CASE

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Case Name

Cour d'appel de Luxembourg, 8 mai 2013, No de rôle 39629

INCADAT reference

HC/E/LU 743

Court

Country

LUXEMBOURG

Name

Cour d'appel de Luxembourg

Level

Appellate Court

Judge(s)
Steffen (président de chambre); Pauly (premier conseiller); Calmes (conseiller); Wagner (avocat général); Schroeder (greffier)

States involved

Requesting State

UNITED KINGDOM

Requested State

LUXEMBOURG

Decision

Date

8 May 2013

Status

Final

Grounds

Rights of Custody - Art. 3 | Grave Risk - Art. 13(1)(b) | Brussels IIa Regulation (Council Regulation (EC) No 2201/2003 of 27 November 2003)

Order

Appeal allowed, return refused

HC article(s) Considered

3 12 13(1)(b)

HC article(s) Relied Upon

13(1)(b)

Other provisions
Articles 1109 et 1110 du Nouveau Code de procédure civile de Luxembourg; Article 11 du Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003) ; Article 11 de l'Adoption and Children Act de 2002 du Royaume-Uni
Authorities | Cases referred to

-

Published in

-

INCADAT comment

Article 12 Return Mechanism

Rights of Custody
Actual Exercise

Inter-Relationship with International / Regional Instruments and National Law

Brussels IIa Regulation (Council Regulation (EC) No 2201/2003 of 27 November 2003)
Brussels II a Regulation

SUMMARY

Summary available in FR

Faits

L'affaire concernait une enfant née le 7 novembre 2010 en Grande-Bretagne, d'une mère mineure. Les parents vivaient en concubinage, et l'enfant fut reconnue par son père. Au mois de décembre 2010, un « Child protection plan » fut mis en place pour l'enfant par les services sociaux britanniques.

Le 23 juin 2011, la mère atteignit la majorité. La mère quitta le domicile commun avec l'enfant suite à des violences domestiques, et les parents se séparèrent. Le 27 juin 2011, alors que l'enfant avait 7 mois, la mère et l'enfant furent placées par les services sociaux britanniques et éloignées du père.

Le 25 novembre 2011, la mère emmena l'enfant au Luxembourg et s'installa auprès de sa propre mère. Le 8 décembre 2011, la résidence de l'enfant fut placée auprès de sa grand-mère maternelle par le juge de la jeunesse et des tutelles (Luxembourg). Le 16 janvier 2012, l'Autorité centrale pour le Royaume-Uni saisit, à la demande du père, l'Autorité centrale pour le Luxembourg d'une demande de retour visant l'enfant.

Le 28 novembre 2012, le juge de première instance rendit une décision de non-retour par application de l'exception prévue par l'article 13(1)(b) (Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, 28 novembre 2012, Référé No 821/2012 [Référence INCADAT : HC/E/LU 739]). Le 25 février 2013, le Procureur d'État interjeta appel de cette décision.

Dispositif

Appel rejeté et retour refusé ; le déplacement de l'enfant était illicite mais les conditions requises pour appliquer l'article 13(1)(b) étaient réunies.

Motifs

Droit de garde - art. 3

Le juge releva que le père avait acquis l'autorité parentale sur l'enfant en s'étant enregistré comme père sur le certificat de naissance, conformément à l'article 11(2)(a) et 11(3)(1A)(a) de l' « Adoption and Children Act » de 2002. Il souligna que le gardien au sens de la Convention de La Haye était celui qui exerçait l'autorité parentale, conjointement ou unilatéralement, quel que soit le lieu de résidence de l'enfant.

La mère et la grand-mère maternelle contestaient que le père exerçait la garde effective l'époque du déplacement.

Le juge rappela que les articles 3(1)(a) et 13(1)(a) de la Convention de La Haye exigeaient que le droit de garde ait été exercé de façon effective au moment de l'enlèvement, ou l'aurait été si l'enlèvement n'avait pas eu lieu. Il souligna le fait que « outre son aspect purement juridique, la garde recouvr[ait] également au sens de la Convention des éléments de réalité, ainsi que l'adjectif « effectif » l'attestait .

Cette condition [était] admise de façon large ; elle [était] présumée remplie lorsque le détenteur de la garde engage[ait] une démarche pour obtenir le retour de l'enfant. L'autorité requise n'a[vait] pas à initier des vérifications à ce sujet, sauf s'il apparai[ssai]t nettement que le requérant avait en fait déjà renoncé à son droit. S'il exist[ait] un doute, il appart[enait] au parent qui s'oppos[ait] au retour d'alléguer l'absence de garde effective et d'en apporter la preuve. »

Le juge ajouta que les exceptions au retour prévues par cette disposition s'interprétaient de manière restrictive et que l'absence de garde effective ne pouvait être retenue que lorsqu'il apparaissait clairement que le titulaire du droit de garde ne se souciait pas de son enfant et avait abandonné l'exercice de son droit.

Le juge releva qu'en l'espèce, après que le contact entre le père et l'enfant avait été refusé par les services sociaux, le père n'avait pas fait d'effort pour changer la situation. Il indiqua cependant que ce désintérêt ne valait pas renonciation ou abandon du droit de garde. Il en conclut que le père exerçait bien son droit de garde sur l'enfant de manière effective au moment du déplacement.

Risque grave - art. 13(1)(b)


La Cour d'appel confirma les conclusions du juge de première instance selon lesquelles l'enfant ne connaissait pas une stabilité nécessaire à son bon développement lors de sa résidence en Grande-Bretagne, et examina les mesures de protection disponibles en Grande-Bretagne.

Voir section « Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003) »

Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003)
Le père soutenait que le juge de première instance avait conclu à tort que les conditions d'application de l'exception pour risque grave de l'article 13(1)(b) étaient remplies, alors qu'avec l'appui des services sociaux britanniques il devait être en mesure d'entourer l'enfant convenablement en cas de retour.

La Cour releva que par application de l'article 11(4) du Règlement Bruxelles II bis, une juridiction ne pouvait pas refuser le retour sur la base de l'article 13(1)(b) lorsqu'il était établi que des « dispositions adéquates [avaient] été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour ».

La Cour nota qu'en l'espèce, les liens entre le père et l'enfant avaient cessé d'exister depuis cinq mois au moment du déplacement. Elle releva que si le retour était ordonné, il ne pourrait avoir lieu que chez le père qui était donc devenu un étranger, ou dans une structure sociale.

La Cour releva par ailleurs que le père, comme la mère, souffrait d'une maladie psychique, et que ses conditions matérielles d'existence étaient incompatibles avec l'accueil d'un enfant en bas âge. Elle en conclut que le père ne pouvait pas assurer seul les besoins et les soins de l'enfant.

La Cour nota également que les services sociaux britanniques eux-mêmes avaient pris soin de la mère et de l'enfant et n'avaient pas envisagé de confier l'enfant au père.

La Cour confirma les conclusions du juge de première instance selon lesquelles il était dans l'intérêt de l'enfant d'évoluer dans un environnement lui procurant la stabilité nécessaire à son bon développement. Tenant compte de l'absence d'attaches stables en Grande-Bretagne, la Cour retint qu'un changement de la situation de l'enfant l'exposerait à un danger psychique et la mettrait dans une situation intolérable au sens de l'article 13(1)(b).

La Cour conclut qu'il n'était pas démontré que des dispositions adéquates, au sens de l'article 13(1)(b) de la Convention de La Haye et 11(4) du Règlement Bruxelles II bis, avaient été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour, et que le retour de l'enfant auprès de son père l'exposerait donc à un danger psychique grave. Elle confirma l'ordonnance de première instance.

Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) No 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003)

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Commentaire INCADAT

Exercice effectif de la garde

Les juridictions d'une quantité d'États parties ont également privilégié une interprétation large de la notion d'exercice effectif de la garde. Voir :

Australie
Director General, Department of Community Services Central Authority v. J.C. and J.C. and T.C. (1996) FLC 92-717 [Référence INCADAT : HC/E/AU 68] ;

Autriche
8Ob121/03g, Oberster Gerichtshof, 30/10/2003 [Référence INCADAT: HC/E/AT 548] ;

Belgique
N° de rôle: 02/7742/A, Tribunal de première instance de Bruxelles 6/3/2003 [Référence INCADAT: HC/E/BE 545] ;

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re W. (Abduction: Procedure) [1995] 1 FLR 878, [1996] 1 FCR 46, [1995] Fam Law 351 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 37] ;

France
Ministère Public c. M.B. Cour d'Appel d'Aix en Provence (6e Ch.) 23 Mars 1989, 79 Rev. crit. 1990, 529 note Y. Lequette [Référence INCADAT : HC/E/FR 62] ;

CA Amiens 4 mars 1998, n° 5704759 [Référence INCADAT : HC/E/FR 704] ;

CA Aix en Provence 8/10/2002, L. v. Ministère Public, Mme B et Mesdemoiselles L (N° de rôle 02/14917) [Référence INCADAT : HC/E/FR 509] ;

Allemagne
11 UF 121/03, Oberlandesgericht Hamm, [Référence INCADAT : HC/E/DE 822] ;

21 UF 70/01, Oberlandesgericht Köln, [Référence INCADAT : HC/E/DE 491] ;

Nouvelle-Zélande
The Chief Executive of the Department for Courts for R. v. P., 20 September 1999, Court of Appeal of New Zealand [Référence INCADAT : HC/E/NZ 304] ;

Royaume-Uni - Écosse
O. v. O. 2002 SC 430 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 507].

Dans cette décision, la « Court of Session », Cour suprême écossaise, estima que ce serait peut-être aller trop loin que de suggérer, comme les juges américains dans l'affaire Friedrich v. Friedrich, que seuls des actes d'abandon clairs et dénués d'ambiguïté pouvaient être interprétés comme impliquant que le droit de garde n'était pas exercé effectivement. Toutefois, « Friedrich » fut approuvée dans une affaire écossaise subséquente:

S. v. S., 2003 SLT 344 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 577].

Cette interprétation fut confirmée par la cour d'appel d'Écosse :

A.J. v. F.J. 2005 CSIH 36 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 803].

Suisse
K. v. K., 13 février 1992, Tribunal cantonal de Horgen [Référence INCADAT : HC/E/SZ 299] ;

449/III/97/bufr/mour, Cour d'appel du canton de Berne, [Référence INCADAT : HC/E/CH 433];

5A_479/2007/frs, Tribunal fédéral, IIè cour civile, [Référence INCADAT : HC/E/CH 953];

États-Unis d'Amérique
Friedrich v. Friedrich 78 F.3d 1060 (6th Cir) [Référence INCADAT : HC/E/USf 82] ;

Sealed Appellant v. Sealed Appellee, 15 December 2004, United States Court of Appeals for the Fifth Circuit [Référence INCADAT : HC/E/US 779] ;

Abbott v. Abbott, 130 S. Ct. 1983 (2010), [Référence INCADAT : HC/E/USf 1029].

Sur cette question, voir : P. Beaumont et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, OUP, Oxford, 1999 p. 84 et seq.

Règlement Bruxelles II bis

76;2201/2203 (BRUXELLES II BIS)

L'application de la Convention de La Haye de 1980 dans les États membres de l'Union européenne (excepté le Danemark) a fait l'objet d'un amendement à la suite de l'entrée en vigueur du Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n°1347/2000. Voir :

Affaire C-195/08 PPU Rinau v. Rinau, [2008] ECR I 5271 [2008] 2 FLR 1495 [INCADAT cite: HC/E/ 987];

Affaire C 403/09 PPU Detiček v. Sgueglia, [INCADAT cite: HC/E/ 1327].

La Convention de La Haye reste l'instrument majeur de lutte contre les enlèvements d'enfants, mais son application est précisée et complétée.

L'article 11(2) du Règlement de Bruxelles II bis exige que dans le cadre de l'application des articles 12 et 13 de la Convention de La Haye, l'occasion doit être donnée à l'enfant d'être entendu pendant la procédure sauf lorsque cela s'avère inapproprié eu égard à son jeune âge ou son immaturité.

Cette obligation a donné lieu à un changement dans la jurisprudence anglaise :

Re D. (A Child) (Abduction: Foreign Custody Rights) [2006] UKHL 51 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 880].

Dans cette espèce le juge Hale indiqua que désormais les enfants seraient plus fréquemment auditionnés dans le cadre de l'application de la Convention de La Haye.

L'article 11(4) du Règlement de Bruxelles II bis prévoit que : « Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l'enfant en vertu de l'article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s'il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour. »

Décisions ayant tiré les conséquences de l'article 11(4) du Règlement de Bruxelles II bis pour ordonner le retour de l'enfant :

France
CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [Référence INCADAT : HC/E/FR 947];

CA Paris 15 février 2007 [Référence INCADAT : HC/E/FR 979].

Il convient de noter que le Règlement introduit un nouveau mécanisme applicable lorsqu'une ordonnance de non-retour est rendue sur la base de l'article 13. Les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant ont la possibilité de rendre une décision contraignante sur la question de savoir si l'enfant doit retourner dans cet État nonobstant une ordonnance de non-retour. Si une telle décision de l'article 11(7) du Règlement est en effet rendue et certifiée dans l'État de la résidence habituelle, elle deviendra automatiquement exécutoire dans l'État de refuge ainsi que dans tous les États Membres.

Décision de retour de l'Article 11(7) du Règlement de Bruxelles II bis rendue :

Re A. (Custody Decision after Maltese Non-return Order: Brussels II Revised) [2006] EWHC 3397 (Fam.), [Référence INCADAT : HC/E/UKe 883].

Décision de retour de l'Article 11(7) du Règlement de Bruxelles II bis refusée :

Re A. H.A. v. M.B. (Brussels II Revised: Article 11(7) Application) [2007] EWHC 2016 (Fam), [2008] 1 FLR 289 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 930].

Voir le commentaire de :

P. McEleavy, « The New Child Abduction Regime in the European Community: Symbiotic Relationship or Forced Partnership? », Journal of Private International Law, 2005, p. 5 à 34.