AFFAIRE

Texte complet non disponible

Nom de l'affaire

M.T. c. T.B., Cour d'appel du Québec, 5 décembre 2003, N° 200-09-004648-033 (200-04-011942-032 & 200-04-011658-034)

Référence INCADAT

HC/E/CA 912

Juridiction

Pays

Canada

Nom

Cour d'appel de Québec (Canada)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

États-Unis d'Amérique

État requis

Canada

Décision

Date

5 December 2003

Statut

Définitif

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12 | Acquiescement - art. 13(1)(a) | Risque grave - art. 13(1)(b) | Intégration de l'enfant - art. 12(2) | Droits de l'homme - art. 20

Décision

Recours accueilli, retour ordonné

Article(s) de la Convention visé(s)

3 13(1)(a) 13(1)(b) 20 12(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

3 13(1)(a) 13(1)(b) 20 12(2)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

Publiée dans

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Interprétation de la Convention
Concepts autonomes

Exceptions au retour

Acquiescement
Acquiescement
Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Intégration de l'enfant
Intégration de l'enfant

RÉSUMÉ

Résumé disponible en FR

Faits

L'affaire concernait une petite fille née en 2001. La famille était établie dans l'Etat de Géorgie aux Etats-Unis. Les parents ont une relation chaotique. Le 4 octobre 2002, à la suite d'une agression physique, la mère obtint un jugement prohibant à son mari tout contact avec elle et l'enfant pendant 6 mois. Elle y renonça quelques semaines plus tard.

Mi-novembre 2002, l'enfant quitta le domicile parental avec sa grand-mère maternelle ; parallèlement le père demanda le divorce et la garde de l'enfant.

De mi décembre à début janvier 2003, les parents vécurent ensemble et rendirent visite à leur fille chez les grands-parents maternels au Québec. Au moment de son départ pour la Géorgie, le père était convaincu que son épouse et sa fille ne tarderaient pas à la rejoindre.

Le 24 juillet 2003 la cour supérieure du Comté de Bibb en Géorgie accorda par défaut la garde de l'enfant au père et prononça le divorce. Le 20 août 2003, il demanda le retour de l'enfant. Le 15 septembre, la cour supérieure de Québec ordonna le retour de l'enfant. La mère forma appel de cette décision

Dispositif

Le déplacement était illicite et le premier juge n'avait commis aucune erreur d'appréciation dans sa conclusion qu'aucune des exceptions conventionnelles ne s'appliquaient. La décision ordonnant le retour est dont confirmée.

Motifs

Déplacement et non-retour - art. 3 et 12


Selon la mère, le non-retour n'était pas illicite dans la mesure où elle bénéficiait de 2 décisions judiciaires : celle de Géorgie d'octobre 2002, et une décision québécoise du 15 septembre 2003 lui accordant la garde.

La Cour estima qu'elle avait tort. Le jugement géorgien était simplement temporaire et son effet s'était terminé le 4 avril 2003. Si jusqu'à cette période la mère pouvait déplacer l'enfant, la résidence habituelle de la fillette restait dans l'Etat de Géorgie où elle devait retourner au plus tard le 4 avril.

Le jugement québécois devait quant à lui être rétracté car comme le premier juge l'avait constaté le père n'avait pas pu y faire valoir sa défense. La Cour conclut que le non-retour était illicite.

Acquiescement - art. 13(1)(a)

La mère faisait valoir que l'inaction du père entre novembre 2002 (date à laquelle l'enfant avait été déplacé par la grand-mère) et octobre 2003 (date de l'introduction de sa demande de retour) était caractéristique d'un acquiescement.

La Cour d'appel observa toutefois que le juge du premier degré avait conclu que ce délai résultait largement des représentations de la mère et non d'un désintérêt de l'enfant de la part du père. La mère avait en effet agi de manière à laisser erronément croire au père qu'elle le rejoindrait avec l'enfant dès réception de documents officiels nécessaires.

Comme la mère ne démontrait pas que le premier juge avait commis une erreur manifeste et dominante dans l'évaluation des éléments de preuve, ces faits devaient se tenir pour acquis.

Risque grave - art. 13(1)(b)


La mère alléguait par ailleurs que le père était violent et l'avait agressée physiquement plusieurs fois.

La juridiction de première instance avait reconnu que ces faits étaient réels et inexcusables, mais avait considéré que l'enfant n'était pas exposée à un risque grave de danger en cas de retour car le père n'avait jamais été violent avec elle. Elle avait aussi observé que la mère ne manifestait d'ailleurs aucune crainte à l'endroit du père.

Sur ce point encore la mère ne démontrait pas d'erreur manifeste et dominante dans le cadre de l'appréciation des preuves par le juge du premier degré. La Cour suivit donc encore les conclusions du premier juge, rappelant que les juridictions de Géorgie, compétentes pour statuer sur la question de la garde, pourraient le cas échéant tirer les conséquences de la violence du père dans le cadre de son évaluation de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Droits de l'homme - art. 20
La mère invoquait les articles 1 et 39 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, lesquels protègent notamment le droit à la sécurité.

La Cour nota que le premier juge n'avait pas déduit des faits que le retour de l'enfant en Géorgie était associé à une quelconque menace pour sa sécurité. En l'absence de démonstration d'une erreur relativement à cette conclusion, l'allégation de la mère devait être rejetée sur ce point encore.

Intégration de l'enfant - art. 12(2)
La père plaidait que l'enfant résidait au Québec depuis plus d'un an et était bien intégrée à son nouveau milieu. La Cour souligna qu'en réalité moins d'un an s'était écoulé entre le déplacement de l'enfant et l'introduction de la demande de retour ; en conséquence, le juge était tenu d'ordonner son retour dans son milieu de résidence habituelle.

Intégration de l'enfant - art. 12(2)

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Droits de l'homme - art. 20

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Commentaire INCADAT

Concepts autonomes

Résumé INCADAT en cours de préparation.

Acquiescement

On constate que la plupart des tribunaux considèrent que l'acquiescement se caractérise en premier lieu à partir de l'intention subjective du parent victime :

Australie
Commissioner, Western Australia Police v. Dormann, JP (1997) FLC 92-766 [Référence INCADAT : HC/E/AU @213@];

Barry Eldon Matthews (Commissioner, Western Australia Police Service) v. Ziba Sabaghian PT 1767 of 2001 [Référence INCADAT : HC/E/AU @345@];

Autriche
5Ob17/08y, Oberster Gerichtshof, (Austrian Supreme Court) 1/4/2008 [Référence INCADAT : HC/E/AT @981@].

Dans cette affaire la Cour suprême autrichienne, qui prenait position pour la première fois sur l'interprétation de la notion d'acquiescement, souligna que l'acquiescement à état de fait provisoire ne suffisait pas à faire jouer l'exception et que seul l'acquiescement à un changement durable de la résidence habituelle donnait lieu à une exception au retour au sens de l'article 13(1) a).

Belgique
N° de rôle: 02/7742/A, Tribunal de première instance de Bruxelles 6/3/2003, [Référence INCADAT : HC/E/BE @545@];

Canada
Ibrahim v. Girgis, 2008 ONCA 23, [Référence INCADAT : HC/E/CA 851];

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re H. and Others (Minors) (Abduction: Acquiescence) [1998] AC 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @46@];

En l'espèce la Chambre des Lords britannique décida que l'acquiescement ne pouvait se déduire de remarques passagères et de lettres écrites par un parent qui avait récemment subi le traumatisme de voir ses enfants lui être enlevés par l'autre parent. 

Irlande
K. v. K., 6 May 1998, transcript, Supreme Court of Ireland [Référence INCADAT : HC/E/IE @285@];

Israël
Dagan v. Dagan 53 P.D (3) 254 [Référence INCADAT : HC/E/IL @807@] ;

Nouvelle-Zélande
P. v. P., 13 March 2002, Family Court at Greymouth (New Zealand), [Référence INCADAT : HC/E/NZ @533@] ;

Royaume-Uni - Écosse
M.M. v. A.M.R. or M. 2003 SCLR 71, [Référence INCADAT : HC/E/UKs @500@];

Afrique du Sud
Smith v. Smith 2001 (3) SA 845 [Référence INCADAT : HC/E/ZA @499@];

Suisse
5P.367/2005 /ast, Bundesgericht, II. Zivilabteilung (Tribunal Fédéral, 2ème Chambre Civile),  [Référence INCADAT : HC/E/CH @841@].

De la même manière, on remarque une réticence des juges à constater un acquiescement lorsque le parent avait essayé d'abord de parvenir à un retour volontaire de l'enfant ou à une réconciliation. Voir :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re H. and Others (Minors) (Abduction: Acquiescence) [1998] AC 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe @46@];

P. v. P. (Abduction: Acquiescence) [1998] 2 FLR 835, [Référence INCADAT : HC/E/UKe @179@ ];

Irlande
R.K. v. J.K. (Child Abduction: Acquiescence) [2000] 2 IR 416, [Référence INCADAT : HC/E/IE @285@];

États-Unis d'Amérique
Wanninger v. Wanninger, 850 F. Supp. 78 (D. Mass. 1994), [Référence INCADAT : HC/E/USf @84@];

Dans l'affaire australienne Townsend & Director-General, Department of Families, Youth and Community (1999) 24 Fam LR 495, [Référence INCADAT : HC/E/AU @290@] des négociations d'une durée de 12 mois avaient été considérées comme établissant un acquiescement, mais la cour décida, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de ne pas ordonner le retour.

Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Résumé INCADAT en cours de préparation.

Intégration de l'enfant

La notion d'intégration ne fait pas encore l'objet d'une interprétation uniforme. La question se pose notamment de savoir si l'intégration doit s'entendre littéralement ou être interprétée à la lumière des objectifs de la Convention. Dans les États faisant prévaloir la deuxième alternative, la charge de la preuve est plus lourde pour le parent ravisseur et l'exception d'application plus rare.

Parmi les États les plus exigeants en ce qui concerne la preuve de l'intégration de l'enfant, on peut citer :

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re N. (Minors) (Abduction) [1991] 1 FLR 413, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 106] ;
Dans cette espèce, il fut décidé que la notion d'intégration dépassait celle d'adaptation au nouveau milieu. L'intégration implique un élément de relation physique avec une communauté et un environnement. Elle contient un élément émotionnel traduisant la sécurité et la stabilité.

Cannon v. Cannon [2004] EWCA CIV 1330, [2005] 1 FLR 169 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 598].

Pour un commentaire critique de Re N., voir :

L.Collins et al., Dicey, Morris & Collins on the Conflict of Laws: fourteenth edition, London, Sweet & Maxwell, 2006, para. 19 à 121.

Il convient toutefois de noter que plus récemment l'Angleterre a vu se développer une analyse de la notion d'intégration centrée sur l'enfant. On se réfèrera à la décision de la Chambre des Lords dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937]. Cette décision pourrait remettre en cause la jurisprudence antérieure.

Toutefois cette décision n'a apparemment pas affaibli les exigences posées en la matière par la Common Law comme en témoigne Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 842, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].

Royaume-Uni - Écosse
Soucie v. Soucie 1995 SC 134, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 107]

Pour que l'article 12(2) trouve à s'appliquer, il faut que l'intérêt qu'a l'enfant à rester dans son nouveau milieu soit si fort qu'il dépasse l'objectif premier de la Convention selon lequel il appartient au juge du lieu de la résidence habituelle qu'avait l'enfant au moment de l'enlèvement de décider de l'avenir de celui-ci.

P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963]

L'intégration existe dans les situations stables, dont on peut s'attendre qu'elles durent. Il convient d'opérer une certaine projection dans l'avenir.

C. v. C. [2008] CSOH 42, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 962]

États-Unis d'Amérique
In re Interest of Zarate, No. 96 C 50394 (N.D. Ill. Dec. 23, 1996), [Référence INCADAT : HC/E/USf  134]

Une interprétation littérale du concept d'intégration a été préférée dans les États suivants :

Australie
Director-General, Department of Community Services v. M. and C. and the Child Representative (1998) FLC 92-829; [Référence INCADAT : HC/E/AU 291];

Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
A.C. v. P.C. [2004] HKMP 1238, [Référence INCADAT : HC/E/HK 825]

L'impact de la différence d'interprétation est sans doute plus marqué lorsque ce sont des jeunes enfants qui sont en cause.

Il a été décidé que l'intégration doit s'apprécier du point de vue du jeune enfant en :

Autriche
7Ob573/90 Oberster Gerichtshof, 17/05/1990, [Référence INCADAT : HC/E/AT 378] ;

Australie
Secretary, Attorney-General's Department v. T.S. (2001) FLC 93-063, [Référence INCADAT : HC/E/AU 823] ;

State Central Authority v. C.R. [2005] Fam CA 1050, [Référence INCADAT : HC/E/AU 824] ;

Israël
Family Application 000111/07 Ploni v. Almonit,  [Référence INCADAT : HC/E/IL 938] ;

Monaco
R 6136; M. Le Procureur Général contre M. H. K, [Référence INCADAT : HC/E/MC 510] ;

Suisse
Präsidium des Bezirksgerichts St. Gallen (Cour cantonale de St. Gallen) (Suisse), décision du 8 Septembre 1998, 4 PZ 98-0217/0532N, [Référence INCADAT : HC/E/CH 431].

Une approche centrée sur l'enfant a également été adoptée dans des décisions importantes rendues à propos d'enfants plus grands, l'accent étant mis sur l'opinion de l'enfant.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937];

France
CA Paris 27 Octobre 2005, 05/15032, [Référence INCADAT : HC/E/FR 814];

Québec
Droit de la Famille 2785, Cour d'appel de Montréal, 5 décembre 1997, No 500-09-005532-973 [Référence INCADAT : HC/E/CA 653].

En revanche, c'est une analyse plus objective de l'intégration qui a été préférée aux États-Unis d'Amérique :

David S. v. Zamira S., 151 Misc. 2d 630, 574 N.Y.S. 2d 429 (Fam. Ct. 1991), [Référence INCADAT : HC/E/USs 208];
Les enfants, âgés de 3 ans et 1 an ½ n'avaient pas établi de liens importants dans leur nouveau milieu de Brooklyn. Ils ne participaient pas aux activités scolaires, extrascolaires, religieuses, sociales ou communautaires auxquelles des enfants plus âgés se livrent.