garde ou seulement au moment où l'enfant quitte l'État de sa résidence habituelle ou est empêché d'y retourner ; cette question a été tranchée de manière uniforme. Les tribunaux ont considéré que la Convention de La Haye ayant pour objet l'enlèvement international et non l'enlèvement interne, le déplacement ou le non-retour n'étaient illicites qu'à partir du moment où le problème n'était pas ou plus purement interne.

Australie
Murray v. Director, Family Services (1993) FLC 92-416, [Référence INCADAT : HC/E/AU 113]

State Central Authority v. Ayob (1997) FLC 92-746, 21 Fam. LR 567, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ; Kay J. a confirmé qu'aux fins de l'article 12 le délai ne commence à courir qu'à partir du moment où l'enfant arrive dans l'État de refuge.

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 232] ; Kay J. a affirmé que pour déterminer le délai avec précision il fallait le calculer en prenant en compte l'heure locale du lieu d'où l'enfant s'était vu déplacer illicitement.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re H.; Re S. (Abduction: Custody Rights) [1991] 2 AC 476, [1991] 3 All ER 230, [1991] 2 FLR 262, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 115]. 

Royaume-Uni - Écosse
Findlay v. Findlay 1994 SLT 709, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 184],

Toutefois, dans une affaire ancienne, Kilgour v. Kilgour 1987 SC 55, 1987 SLT 568, 1987 SCLR 344, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 116], les parties s'accordaient à dire que le déplacement à prendre en compte commençait au moment où l'enfant avait été soustrait à la garde d'un des parents en disposant et non pas seulement au moment où il avait quitté le territoire de l'État de sa résidence habituelle.

Dans l'affaire israélienne Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit, [Référence INCADAT : HC/E/IL 938], le Tribunal ne trouva pas d'accord sur cette question. Un juge estima que la date du déplacement était celle à laquelle l'enfant avait quitté l'État de sa résidence habituelle, l'autre considérant que la date du déplacement était celle de l'arrivée de l'enfant en Israël.

Information concernant l'intention de ne pas rendre l'enfant

Différentes positions ont été adoptées concernant la question de savoir si le non-retour commence à partir du moment où l'une des deux personnes disposant de la garde d'un enfant décide de ne pas le rendre à l'autre personne partageant la garde ou uniquement lorsque cette deuxième  personne apprend l'intention de la première de ne pas lui rendre l'enfant ou que cette intention lui est expressément communiquée.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Dans l'affaire Re S. (Minors) (Abduction: Wrongful Retention) [1994] Fam 70, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 117], la High Court anglaise était disposée à accepter le fait qu'une décision non communiquée par le parent ravisseur pouvait constituer en soi un non-retour illicite.

Re A.Z. (A Minor) (Abduction: Acquiescence) [1993] 1 FLR 682, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 50] : le non-retour illicite de l'enfant n'a pas pour point de départ le moment où la mère a décidé unilatéralement de ne pas rendre l'enfant. Ce fait n'était qu'une intention non communiquée de ne pas rendre l'enfant à l'avenir ; intention sur laquelle elle aurait encore pu revenir. Le non retour aurait pu commencer à partir de la date à laquelle la tante a déposé une demande ex parte de résidence et une Ordonnance sur les mesures interdites (prohibited steps orders).

États-Unis d'Amérique
Slagenweit v. Slagenweit, 841 F. Supp. 264 (N.D. Iowa 1993), [Référence INCADAT : HC/E/USf 143].
 
Le non-retour illicite a uniquement commencé à partir du moment où la mère a communiqué clairement son désir d'obtenir à nouveau la garde de l'enfant et a revendiqué son droit parental à vivre avec son enfant.

Zuker v. Andrews, 2 F. Supp. 2d 134 (D. Mass. 1998) [Référence INCADAT : HC/E/UKf 122], la District Court for the District of Massachusetts des États-Unis d'Amérique a considéré qu'un non-retour se produit lorsque le parent gardien dépossédé constate objectivement le non-retour de l'enfant.

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006), [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

La Cour d'appel a considéré qu'en dernière analyse il n'était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le non-retour de l'enfant relevait ou non de la Convention jusqu'à ce que l'un des parents exprime clairement son désir de récupérer le droit de garde, mais elle a assumé que cette norme s'appliquait.