AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

Civ Liège (réf) 14 mars 2002, Ministère public c/ A

Référence INCADAT

HC/E/BE 706

Juridiction

Pays

Belgique

Nom

Civ Liège (Belgique)

Degré

Première instance

États concernés

État requérant

Italie

État requis

Belgique

Décision

Date

14 March 2002

Statut

Définitif

Motifs

Résidence habituelle - art. 3 | Droit de garde - art. 3 | Risque grave - art. 13(1)(b)

Décision

Retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

3 12 13(1)(b)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Résidence habituelle
Résidence habituelle

Exceptions au retour

Risque grave de danger
Allégations de mauvais traitement et abus sexuel

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'enfant, né de père camerounais et de mère belge, était âgé de 14 ans à la date du non-retour dont le caractère illicite était allégué. Les parents avaient divorcé au début des années 90. A la suite de la séparation des parents, l'enfant était resté au Cameroun avec son père jusqu'en 1999.

En 1999, l'enfant revint en Belgique avec sa belle-mère et une partie de sa famille, le père restant au Cameroun pour régularisation de papiers. La mère de l'enfant, qui vivait depuis la séparation en Italie, vint chercher l'enfant en Belgique et l'emmener en Italie. Le père ne s'opposa pas à cette situation et l'enfant vécut alors en Italie pendant 2 ans, sans revoir son père mais en gardant certains contacts avec lui.

En juin 2001, les parents s'accordèrent sur un retour de l'enfant en Belgique à l'occasion des vacances. Les versions des parents divergent quant à la date du retour de l'enfant en Italie (séjour en Belgique limité aux vacances scolaires ou à portée plus large). Toutefois, dès la mi-juillet, le père indiqua à l'enfant qu'il n'était pas question qu'il retourne en Italie.

La mère, privée de tout contact avec l'enfant, entama immédiatement toutes les démarches utiles afin de recouvrer ses droits et demanda le retour de l'enfant en Italie. A la suite de faits de coups sur l'enfant par le père, le juge de la jeunesse ordonne le placement de l'enfant chez sa grand-mère maternelle pour 2 semaines le 5 mars 2002.

Dispositif

Retour ordonné ; les conditions prévues par la convention sont remplies et aucune exception n'est applicable.

Motifs

Résidence habituelle - art. 3


Le juge considéra que l'enfant avait sa résidence habituelle en Italie, dans la mesure où il y avait résidé pendant 2 ans avec la mère sans que le père ne s'y oppose. La domiciliation administrative unilatérale de l'enfant en Belgique, réalisée par le père en juillet 2001 et le maintien de l'enfant au foyer paternel ne pouvaient s'analyser en un nouvel accord des parents relatif à la résidence habituelle de l'enfant vu les très vives démarches d'opposition de la mère quant à une prolongation du séjour de l'enfant en Belgique au delà des vacances scolaires.

Risque grave - 13(1)(b)
Le père prétendait que le retour de l'enfant en Italie serait contraire à son intérêt, estimant que la mère ne voulait le retour de l'enfant que pour le faire déclarer fou et vendre ses organes. Toutefois, le juge releva que si les déclarations du père relevaient d'une profonde conviction, elles n'étaient pas étayées d'éléments de preuve ; les services de protection de la jeunesse comme l'expert ayant assisté à l'audition de l'enfant étaient d'ailleurs favorables à son retour en Italie.

Droit de garde - art. 3


Le juge estima que la mère avait bien un droit de garde sur l'enfant, lequel résultait des transactions privées des parents, ce que n'interdit pas le droit italien.

Risque grave - art. 13(1)(b)

-

Commentaire INCADAT

Résidence habituelle

L'interprétation de la notion centrale de résidence habituelle (préambule, art. 3 et 4) s'est révélée particulièrement problématique ces dernières années, des divergences apparaissant dans divers États contractants. Une approche uniforme fait défaut quant à la question de savoir ce qui doit être au cœur de l'analyse : l'enfant seul, l'enfant ainsi que l'intention des personnes disposant de sa garde, ou simplement l'intention de ces personnes. En conséquence notamment de cette différence d'approche, la notion de résidence peut apparaître comme un élément de rattachement très flexible dans certains États contractants ou un facteur de rattachement plus rigide et représentatif d'une résidence à long terme dans d'autres.

L'analyse du concept de résidence habituelle est par ailleurs compliquée par le fait que les décisions concernent des situations factuelles très diverses. La question de la résidence habituelle peut se poser à l'occasion d'un déménagement permanent à l'étranger, d'un déménagement consistant en un test d'une durée illimitée ou potentiellement illimitée ou simplement d'un séjour à l'étranger de durée déterminée.

Tendances générales:

La jurisprudence des cours d'appel fédérales américaines illustre la grande variété d'interprétations données au concept de résidence habituelle.
Approche centrée sur l'enfant

La cour d'appel fédérale des États-Unis d'Amérique du 6e ressort s'est prononcée fermement en faveur d'une approche centrée sur l'enfant seul :

Friedrich v. Friedrich, 983 F.2d 1396, 125 ALR Fed. 703 (6th Cir. 1993) (6th Cir. 1993) [Référence INCADAT : HC/E/USf 142]

Robert v. Tesson, 507 F.3d 981 (6th Cir. 2007) [Référence INCADAT : HC/E/US 935]

Voir aussi :

Villalta v. Massie, No. 4:99cv312-RH (N.D. Fla. Oct. 27, 1999) [Référence INCADAT : HC/E/USf 221].

Approche combinée des liens de l'enfant et de l'intention parentale

Les cours d'appel fédérales des États-Unis d'Amérique des 3e et 8e ressorts ont privilégié une méthode où les liens de l'enfant avec le pays ont été lus à la lumière de l'intention parentale conjointe.
Le jugement de référence est le suivant : Feder v. Evans-Feder, 63 F.3d 217 (3d Cir. 1995) [Référence INCADAT : HC/E/USf 83].

Voir aussi :

Silverman v. Silverman, 338 F.3d 886 (8th Cir. 2003) [Référence INCADAT : HC/E/USf 530] ;

Karkkainen v. Kovalchuk, 445 F.3d 280 (3rd Cir. 2006) [Référence INCADAT : HC/E/USf 879].

Dans cette dernière espèce, une distinction a été pratiquée entre la situation d'enfants très jeunes (où une importance plus grande est attachée à l'intention des parents - voir par exemple : Baxter v. Baxter, 423 F.3d 363 (3rd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 808]) et celle d'enfants plus âgés pour lesquels l'intention parentale joue un rôle plus limité.

Approche centrée sur l'intention parentale

Aux États-Unis d'Amérique, la Cour d'appel fédérale du 9e ressort a rendu une décision dans l'affaire Mozes v. Mozes, 239 F.3d 1067 (9th Cir. 2001) [Référence INCADAT : HC/E/USf 301], qui s'est révélée très influente en exigeant la présence d'une intention ferme d'abandonner une résidence préexistante pour qu'un enfant puisse acquérir une nouvelle résidence habituelle.

Cette interprétation a été reprise et précisée par d'autres décisions rendues en appel par des juridictions fédérales de sorte qu'en l'absence d'intention commune des parents en cas de départ pour l'étranger, la résidence habituelle a été maintenue dans le pays d'origine, alors même que l'enfant a passé une période longue à l'étranger.  Voir par exemple :

Holder v. Holder, 392 F.3d 1009 (9th Cir 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 777] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour prévu de 4 ans en Allemagne ;

Ruiz v. Tenorio, 392 F.3d 1247 (11th Cir. 2004) [Référence INCADAT : HC/E/USf 780] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 32 mois au Mexique ;

Tsarbopoulos v. Tsarbopoulos, 176 F. Supp.2d 1045 (E.D. Wash. 2001) [INCADAT : HC/E/USf 482] : Résidence habituelle maintenue aux États-Unis d'Amérique malgré un séjour de 27 mois en Grèce.

La décision rendue dans l'affaire Mozes a également été approuvée par les cours fédérales d'appel du 2e et du 7e ressort :

Gitter v. Gitter, 396 F.3d 124 (2nd Cir. 2005) [Référence INCADAT : HC/E/USf 776] ;

Koch v. Koch, 450 F.3d 703 (2006 7th Cir.) [Référence INCADAT : HC/E/USf 878] ;

Il convient de noter que dans l'affaire Mozes, la Cour a reconnu que si suffisamment de temps s'est écoulé et que l'enfant a vécu une expérience positive, la vie de l'enfant peut être si fermement attachée à son nouveau milieu qu'une nouvelle résidence habituelle doit pouvoir y être acquise nonobstant l'intention parentale contraire.

Autres États contractants

Dans d'autres États contractants, la position a évolué :

Autriche
La Cour suprême d'Autriche a décidé qu'une résidence de plus de six mois dans un État sera généralement caractérisée de résidence habituelle, quand bien même elle aurait lieu contre la volonté du gardien de l'enfant (puisqu'il s'agit d'une détermination factuelle du centre de vie).

8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 548].

Canada
Au Québec, au contraire, l'approche est centrée sur l'enfant :
Dans Droit de la famille 3713, No 500-09-010031-003 [Référence INCADAT : HC/E/CA 651], la Cour d'appel de Montréal a décidé que la résidence habituelle d'un enfant est simplement une question de fait qui doit s'apprécier à la lumière de toutes les circonstances particulières de l'espèce en fonction de la réalité vécue par l'enfant en question, et non celle de ses parents. Le séjour doit être d'une durée non négligeable (nécessaire au développement de liens par l'enfant et à son intégration dans son nouveau milieu) et continue, aussi l'enfant doit-il avoir un lien réel et actif avec sa résidence; cependant, aucune durée minimale ne peut être formulée.

Allemagne
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort également de la jurisprudence allemande :

2 UF 115/02, Oberlandesgericht Karlsruhe [Référence INCADAT: HC/E/DE 944].

La Cour constitutionnelle fédérale a ainsi admis qu'une résidence habituelle puisse être acquise bien que l'enfant ait été illicitement déplacé dans le nouvel État de résidence :

Bundesverfassungsgericht, 2 BvR 1206/98, 29. Oktober 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 233].

La Cour constitutionnelle a confirmé l'analyse de la Cour régionale d'appel selon laquelle les enfants avaient acquis leur résidence habituelle en France malgré la nature de leur déplacement là-bas. La Cour a en effet considéré  que la résidence habituelle était un concept factuel, et les enfants s'étaient intégrés dans leur milieu local pendant les neuf mois qu'ils y avaient vécu.

Israël
Des approches alternatives ont été adoptées lors de la détermination de la résidence habituelle. Il est arrivé qu'un poids important ait été accordé à l'intention parentale. Voir :

Family Appeal 1026/05 Ploni v. Almonit [Référence INCADAT: HC/E/Il 865] ;

Family Application 042721/06 G.K. v Y.K. [Référence INCADAT: HC/E/Il 939].

Cependant, il a parfois été fait référence à une approche plus centrée sur l'enfant. Voir :

décision de la Cour suprême dans C.A. 7206/03, Gabai v. Gabai, P.D. 51(2)241 ;

FamA 130/08 H v H [Référence INCADAT: HC/E/IL 922].

Nouvelle-Zélande
Contrairement à l'approche privilégiée dans l'affaire Mozes, la cour d'appel de la Nouvelle-Zélande a expressément rejeté l'idée que pour acquérir une nouvelle résidence habituelle, il convient d'avoir l'intention ferme de renoncer à la résidence habituelle précédente. Voir :

S.K. v. K.P. [2005] 3 NZLR 590 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 816].

Suisse
Une approche factuelle et centrée sur l'enfant ressort de la jurisprudence suisse :

5P.367/2005/ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile) [Référence INCADAT: HC/E/CH 841].

Royaume-Uni
L'approche standard est de considérer conjointement la ferme intention des personnes ayant la charge de l'enfant et la réalité vécue par l'enfant.

Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT: HC/E/UKe 2].

Pour un commentaire doctrinal des différentes approches du concept de résidence habituelle dans les pays de common law. Voir :

R. Schuz, « Habitual Residence of  Children under the Hague Child Abduction Convention: Theory and Practice », Child and Family Law Quarterly, Vol. 13, No1, 2001, p.1 ;

R. Schuz, « Policy Considerations in Determining Habitual Residence of a Child and the Relevance of Context » Journal of Transnational Law and Policy, Vol. 11, 2001, p. 101.

Allégations de mauvais traitement et abus sexuel

Les tribunaux ont adopté des positions variables lorsqu'ils ont été confrontés à des allégations selon lesquelles le parent délaissé avait fait subir des mauvais traitements ou abus sexuels à l'enfant déplacé ou retenu illicitement. Dans les affaires les plus simples, les accusations ont pu être rejetées comme non fondées. Lorsqu'il n'était pas évident que l'allégation était manifestement non fondée, les tribunaux se sont montrés divisés quant à savoir si une enquête poussée devait être menée dans l'État de refuge ou bien dans l'État de la résidence habituelle, auquel cas des mesures de protection provisoires seraient prises en vue de protéger l'enfant en cas de retour.

- Accusations déclarées non fondées :

Belgique

Civ Liège (réf) 14 mars 2002, Ministère public c/ A [Référence INCADAT : HC/E/BE 706]

Le père prétendait que la mère ne voulait le retour de l'enfant que pour la faire déclarer folle et vendre ses organes. Toutefois, le juge releva que si les déclarations du père relevaient d'une profonde conviction, elles n'étaient pas étayées d'éléments de preuve.

Canada (Québec)
Droit de la famille 2675, No 200-04-003138-979 [Référence INCADAT : HC/E/CA 666]

La Cour décida que si la mère avait eu des craintes sérieuses à propos de son fils, elle ne l'aurait pas laissé aux soins du père pendant les vacances, après ce qu'elle présentait comme un incident sérieux.

J.M. c. H.A., Droit de la famille, N°500-04-046027-075 [Référence INCADAT : HC/E/CA 968]

La mère faisait valoir un risque grave au motif que le père était un prédateur sexuel. La Cour rappela que toutes les procédures étrangères avaient rejeté ces allégations, et indiqua qu'il fallait garder en mémoire que la question posée était celle du retour et non de la garde. Elle constata que les craintes de la mère et de ses parents étaient largement irraisonnées, et que la preuve de la corruption des autorités judiciaires de l'État de résidence habituelle n'était pas davantage rapportée. La Cour exprima au contraire une crainte face à la réaction de la famille de la mère (rappelant qu'ils avaient enlevé l'enfant en dépit de 3 interdictions judiciaires de ce faire), ainsi qu'une critique concernant les capacités mentales de la mère, qui avait maintenu l'enfant dans un climat de peur de son père.

France
CA Amiens 4 mars 1998, n° RG 5704759 [Référence INCADAT : HC/E/FR 704]

La Cour rejeta l'allégation de violence physique du père à l'égard de l'enfant. S'il pouvait y avoir eu des épisodes violents, ils n'étaient pas de nature à caractériser le risque nécessaire à l'application de l'article 13(1)(b).

Nouvelle Zélande
Wolfe v. Wolfe [1993] NZFLR 277 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 303]

La Cour rejeta l'allégation selon laquelle les habitudes sexuelles du père étaient de nature à causer un risque grave de danger pour l'enfant. Elle ajouta que la preuve n'avait pas été apportée que le retour exposerait l'enfant à un risque tel que l'article 13(1)(b) serait applicable.

Suisse
Obergericht des Kantons Zürich (Cour d'appel du canton de Zurich) (Suisse), 28/01/1997, U/NL960145/II.ZK [Référence INCADAT : HC/E/CH 426]

La mère prétendait que le père constituait un danger pour les enfants parce qu'il avait entre autres abusé sexuellement de l'enfant. Pour rejeter cet argument, la Cour fit observer que la mère avait jusqu'alors laissé l'enfant vivre seul avec son père pendant qu'elle voyageait à l'étranger.

Retour ordonné et enquête à mener dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
N. v. N. (Abduction: Article 13 Defence) [1995] 1 FLR 107 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 19]

Le risque encouru par l'enfant devait faire l'objet d'une enquête dans le cadre de la procédure de garde en cours en Australie.  Il convenait de protéger l'enfant jusqu'à la conclusion de cette enquête. Toutefois cette nécessité de protection ne devait pas mener au rejet de la demande de retour car le risque était lié non pas au retour en Australie mais à un droit de visite et d'hébergement non surveillé.

Re S. (Abduction: Return into Care) [1999] 1 FLR 843 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 361]

La Cour rejeta les allégations selon lesquelles l'enfant était victime d'abus sexuels de la part du concubin de la mère de nature à déclencher le jeu de l'exception prévue à l'article 13(1)(b). Pour rejeter l'application de l'article 13(1)(b), la Cour avait relevé que les autorités suédoises étaient conscientes de ce risque d'abus et avaient pris des mesures précises de nature à protéger l'enfant à son retour : elle serait placée dans un foyer d'analyse avec sa mère. Si la mère refusait, alors l'enfant serait ôtée à sa famille et placée dans un foyer. Elle fit également remarquer que la mère s'était séparée de son concubin.

Finlande
Supreme Court of Finland 1996:151, S96/2489 [Référence INCADAT : HC/E/FI 360]

Lors de son analyse concernant la question de savoir si l'allégation selon laquelle le père aurait abusé sexuellement de sa fille constituait une barrière au retour de l'enfant, la Cour a fait observer, d'une part, qu'un des objectifs de la Convention de La Haye était d'empêcher que le for devant se prononcer sur le retour de l'enfant soit choisi arbitrairement. La Cour observa, d'autre part, que la crédibilité des allégations devrait être analysée dans l'État de la résidence habituelle des époux car il s'agissait de l'État le mieux placé, et qu'aucun risque grave de danger n'existait si la mère accompagnait les enfants et organisait des conditions de vie dans leur meilleur intérêt. Dans ces conditions le retour pouvait être ordonné.

Irlande
A.S. v. P.S. (Child Abduction) [1998] 2 IR 244 [Référence INCADAT : HC/E/IE 389]

La Cour suprême irlandaise a noté qu'à première vue la preuve avait été apportée que les enfants avaient été victimes d'abus sexuels de la part du père et ne devaient pas être placés sous sa garde. Cependant, le tribunal avait estimé à tort que le retour des enfants en lui-même constituerait un risque grave. Au vu des engagements pris par le père, il n'y aurait pas de risque grave à renvoyer les enfants dans leur foyer familial sous la seule garde de la mère.

- Enquête à mener dans l'État de refuge :

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
D. v. G. [2001] 1179 HKCU 1 [Référence INCADAT : HC/E/HK 595]

La Cour d'appel critiqua le fait que le retour était soumis à une condition sur laquelle les juridictions de la Chine (RAS Hong Kong) n'avaient aucun contrôle (ni aucune compétence). La condition posée étant l'action d'un tiers (l'Autorité centrale suisse). La Cour estima que jusqu'à ce que les allégations se révèlent dénuées de fondement, il n'était pas admissible que la cour, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, décide de renvoyer l'enfant dans le milieu dans lequel les abus s'étaient produits.

États-Unis d'Amérique
Danaipour v. McLarey, 286 F.3d 1 (1st Cir.2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 459]

La Cour d'appel du premier ressort estima que le premier juge aurait dû faire preuve d'une grande prudence avant de renvoyer un enfant alors même qu'il y avait de sérieuses raisons de croire qu'il avait fait l'objet d'abus sexuels. La Cour d'appel ajouta que les juges devaient se montrer particulièrement prudents dans leur tentative de garantir la protection de l'enfant par la voie d'engagements dans des situations analogues.

Kufner v. Kufner, 519 F.3d 33 (1st Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 971]

Le Tribunal fédéral avait demandé à un pédiatre spécialisé dans les questions de maltraitance, d'abus sexuels sur enfants et de pédopornographie de se prononcer sur la question de savoir si les photos des enfants constituaient des photos pornographiques et si les troubles comportementaux des enfants traduisaient un abus sexuel. L'expert conclut qu'aucun élément ne permettait de déduire que le père était pédophile, qu'il était attiré sexuellement par des enfants ni que les photos étaient pornographiques. Elle approuva l'enquête allemande et constata que les conclusions allemandes étaient conformes aux observations effectuées. Elle ajouta que les symptômes développés par les enfants étaient causés par le stress que la séparation très difficile des parents leur causait. Elle ajouta encore que les enfants ne devaient pas être soumis à d'autres évaluations en vue d'établir un abus sexuel car cela ne ferait qu'ajouter à leur niveau de stress déjà dangereusement élevé.

- Retour refusé :

Royaume-Uni - Écosse
Q., Petitioner, [2001] SLT 243, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 341]

Le juge estima qu'il était possible que les allégations d'abus fussent exactes. De même, il n'était pas impossible qu'en cas de retour, l'enfant puisse être amené à avoir un contact non surveillé avec l'auteur potentiel de ces abus. Elle observa toutefois que les autorités d'autres États parties à la Convention de La Haye sont susceptibles de fournir une protection adéquate à l'enfant. En conséquence, le retour d'un enfant pouvait être ordonné même en cas d'allégations d'abus sexuels. En l'espèce cependant, le juge estima qu'au regard des différentes procédures ouvertes en France, il semblait que les juridictions compétentes n'étaient pas en mesure de protéger l'enfant, ou pas disposées à le faire. Elle en a déduit que le retour de l'enfant l'exposerait à un risque grave de danger physique ou psychologique ou la placerait de toute autre manière dans une situation intolérable.

États-Unis d'Amérique
Danaipour v. McLarey, 386 F.3d 289 (1st Cir. 2004), [Référence INCADAT : HC/E/USf 597]

Ces conclusions rendaient inopérants les arguments du père selon lequel les autorités suédoises pourraient prendre des mesures pour limiter tout danger supplémentaire une fois les enfants rentrées dans ce pays. La Cour d'appel décida qu'en ces circonstances, l'application de l'article 13(1)(b) n'exigeait pas que la question des engagements du père soit posée, pas davantage que celle des mesures à prendre par les juridictions de l'État de résidence habituelle.

(Auteur : Peter McEleavy, Avril 2013)