HC/E/UKe 1148
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Deuxième Instance
Australie
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
2 December 2011
Infirmé en appel
Risque grave - art. 13(1)(b) | Engagements | Questions procédurales
Recours accueilli, retour ordonné
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L'argumentation du père était que le juge de première instance avait commis une erreur d'application ou d'interprétation de la loi, en concluant que le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal) [2011] UKSC 27, [2012] 1 AC 144 [2011] UKSC 27 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 1068] avait pour but et pour effet « de dissuader les demandeurs cherchant à obtenir le retour là où le défendeur se fonde sur une perception subjective des risques et conséquences de ce retour, susceptible d'affecter sa stabilité psychologique et donc de placer l'enfant dans une situation intolérable ».
La Cour d'appel a estimé que le juge de première instance avait considéré que Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal) était en défaveur de la demande de retour introduite par le père, en partant du principe que la décision prise dans l'affaire en question « avait effectivement abaissé le niveau d'exigences du défendeur se fondant sur l'exception prévue par l'article 13(1)(b) ». Elle a conclu qu'il s'agissait d'une erreur, dans la mesure où Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal) constituait une requalification et non une évolution de la lettre de la Convention.
La Cour d'appel a également estimé que la proposition de Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal), selon laquelle il n'était pas nécessaire que la Cour détermine la réalité objective des angoisses alléguées, ne faisait pas foi. Il convenait plutôt de juger si les risques, insécurités et angoisses présumées l'emportaient réellement et raisonnablement sur les mesures de protection.
La Cour d'appel a considéré que si le juge de première instance avait correctement interprété les conséquences de Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal) en mettant les mesures de protection au premier plan et en percevant la nécessité de faire juger le conflit parental originel par la juridiction de l'État de résidence habituelle de l'enfant, il aurait ordonné le retour. La Cour d'appel a donc estimé qu'elle était habilitée à ordonner le retour, les témoignages oraux n'ayant pas été admis au procès. Elle a ajouté qu'« il [était] paradigmatique qu'une ordonnance de retour remplisse les objectifs de la Convention ».
Le père a affirmé que la conclusion du juge de première instance était disproportionnée, lorsqu'il avait estimé qu'en dépit des mesures de protection proposées, le retour placerait l'enfant dans une situation intolérable. La Cour a suivi cet avis, jugeant que l'analyse réalisée en première instance comportait des lacunes. Le père était d'accord pour financer le retour en avion et l'hébergement, et était prêt à faire en sorte que la mère n'ait pas besoin d'entrer en contact avec lui.
Il incombait au juge de première instance d'expliquer en quoi ces engagements ne suffisaient pas à protéger la mère de la présence, de la proximité, du contact et de la communication avec le père. Dans la mesure où il n'y avait pas de raison que ces engagements ne soient pas exécutés en Australie, la protection de la mère était assurée à son retour.
Dans Re E (Children) (Abduction: Custody Appeal) [2011] UKSC 27, [2012] 1 AC 144 [2011] UKSC 27 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 1068], la Cour suprême a estimé que si des violences conjugales sont alléguées, la Cour doit en premier lieu demander, en cas de violences avérées, s'il existe un risque grave que l'enfant y soit exposé ou soit placé dans une situation intolérable. Dans le cas présent, cette question a conduit à envisager la tenue d'une audience préliminaire. Cette orientation a été critiquée par le juge de première instance et la Cour d'appel.
Auteur du résumé : Peter McEleavy
Voir aussi la décision de la Cour suprême du Royaume-Uni: Re S. (A Child) [2012] UKSC 10 [Référence INCADAT: HC/E/FR 1147].
Selon les termes de l'article 13, il est clair que lorsque les conditions d'application d'une exception sont établies, le non-retour n'est pas forcément ordonné : le tribunal saisi de la demande de retour a un pouvoir discrétionnaire.
Ce pouvoir discrétionnaire a été étudié très en détail par une toute récente décision de la juridiction suprême britannique, la Chambre des Lords, dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937].
Dans cette affaire, le juge Hale a affirmé qu'il convenait de rejeter toute mention d'exception lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu de la Convention de La Haye, dans la mesure où les circonstances dans lesquelles le retour pourrait être refusé sont elles-mêmes des exceptions au principe général du retour. Le caractère exceptionnel étant donc inhérent au mécanisme; il n'était ni utile ni désirable d'importer une exigence supplémentaire.
Dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, il convenait pour les juges de prendre en compte, outre l'intérêt des enfants en cause, plusieurs principes généraux, l'objectif de retour immédiat des enfants enlevés mais également la courtoisie internationale, le respect mutuel pour les procédures menées dans les États contractants et l'importance de la prévention des enlèvements. Une juridiction pouvait tenir compte des divers principes sous-tendant la Convention, des circonstances de l'affaire et d'éléments liés aux droits et au bien-être de l'enfant. Dans certains cas, les principes conventionnels étaient amenés à primer, dans d'autres cas non.
La nature discrétionnaire des exceptions se rencontre le plus fréquemment dans le contexte de l'article 13(2) (opposition d'un enfant mûr), mais il existe également des exemples de demandes de retour auxquelles il a été fait droit nonobstant l'établissement d'exceptions supplémentaires.
Consentement
Australie
Kilah & Director-General, Department of Community Services [2008] FamCAFC 81 [Référence INCADAT : HC/E/AU 995] ;
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re D. (Abduction: Discretionary Return) [2000] 1 FLR 24 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 267].
Acquiescement
Nouvelle-Zélande
U. v. D. [2002] NZFLR 529 [Référence INCADAT : HC/E/NZ @472@].
Risque Grave
Nouvelle-Zélande
McL. v. McL., 12/04/2001, transcript, Family Court at Christchurch (New Zealand) [Référence INCADAT : HC/E/NZ @538@].
Il convient de noter que dans l'arrêt de la cour d'appel anglaise Re D. (Abduction: Rights of Custody) [2006] UKHL 51; [2007] 1 AC 619, [Référence INCADAT : HC/E/ UKe @880@] le juge Hale avait estimé qu'il était inconcevable d'ordonner le retour d'un enfant si un risque grave de danger était établi.
Les tribunaux ont adopté des positions variables lorsqu'ils ont été confrontés à des allégations selon lesquelles le parent délaissé avait fait subir des mauvais traitements ou abus sexuels à l'enfant déplacé ou retenu illicitement. Dans les affaires les plus simples, les accusations ont pu être rejetées comme non fondées. Lorsqu'il n'était pas évident que l'allégation était manifestement non fondée, les tribunaux se sont montrés divisés quant à savoir si une enquête poussée devait être menée dans l'État de refuge ou bien dans l'État de la résidence habituelle, auquel cas des mesures de protection provisoires seraient prises en vue de protéger l'enfant en cas de retour.
- Accusations déclarées non fondées :
Belgique
Civ Liège (réf) 14 mars 2002, Ministère public c/ A [Référence INCADAT : HC/E/BE 706]
Le père prétendait que la mère ne voulait le retour de l'enfant que pour la faire déclarer folle et vendre ses organes. Toutefois, le juge releva que si les déclarations du père relevaient d'une profonde conviction, elles n'étaient pas étayées d'éléments de preuve.
Canada (Québec)
Droit de la famille 2675, No 200-04-003138-979 [Référence INCADAT : HC/E/CA 666]
La Cour décida que si la mère avait eu des craintes sérieuses à propos de son fils, elle ne l'aurait pas laissé aux soins du père pendant les vacances, après ce qu'elle présentait comme un incident sérieux.
J.M. c. H.A., Droit de la famille, N°500-04-046027-075 [Référence INCADAT : HC/E/CA 968]
La mère faisait valoir un risque grave au motif que le père était un prédateur sexuel. La Cour rappela que toutes les procédures étrangères avaient rejeté ces allégations, et indiqua qu'il fallait garder en mémoire que la question posée était celle du retour et non de la garde. Elle constata que les craintes de la mère et de ses parents étaient largement irraisonnées, et que la preuve de la corruption des autorités judiciaires de l'État de résidence habituelle n'était pas davantage rapportée. La Cour exprima au contraire une crainte face à la réaction de la famille de la mère (rappelant qu'ils avaient enlevé l'enfant en dépit de 3 interdictions judiciaires de ce faire), ainsi qu'une critique concernant les capacités mentales de la mère, qui avait maintenu l'enfant dans un climat de peur de son père.
France
CA Amiens 4 mars 1998, n° RG 5704759 [Référence INCADAT : HC/E/FR 704]
La Cour rejeta l'allégation de violence physique du père à l'égard de l'enfant. S'il pouvait y avoir eu des épisodes violents, ils n'étaient pas de nature à caractériser le risque nécessaire à l'application de l'article 13(1)(b).
Nouvelle Zélande
Wolfe v. Wolfe [1993] NZFLR 277 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 303]
La Cour rejeta l'allégation selon laquelle les habitudes sexuelles du père étaient de nature à causer un risque grave de danger pour l'enfant. Elle ajouta que la preuve n'avait pas été apportée que le retour exposerait l'enfant à un risque tel que l'article 13(1)(b) serait applicable.
Suisse
Obergericht des Kantons Zürich (Cour d'appel du canton de Zurich) (Suisse), 28/01/1997, U/NL960145/II.ZK [Référence INCADAT : HC/E/CH 426]
La mère prétendait que le père constituait un danger pour les enfants parce qu'il avait entre autres abusé sexuellement de l'enfant. Pour rejeter cet argument, la Cour fit observer que la mère avait jusqu'alors laissé l'enfant vivre seul avec son père pendant qu'elle voyageait à l'étranger.
Retour ordonné et enquête à mener dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant :
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
N. v. N. (Abduction: Article 13 Defence) [1995] 1 FLR 107 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 19]
Le risque encouru par l'enfant devait faire l'objet d'une enquête dans le cadre de la procédure de garde en cours en Australie. Il convenait de protéger l'enfant jusqu'à la conclusion de cette enquête. Toutefois cette nécessité de protection ne devait pas mener au rejet de la demande de retour car le risque était lié non pas au retour en Australie mais à un droit de visite et d'hébergement non surveillé.
Re S. (Abduction: Return into Care) [1999] 1 FLR 843 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 361]
La Cour rejeta les allégations selon lesquelles l'enfant était victime d'abus sexuels de la part du concubin de la mère de nature à déclencher le jeu de l'exception prévue à l'article 13(1)(b). Pour rejeter l'application de l'article 13(1)(b), la Cour avait relevé que les autorités suédoises étaient conscientes de ce risque d'abus et avaient pris des mesures précises de nature à protéger l'enfant à son retour : elle serait placée dans un foyer d'analyse avec sa mère. Si la mère refusait, alors l'enfant serait ôtée à sa famille et placée dans un foyer. Elle fit également remarquer que la mère s'était séparée de son concubin.
Finlande
Supreme Court of Finland 1996:151, S96/2489 [Référence INCADAT : HC/E/FI 360]
Lors de son analyse concernant la question de savoir si l'allégation selon laquelle le père aurait abusé sexuellement de sa fille constituait une barrière au retour de l'enfant, la Cour a fait observer, d'une part, qu'un des objectifs de la Convention de La Haye était d'empêcher que le for devant se prononcer sur le retour de l'enfant soit choisi arbitrairement. La Cour observa, d'autre part, que la crédibilité des allégations devrait être analysée dans l'État de la résidence habituelle des époux car il s'agissait de l'État le mieux placé, et qu'aucun risque grave de danger n'existait si la mère accompagnait les enfants et organisait des conditions de vie dans leur meilleur intérêt. Dans ces conditions le retour pouvait être ordonné.
Irlande
A.S. v. P.S. (Child Abduction) [1998] 2 IR 244 [Référence INCADAT : HC/E/IE 389]
La Cour suprême irlandaise a noté qu'à première vue la preuve avait été apportée que les enfants avaient été victimes d'abus sexuels de la part du père et ne devaient pas être placés sous sa garde. Cependant, le tribunal avait estimé à tort que le retour des enfants en lui-même constituerait un risque grave. Au vu des engagements pris par le père, il n'y aurait pas de risque grave à renvoyer les enfants dans leur foyer familial sous la seule garde de la mère.
- Enquête à mener dans l'État de refuge :
Chine (Région administrative spéciale de Hong Kong)
D. v. G. [2001] 1179 HKCU 1 [Référence INCADAT : HC/E/HK 595]
La Cour d'appel critiqua le fait que le retour était soumis à une condition sur laquelle les juridictions de la Chine (RAS Hong Kong) n'avaient aucun contrôle (ni aucune compétence). La condition posée étant l'action d'un tiers (l'Autorité centrale suisse). La Cour estima que jusqu'à ce que les allégations se révèlent dénuées de fondement, il n'était pas admissible que la cour, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, décide de renvoyer l'enfant dans le milieu dans lequel les abus s'étaient produits.
États-Unis d'Amérique
Danaipour v. McLarey, 286 F.3d 1 (1st Cir.2002) [Référence INCADAT : HC/E/USf 459]
La Cour d'appel du premier ressort estima que le premier juge aurait dû faire preuve d'une grande prudence avant de renvoyer un enfant alors même qu'il y avait de sérieuses raisons de croire qu'il avait fait l'objet d'abus sexuels. La Cour d'appel ajouta que les juges devaient se montrer particulièrement prudents dans leur tentative de garantir la protection de l'enfant par la voie d'engagements dans des situations analogues.
Kufner v. Kufner, 519 F.3d 33 (1st Cir. 2008), [Référence INCADAT : HC/E/USf 971]
Le Tribunal fédéral avait demandé à un pédiatre spécialisé dans les questions de maltraitance, d'abus sexuels sur enfants et de pédopornographie de se prononcer sur la question de savoir si les photos des enfants constituaient des photos pornographiques et si les troubles comportementaux des enfants traduisaient un abus sexuel. L'expert conclut qu'aucun élément ne permettait de déduire que le père était pédophile, qu'il était attiré sexuellement par des enfants ni que les photos étaient pornographiques. Elle approuva l'enquête allemande et constata que les conclusions allemandes étaient conformes aux observations effectuées. Elle ajouta que les symptômes développés par les enfants étaient causés par le stress que la séparation très difficile des parents leur causait. Elle ajouta encore que les enfants ne devaient pas être soumis à d'autres évaluations en vue d'établir un abus sexuel car cela ne ferait qu'ajouter à leur niveau de stress déjà dangereusement élevé.
- Retour refusé :
Royaume-Uni - Écosse
Q., Petitioner, [2001] SLT 243, [Référence INCADAT : HC/E/UKs 341]
Le juge estima qu'il était possible que les allégations d'abus fussent exactes. De même, il n'était pas impossible qu'en cas de retour, l'enfant puisse être amené à avoir un contact non surveillé avec l'auteur potentiel de ces abus. Elle observa toutefois que les autorités d'autres États parties à la Convention de La Haye sont susceptibles de fournir une protection adéquate à l'enfant. En conséquence, le retour d'un enfant pouvait être ordonné même en cas d'allégations d'abus sexuels. En l'espèce cependant, le juge estima qu'au regard des différentes procédures ouvertes en France, il semblait que les juridictions compétentes n'étaient pas en mesure de protéger l'enfant, ou pas disposées à le faire. Elle en a déduit que le retour de l'enfant l'exposerait à un risque grave de danger physique ou psychologique ou la placerait de toute autre manière dans une situation intolérable.
États-Unis d'Amérique
Danaipour v. McLarey, 386 F.3d 289 (1st Cir. 2004), [Référence INCADAT : HC/E/USf 597]
Ces conclusions rendaient inopérants les arguments du père selon lequel les autorités suédoises pourraient prendre des mesures pour limiter tout danger supplémentaire une fois les enfants rentrées dans ce pays. La Cour d'appel décida qu'en ces circonstances, l'application de l'article 13(1)(b) n'exigeait pas que la question des engagements du père soit posée, pas davantage que celle des mesures à prendre par les juridictions de l'État de résidence habituelle.
(Auteur : Peter McEleavy, Avril 2013)
La Cour d'appel anglaise a adopté une position très stricte quant à l'exception du risque grave de l'article 13(1) b) et il est rare qu'elle considère cette disposition applicable. Parmi les décisions ayant refusé d'ordonner le retour, voir :
Re F. (A Minor) (Abduction: Custody Rights Abroad) [1995] Fam 224, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 8] ;
Re M. (Abduction: Psychological Harm) [1997] 2 FLR 690, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 86] ;
Re M. (Abduction: Leave to Appeal) [1999] 2 FLR 550, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 263] ;
Re D. (Article 13B: Non-return) [2006] EWCA Civ 146, [2006] 2 FLR 305, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 818] ;
Klentzeris v. Klentzeris [2007] EWCA Civ 533, [2007] 2 FLR 996 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 931].
Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.