AFFAIRE

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Nom de l'affaire

Re M. (Abduction: Psychological Harm) [1997] 2 FLR 690

Référence INCADAT

HC/E/UKe 86

Juridiction

Pays

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Nom

Court of Appeal (Angleterre)

Degré

Deuxième Instance

États concernés

État requérant

Grèce

État requis

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

Décision

Date

19 December 1996

Statut

Définitif

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2 | Risque grave - art. 13(1)(b) | Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

Décision

Recours rejeté, retour refusé

Article(s) de la Convention visé(s)

1 3 12 13(1)(b) 13(2)

Article(s) de la Convention visé(s) par le dispositif

13(1)(b)

Autres dispositions

-

Jurisprudence | Affaires invoquées

-

INCADAT commentaire

Objectifs et domaine d’application de la Convention

Interprétation de la Convention
Interprétation

Exceptions au retour

Problèmes généraux
Impact d'une demande d'asile ou du statut de réfugié par le parent ayant emmené l'enfant
Risque grave de danger
Enlèvements par le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant
Jurisprudence du Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Opposition de l’enfant
Exercice d'un pouvoir discrétionnaire

RÉSUMÉ

Résumé disponible en EN | FR | ES

Faits

Les enfants, deux garçons, étaient âgés de 9 et 7 ans ½ à la date du second déplacement dont le caractère illicite était allégué. Ils avaient passé toute leur vie en Grèce. Les parents étaient séparés.

Le 1er septembre 1994, la mère emmena les enfants en Angleterre, son État d'origine, pour y rendre visite à sa famille. Elle ne rentra pas. Le 28 juin 1995, la High Court accueillit la demande de retour du père en application de la Convention de La Haye. Le 11 septembre 1995, la juridiction grecque accorda provisoirement la garde des enfants au père, la mère ayant un droit de visite.

Pendant une période de visite et d'hébergement en septembre 1996, la mère saisit une nouvelle fois les juridictions anglaises et ne renvoya pas les enfants en Grèce. Le père forma une nouvelle demande de retour en application de la Convention. Le 1er novembre 1996, la High Court rejeta la demande du père au motif que les principales conditions de l'exception de l'article 13 étaient remplies.

Le père interjeta appel.

Dispositif

Appel rejeté et retour refusé ; les conditions exigées par l'article 13 alinéa 1 b étaient remplies, qui indiquaient que les enfants étaient exposés à un risque grave de danger psychologique.

Motifs

Objectifs de la Convention - Préambule, art. 1 et 2

La Convention s’oriente vers le bien-être de l’enfant, mais le critère de l’intérêt de l’enfant doit généralement être appliqué de manière à permettre aux juridictions de l’Etat de résidence habituelle de répondre elles-mêmes à la question de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Risque grave - art. 13(1)(b)

En l’espèce, la mère refusait de rentrer en Grèce ; ainsi les enfants y seraient retournés seuls, le cas échéant, et se seraient inévitablement trouvés sous la responsabilité de leur père et de leurs grands-parents paternels jusqu’à l’instance au fond devant les juridictions grecques. A la lumière des rapports concernant l’état d’esprit des enfants, il était difficile d’aller outre leurs souhaits et leurs sentiments. Les enfants vouaient à leur mère un attachement particulièrement fort. Le père n’acceptait pas leurs difficultés psychologiques. Par conséquent, à leur retour, les enfants n’auraient reçu aucune aide pour surmonter la période de transition. La Cour estima que le retour aurait donc exposé les enfants à un risque grave de danger psychologique.

Opposition de l'enfant au retour - art. 13(2)

Bien que certaines allégations des enfants se soient révélées inexactes, cela ne changeait rien à leurs anxiétés sous-jacentes, ni à la force de leurs sentiments. A la lumière des conclusions atteintes quant à la question du risque grave, il était impossible de séparer le problème du retour en Grèce de celui du retour auprès de leur père. Il s’agissait d’une hypothèse dans laquelle l’opposition des enfants au retour dans l’Etat de résidence se trouvait inextricablement liée à celle du retour chez le parent victime. Il ne fut jamais proposé de séparer les enfants, donc leur sort devait être apprécié de la même façon. Le juge estima que les enfants disposaient tous deux d’une maturité suffisante. La Court of Appeal exprima quelques hésitations au regard de l’opposition du cadet, mais considéra que celle de l’aîné, âgé alors de 9 ans 1/2, était fondée et devait être prise en considération. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, la Cour estima que la situation des enfants était profondément différente de celle entourant le premier déplacement illicite. Alors qu’en 1995, il était approprié de ne pas tenir compte de leur opinion, ce n’était plus le cas désormais. Bien que le comportement du parent auteur de l’enlèvement soit important, il est de rares cas dans lesquels le juge doit passer outre ce comportement dans l’intérêt manifeste des enfants impliqués. Le risque grave de danger psychologique lié au retour des enfants en Grèce importait davantage que la manifestation par la Cour de sa désapprobation de l’attitude de la mère qui se serait traduit par le refus de lui accorder le bénéfice du non-retour.

Commentaire INCADAT

Interprétation

Analyse de la jurisprudence de la base de données INCADAT en cours de préparation.

Impact d'une demande d'asile ou du statut de réfugié par le parent ayant emmené l'enfant

Dans certaines affaires, le parent ayant emmené l'enfant a demandé l'asile politique ou un statut de réfugié dans l'État de refuge. Généralement dans ces affaires, l'État de la résidence habituelle de l'enfant n'était pas partie à la Convention de La Haye de 1980. Le tribunal saisi avait néanmoins dû mettre en balance les principes sous-tendant le traitement légal des enlèvements d'enfant et l'obtention (passée ou potentielle) du statut de réfugié par le parent ayant emmené l'enfant.

Canada
The Matter of the Children's Law Reform Act: Between S. Del Carmen Miranda de Martinez v. G. Martinez-Jarquin (18 July 1990), transcript, Ontario Court; Provincial Division (Canada) [Référence INCADAT : HC/E/CA 368].

Un parent avait emmené ses enfants au Canada. Originaires d'El Salvador, ils avaient obtenu le statut de réfugié au Canada. Une demande de retour fut introduite. Le juge indiqua qu'il convenait d'attacher une grande importance à la décision accordant le statut de réfugié et qu'il convenait de ne pas la remettre en cause. Toutefois, le juge estima que la demande dont il était saisi était de nature différente. Le juge décida que tout conflit entre les questions d'immigration et d'enlèvements d'enfants devait être résolu en faveur des principes auxquels la province de l'Ontario était attachée, lesquels sont incorporés dans la Convention de La Haye. Le retour fut ordonné.

Kovacs v. Kovacs (2002), 59 O.R. (3d) 671 (Sup. Ct.) [Référence INCADAT : HC/E/CA 760].

La mère, hongroise, et l'enfant d'origine Rome, demandèrent le statut de réfugié à leur arrivée au Canada. La cour décida qu'il était possible d'ordonner le retour d'un enfant alors même qu'on avait fait une demande d'asile en son nom. La Convention exigeait que les demandes de retour fassent l'objet d'un traitement rapide (quelques mois) alors que les demandes d'asile prenaient un an ou plus. Une demande d'asile ne devait pas empêcher l'application des principes de la Convention.

Canada (Citizenship and Immigration) v. Garcia, 2007 FCA 75, [2008] 1 F.C.R. 322 [Référence INCADAT : HC/E/CA 727].

La Cour d'appel fédérale jugea que la décision de non-retour de la Cour d'appel du Québec concernant un des enfants n'allait pas directement à l'encontre de l'ordre d'expulsion précédemment émis. En effet, la Cour d'appel du Québec s'est contentée de refuser la demande de retour faite par le père et n'a formulé aucun ordre spécifique quant au lieu de résidence de l'enfant. De plus, le jugement de la Cour d'appel du Québec pris en vertu de la Convention de la Haye et selon lequel l'enfant s'était intégré à son nouvel environnement n'était pas suffisant pour justifier un sursis à l'exécution de l'ordre d'expulsion émis conformément à la section 50(a) de la LIPR.

2008 QCSC 4762, Superior Court of Québec (District of Montreal), No: 500-04-048266-085 [Référence INCADAT : HC/E/CA 925].

La demande de statut de réfugié de la mère n'a pas affecté la demande faite en vertu de la Convention de la Haye car l'enfant était en l'espèce de nationalité américaine et avait le droit de résider aux Etats-Unis.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
Re S. (Children) (Abduction: Asylum Appeal) [2002] EWCA Civ 843, [2002] 1 WLR 2548 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 590].

Une mère a demandé l'asile après avoir emmené les enfants au Royaume-Uni pour ce qui devait être deux mois de vacances. Elle a fait valoir que l'article 15 de la loi de 1999 sur l'immigration et l'asile (the Immigration and Asylum Act 1999), qui donnait effet dans le droit britannique aux dispositions de l'article 33 de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, interdisait le retour des enfants en Inde, comme l'avait ordonné le tribunal. Cet article disposait :

« (1) Entre le moment où le demandeur d'asile introduit sa demande et celui où le secrétaire d'État lui notifie la décision prise, il ne peut être expulsé du Royaume-Uni et on ne lui demander de quitter le territoire.

(2) L'alinéa 1 n'empêche pas qu'on donne des directives quant à son expulsion ni qu'un arrêté d'expulsion soit pris pendant cette période. »

La cour d'appel indiqua que l'article 15 ne faisait pas exception aux obligations découlant de l'article 12 de la Convention de La Haye ni n'était de nature à affecter les obligations et pouvoirs des juges tutélaires.

Il fut reconnu que l'article 15 donnait effet dans le droit britannique aux dispositions de l'article 33 de la Convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés de 1951. La cour estima cependant que le premier article n'avait pas un domaine d'application aussi vaste que celui de la Convention de 1951 et qu'on pouvait se poser la question de savoir dans quelle mesure un juge aux affaires familiales saisi d'une demande de retour était tenu de prendre en compte l'article 33 lui-même. La cour ne se prononça pas clairement sur ce point mais indiqua qu'il était probable qu'un juge aux affaires familiales accorderait toute son attention à toute suggestion laissant entendre qu'un enfant ferait l'objet de persécutions dans son État d'origine avant de décider d'ordonner ou non le retour de l'enfant dans cet État.

La cour d'appel releva par ailleurs que la mère ne pouvait de toute façon pas bénéficier de l'article 15 dans la mesure où elle avait déjà reçu notification de la décision du Secrétaire d'État.

Appel rejeté et retour ordonné ; il était dans l'intérêt supérieur des enfants de rentrer en Inde et les règles relatives aux demandeurs d'asile ne s'opposaient pas à cette solution.

Re H. (Child Abduction: Mother's Asylum) [2003] EWHC 1820, [2003] 2 FLR 1105 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 587].

La mère avait obtenu le statut de refugié lorsque la demande de retour formée par le père sur un fondement non conventionnel fut entendue. La High Court a dû analyser l'article 33 de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés.

Quoiqu'aucune des parties n'ait prétendu que l'obtention du droit d'asile par la mère impliquait une ordonnance de non-retour, la mère alléguait que le tribunal devait accorder une grande importance à sa situation tandis que le père estimait que cet élément ne devait pas avoir un poids fondamental.

Re F. (Children) (Abduction: Removal Outside Jurisdiction) [2008] EWCA Civ. 854, [2008] 2 F.L.R. 1649 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 982].

La Cour ordonna le retour au Mozambique, attachant une grande importance à des éléments de preuve nouveaux qui révélaient la précarité de la présence de la mère en Angleterre; elle avait vu ses demandes d'asile rejetées pendant 3 ans. Les enfants n'avaient donc, de fait, aucune chance de rester au Royaume-Uni. En outre, renvoyer les enfants au Mozambique (l'État de leur résidence habituelle) dans le cadre de cette instance permettait d'éviter que la mère et les enfants soient déportés à la République démocratique du Congo, dont la mère était ressortissante.

E.M. (Lebanon) v. Secretary of State for the Home Department [2008] UKHL 64, [2008] 3 W.L.R. 931 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 994].

Il s'agissait en l'espèce d'une affaire d'immigration. La demande d'asile de la mère avait été refusée, mais son argument selon lequel le retour aurait violé son droit et le droit de son enfant au respect de la vie familiale selon l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) avait finalement prévalu. Toutefois il importe de noter qu'en l'espèce « le foyer » de l'enfant ne se composait que de sa mère puisque que le père n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa naissance. Par une majorité de 4 contre 1, les juges ont estimé que le droit de la famille libanais, quoique de nature discriminatoire puisqu'il impose le transfert automatique de la responsabilité de l'enfant de la mère au père le jour de son 7e anniversaire, ne viole pas en principe la CEDH.

Enlèvements par le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant

La question de la position à adopter dans les situations où le parent ravisseur est le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant, et qu'il menace de ne pas rentrer avec l'enfant dans l'État de résidence habituelle si une ordonnance de retour est rendue, est controversée.

De nombreux États contractants ont adopté une position très stricte au terme de laquelle le jeu de l'exception prévue à l'article 13(1)(b) n'a été retenu que dans des circonstances exceptionnelles quand l'argument tendant au non-retour de l'enfant était invoqué. Voir :

Autriche
4Ob1523/96, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 561]

Canada
M.G. v. R.F., 2002 R.J.Q. 2132 [Référence INCADAT: HC/E/CA 762]

N.P. v. A.B.P., 1999 R.D.F. 38 [Référence INCADAT: HC/E/CA 764]

Dans cette affaire, les circonstances exceptionnelles ont résulté en une ordonnance de non-retour. La mère faisait face à une menace véritable qui lui faisait craindre légitimement pour sa sécurité si elle retournait en Israël. Elle avait été emmenée en Israël sous un faux prétexte, y avait été vendue à la mafia russe puis revendue au père, qui l'avait forcée à se prostituer. Elle avait alors été enfermée, battue par le père, violée et menacée. La mère était dans un réel état de peur, on ne pouvait attendre d'elle qu'elle retourne en Israël. Il aurait été complètement inapproprié de renvoyer l'enfant sans sa mère vers un père qui avait acheté et vendu des femmes, et dirigé des activités de prostitution.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 34]

Re C. (Abduction: Grave Risk of Psychological Harm) [1999] 1 FLR 1145 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 269]

Toutefois, dans un jugement plus récent rendu par une Cour d'appel anglaise, la position adoptée en 1989 dans l'affaire C. v. C. fut précisée. Voir :

Re S. (A Child) (Abduction: Grave Risk of Harm) [2002] 3 FCR 43, [2002] EWCA Civ 908 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 469]

Dans cette affaire, il fut décidé que le refus de la mère de retourner dans l'État où l'enfant avait sa résidence habituelle était susceptible de déclencher le jeu de l'exception en ce qu'il n'était pas imputable à un comportement excessif mais à une maladie dont elle souffrait. Il convient de noter qu'une ordonnance de retour fut malgré tout rendue. On peut également mentionner à ce sujet les décisions de la Cour Suprême du Royaume-Uni dans Re E. (Children) (Abduction: Custody Appeal) [2011] UKSC 27, [2012] 1 A.C. 144 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 1068] et Re S. (A Child) (Abduction: Rights of Custody) [2012] UKSC 10, [2012] 2 A.C. 257 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 1147]. Dans cette dernière affaire, il fut accepté que les angoisses d'une mère concernant son retour satisfaisaient le niveau de risque requis à l'article 13(1)(b) et justifiaient le jeu de cette exception quoiqu'elles n'étaient pas fondées sur un risque objectif. L'ampleur de ces angoisses était telle qu'elles lui auraient probablement causé des difficultés à assumer normalement son rôle de parent en cas de retour, au point de rendre la situation de l'enfant intolérable.

Allemagne
Oberlandesgericht Dresden, 10 UF 753/01, 21 January 2002 [Référence INCADAT: HC/E/DE 486]

Oberlandesgericht Köln, 21 UF 70/01, 12 April 2001 [Référence INCADAT: HC/E/DE 491]

Auparavant, une position beaucoup plus libérale avait été adoptée :

Oberlandesgericht Stuttgart, 17 UF 260/98, 25 November 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 323]

Suisse
5P_71/2003/min, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 27 mars 2003 [Référence INCADAT: HC/E/CH 788]

5P_65/2002/bnm, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 11 avril 2002 [Référence INCADAT: HC/E/CH 789]

5P_367/2005/ast, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 15 novembre 2005 [Référence INCADAT: HC/E/CH 841]

5A_285/2007/frs, IIe Cour de droit civil, arrêt du TF du 16 août 2007 [Référence INCADAT: HC/E/CH 955]

5A_479/2012, IIe Cour de droit civil, arrêt du TF du 13 juillet 2012 [Référence INCADAT: HC/E/CH 1179]

Nouvelle-Zélande
K.S. v. L.S. [2003] 3 NZLR 837 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 770]

Royaume-Uni - Écosse
McCarthy v. McCarthy [1994] SLT 743 [Référence INCADAT: HC/E/UKs 26]

Etats-Unis d'Amérique
Panazatou v. Pantazatos, No. FA 96071351S (Conn. Super. Ct., 1997) [Référence INCADAT: HC/E/USs 97]

Dans d'autres États contractants, la position adoptée quant aux arguments tendant au non-retour de l'enfant a varié :

Australie
En Australie, la jurisprudence ancienne témoigne d'une position initialement très stricte. Voir :

Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT: HC/E/AU 294]

Director General of the Department of Family and Community Services v. Davis (1990) FLC 92-182 [Référence INCADAT: HC/E/AU 293]

Dans l'affaire State Central Authority v. Ardito, 20 October 1997 [Référence INCADAT: HC/E/AU 283], le Tribunal de Melbourne avait estimé qu'il y avait bien un risque grave de danger alors que la mère refusait de rentrer avec l'enfant. En l'espèce, toutefois, la mère ne pouvait pas retourner aux États-Unis, État de résidence habituelle de l'enfant, car les autorités de ce pays lui refusaient l'entrée sur le territoire.

Plus récemment, suite à la décision de la Cour suprême qui avait été saisie des appels joints dans D.P. v. Commonwealth Central Authority; J.L.M. v. Director-General, NSW Department of Community Services [2001] HCA 39, (2001) 180 ALR 402 [Référence INCADAT: HC/E/AU 346, 347], les tribunaux ont accordé une attention plus particulière à la situation à laquelle l'enfant allait devoir faire face après son retour.

Pour une illustration de ce phénomène dans une affaire où le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant refusait de rentrer avec lui dans l'État de sa résidence habituelle, voir : Director General, Department of Families v. RSP. [2003] FamCA 623 [Référence INCADAT: HC/E/AU 544].

France
Dans la jurisprudence française, l'interprétation permissive de l'article 13(1)(b) qui prévalait initialement a été remplacée par une interprétation beaucoup plus stricte. Pour une illustration de l'interprétation permissive initiale. Voir :

Cass. Civ 1ère 12. 7. 1994, S. c. S.. See Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT: HC/E/FR 103]

Cass. Civ 1ère, 22 juin 1999, No de RG 98-17902 [Référence INCADAT: HC/E/FR 498]

et pour une illustration de l'interprétation plus stricte, voir :

Cass Civ 1ère, 25 janvier 2005, No de RG 02-17411 [Référence INCADAT: HC/E/FR 708]

CA Agen, 1 décembre 2011, No de RG 11/01437 [Référence INCADAT: HC/E/FR 1172]

Israël
Il existe dans la jurisprudence israélienne des exemples contrastés du traitement des exceptions au retour :

Civil Appeal 4391/96 Ro v. Ro [Référence INCADAT: HC/E/IL 832]  contrastant avec :

Family Appeal 621/04 D.Y v. D.R [Référence INCADAT: HC/E/IL 833]

Pologne
Decision of the Supreme Court, 7 October 1998, I CKN 745/98 [Référence INCADAT: HC/E/PL 700]

La Cour Suprême nota qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant de la priver des soins de sa mère, si celle-ci décidait de rester en Pologne. La Cour affirma cependant que si l'enfant devait rester en Pologne, il serait tout autant contraire à son intérêt d'être privée des soins de son père. Tenant compte de ces considérations, la Cour conclut qu'il ne pouvait pas être présumé qu'ordonner le retour de l'enfant la placerait dans une situation intolérable.

Decision of the Supreme Court, 1 December 1999, I CKN 992/99 [Référence INCADAT: HC/E/PL 701]

La Cour suprême précisa que l'argument fréquemment avancé de la potentielle séparation entre l'enfant et le parent ravisseur ne justifiait pas, en principe, le jeu de l'exception. La Cour jugea qu'en l'absence d'obstacles objectifs au retour du parent ravisseur, on pouvait présumer que celui-ci accordait plus de valeur à ses propres intérêts qu'à ceux de l'enfant.

La Cour ajouta que la crainte pour le parent ravisseur de voir sa responsabilité pénale engagée ne constituait pas un obstacle objectif au retour, puisque celui-ci aurait dû avoir conscience des conséquences de ses actions. La situation était cependant plus compliquée s'agissant des nourrissons. La Cour estima que le lien spécial unissant la mère et le nourrisson ne rendait la séparation possible qu'en cas exceptionnel, et ce même en l'absence d'obstacle objectif au retour de la mère dans l'État de résidence habituelle. La Cour jugea que lorsque la mère d'un nourrisson refusait de revenir avec lui, quelles qu'en soient les raisons, alors le retour devait être refusé sur la base de l'article 13(1)(b). D'après les faits de l'espèce, le retour avait été ordonné.

Uruguay
Solicitud conforme al Convenio de La Haya sobre los Aspectos Civiles de la Sustracción Internacional de Menores - Casación, IUE 9999-68/2010 [Référence INCADAT: HC/E/UY 1185]

Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)
Il existe des décisions de la CourEDH adoptant une position stricte relativement à la compatibilité des exceptions de la Convention de La Haye avec la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Dans certaines de ces affaires, des arguments relatifs à l'exception pour risque grave étaient considérés, y compris lorsque le parent ravisseur indiquait son refus d'accompagner le retour de l'enfant. Voir :

Ilker Ensar Uyanık c. Turquie (Application No 60328/09) [Référence INCADAT: HC/E/ 1169]

Dans cette affaire, la CourEDH confirma un recours du père à qui l'enfant avait été enlevé selon lequel les juridictions turques avaient commis une violation de l'article 8 de la CEDH en refusant d'ordonner le retour de son enfant. La CourEDH jugea que, bien que le très jeune âge d'un enfant soit un critère à prendre en compte dans la détermination de son intérêt, cela ne constituait pas en soi, selon les exigences de la Convention de La Haye, un motif suffisant pour justifier le rejet d'une demande de retour.

Il a parfois été fait recours à des témoignages d'expert afin de faciliter l'évaluation des conséquences potentielles de la séparation entre l'enfant et le parent ravisseur. Voir :

Maumousseau and Washington v. France (Application No 39388/05) of 6 December 2007 [Référence INCADAT: HC/E/ 942]

Lipowsky and McCormack v. Germany (Application No 26755/10) of 18 January 2011 [Référence INCADAT: HC/E/ 1201]

MR and LR v. Estonia (Application No 13420/12) of 15 May 2012 [Référence INCADAT: HC/E/ 1177]

Cependant, il faut également noter que, depuis la décision de la Grande Chambre dans l'affaire Neulinger et Shuruk c Suisse, il est des exemples où une approche moins stricte est suivie. Dans le contexte d'une demande de retour, ce dernier jugement avait placé l'accent sur l'intérêt supérieur de l'enfant enlevé et sur le fait de vérifier que les autorités nationales compétentes avaient conduit un examen détaillé de la situation familiale dans son ensemble ainsi qu'une appréciation équilibrée et raisonnable de tous les intérêts en jeu. Voir :

Neulinger and Shuruk v. Switzerland (Application No 41615/07), Grand Chamber, of 6 July 2010 [Référence INCADAT: HC/E/ 1323]

X. v. Latvia (Application No 27853/09) of 13 December 2011 [Référence INCADAT: HC/E/ 1146]; et décision de la Grand Chamber X. v. Latvia (Application No 27853/09), Grand Chamber [Référence INCADAT: HC/E/ 1234]

B. v. Belgium (Application No 4320/11) of 10 July 2012 [Référence INCADAT: HC/E/ 1171]

Dans cette affaire, la CourEDH estima à la majorité que le retour d'un enfant aux Etats-Unis d'Amérique entrainerait une violation de l'article 8 de la CEDH. Il fut jugé que le processus de prise de décision de la Cour d'appel belge, en ce qui concerne l'article 13(1)(b), n'avait pas satisfait aux exigences procédurales posées par l'article 8 de la CEDH. Les deux juges dissidents notèrent cependant que le danger visé par l'article 13 ne saurait résulter de la seule séparation de l'enfant et du parent ravisseur.

(Auteur: Peter McEleavy, avril 2013)

Jurisprudence du Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles

La Cour d'appel anglaise a adopté une position très stricte quant à l'exception du risque grave de l'article 13(1) b) et il est rare qu'elle considère cette disposition applicable. Parmi les décisions ayant refusé d'ordonner le retour, voir :

Re F. (A Minor) (Abduction: Custody Rights Abroad) [1995] Fam 224, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 8] ;

Re M. (Abduction: Psychological Harm) [1997] 2 FLR 690, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 86] ;

Re M. (Abduction: Leave to Appeal) [1999] 2 FLR 550, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 263] ;

Re D. (Article 13B: Non-return) [2006] EWCA Civ 146, [2006] 2 FLR 305, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 818] ;

Klentzeris v. Klentzeris [2007] EWCA Civ 533, [2007] 2 FLR 996  [Référence INCADAT : HC/E/UKe 931].

Exercice d'un pouvoir discrétionnaire

Lorsqu'il est établi qu'un enfant s'oppose à son retour et a un âge et une maturité suffisants pour qu'il soit approprié de tenir compte de son opinion, le tribunal saisi a un pouvoir discrétionnaire pour décider d'ordonner ou non le retour de l'enfant. 

Des approches différentes se sont fait jour quant à la manière dont ce pouvoir discrétionnaire peut être exercé et quant aux différents facteurs à considérer dans ce cadre. 

Australie        
Richards & Director-General, Department of Child Safety [2007] FamCA 65 [Référence INCADAT : HC/E/AU 904]

La Cour d'appel estima que le juge du premier degré n'aurait pas dû considérer qu'il devait y avoir des arguments « clairs et convaincants » pour aller à l'encontre des objectifs de la Convention. La Cour rappela que la Convention prévoyait un nombre limité d'exceptions au retour et que si ces exceptions étaient applicables, la Cour disposait d'un pouvoir discrétionnaire. Il convenait pour cela de s'intéresser à l'ensemble des circonstances de la cause tout en accordant si nécessaire, un poids important aux objectifs de la Convention.

Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
L'exercice du pouvoir discrétionnaire a causé des difficultés à la Cour d'appel notamment en ce qui concerne les éléments à prendre en compte et le poids qu'il convenait de leur accorder. 

Dans la première décision phare, Re S. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1993] Fam 242 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 87], la Cour d'appel estima que le pouvoir discrétionnaire de refuser le retour immédiat d'un enfant devait être exercé en tenant compte de l'approche globale de la Convention, c'est-à-dire de l'intérêt supérieur de l'enfant à être renvoyé, à moins que des circonstances exceptionnelles existent qui conduisent au refus.

Dans Re R. (Child Abduction: Acquiescence) [1995] 1 FLR 716 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 60], des opinions différentes furent défendues par deux des juges d'appel :

Le juge Balcombe L.J., favorable à une approche relativement flexible quant aux éléments de l'âge et de l'opposition,  défendit l'idée que certes l'importance  à accorder à l'opposition de l'enfant devait varier en fonction de son âge mais qu'en tout état de cause, les objectifs de la Convention devaient être un facteur primordial. 

Le juge Millet L.J., qui soutenait une approche plus stricte des conditions d'application de l'exception - âge et opposition - se prononça en faveur de l'idée que l'opposition de l'enfant devait prévaloir à moins que des éléments contraires, y compris les objectifs de la Convention, doivent primer.

Le troisième juge se rangea à l'opinion du juge Balcombe L.J.

Dans Re T. (Abduction: Child's Objections to Return) [2000] 2 FCR 159 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 270] le juge Ward L.J. suivit l'interprétation du juge Millett L.J.

Le raisonnement de Re. T fut ensuite implicitement suivi par un collège de juges autrement composé de la Cour d'appel :

Re J. (Children) (Abduction: Child's Objections to Return) [2004] EWCA CIV 428, [2004] 2 FLR 64 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 579]

Il fut toutefois rejeté dans l'affaire Zaffino v. Zaffino (Abduction: Children's Views) [2005] EWCA Civ 1012; [2006] 1 FLR 410 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 813].

La jurisprudence anglaise suit désormais l'approche du juge Balcombe L.J.

Dans Zaffino v. Zaffino, la cour estima qu'il convenait également de tirer les conséquences du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.  Cet intérêt militait en l'espèce en faveur du retour. 

Dans Vigreux v. Michel [2006] EWCA Civ 630, [2006] 2 FLR 1180 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 829] la Cour d'appel considéra comment ce pouvoir discrétionnaire devait s'appliquer dans les affaires régies par le Règlement de Bruxelles II bis. Elle estima que les buts et objectifs du Règlement devaient être pris en compte en plus des objectifs de la Convention. 

Dans Re M. (A Child) (Abduction: Child's Objections to Return) [2007] EWCA Civ 260, [2007] 2 FLR 72 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 901] la Cour suivit l'intérêt de l'enfant et refusa d'ordonner le retour de la fillette de 8 ans qui était en cause. La Cour sembla suivre le commentaire obiter exprimé dans Vigreux selon lequel la décision de ne pas ordonner le retour d'un enfant devait être liée à une dimension « exceptionnelle » du cas.

La dimension exceptionnelle fut discutée dans l'affaire Nyachowe v. Fielder [2007] EWCA Civ 1129, [Référence INCADAT : HC/E/UKe 964]. Une ordonnance de retour fut prononcée nonobstant l'opposition forte d'une enfant indépendante de 12 ans. En l'espèce le fait que le problème était apparu à l'occasion de vacances de 2 semaines fut un facteur déterminant.

Dans Re M. (Children) (Abduction: Rights of Custody) [2007] UKHL 55, [2008] 1 AC 1288 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 937] la Chambre des Lords affirma qu'il convenait de ne pas importer la notion de caractère exceptionnel dans le cadre de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ouvert par la Convention. Les circonstances dans lesquelles le retour peut être refusé sont elles-mêmes des exceptions au principe général, ce qui en soi est une dimension exceptionnelle suffisante. Il n'était ni nécessaire ni désirable d'exiger une dimension exceptionnelle supplémentaire.

Le juge Hale ajouta que lorsque la Convention ouvre la porte à un exercice discrétionnaire, ce pouvoir discrétionnaire était illimité. Dans les affaires relevant de l'article 13(2), il appartenait aux juges de considérer la nature et la force de l'opposition de l'enfant, dans quelle mesure cette opposition émane de l'enfant lui-même ou est influencée par le parent ravisseur, et enfin, dans quelle mesure cette opposition est dans le prolongement de l'intérêt supérieur de l'enfant et des objectifs généraux de la Convention. Plus l'enfant était âgé, plus son opposition devait en principe compter.

Nouvelle-Zélande
Les interprétations de Balcombe / Millett donnèrent lieu à des jugements contrastés de la High Court. Toutefois, la Cour d'appel s'exprima en faveur de l'approche de Balcombe dans :

White v. Northumberland [2006] NZFLR 1105 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 902].

Royaume-Uni - Écosse
P. v. S., 2002 FamLR 2 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 963

Dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'ordonner le retour, le juge de première instance avait observé que le retour devait être ordonné à moins que de bonnes raisons justifient qu'il soit fait exception à la Convention. Cette position fut approuvée par la cour d'appel, qui estima que l'existence des exceptions ne niait pas le principe général selon lequel les enfants victimes de déplacements illicites devaient être renvoyés.

Singh v. Singh 1998 SC 68 [Référence INCADAT : HC/E/UKs 197]

La Cour estima que le bien-être de l'enfant était un élément à prendre en compte dans le cadre de  l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Le juge ne devait pas se limiter à une simple considération de l'opposition de l'enfant et de ses raisons. Toutefois la Cour décida qu'aucune règle ne pouvait s'appliquer quant à la question de savoir si l'intérêt de l'enfant devait s'entendre de manière large ou faire l'objet d'une analyse détaillée ; cette question relevait du pouvoir discrétionnaire de la cour. 

Dans W. v. W. 2004 S.C. 63 IH (1 Div) [Référence INCADAT : HC/E/UKs 805], l'instance d'appel estima qu'il convenait de mettre en balance tous les éléments, l'un des éléments en faveur du retour étant l'esprit et l'objectif de la Convention de faire en sorte que la question de la garde soit tranchée dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant. 

États-Unis d'Amérique
De Silva v. Pitts, 481 F.3d 1279, (10th Cir. 2007), [Référence INCADAT : HC/E/USf 903

La Cour d'appel tint compte de l'opposition d'un enfant de 14 ans, tirant les conséquences de son intérêt supérieur mais non de l'objectif de la Convention.

France
Une juridiction d'appel modéra la force probante de l'opposition au motif que les enfants avaient vécu longuement avec le parent et sans contact avec le parent victime avant d'être entendus, observant également que les faits dénoncés par les enfants avaient par ailleurs été pris en compte par les autorités de l'État de la résidence habituelle:

CA Bordeaux, 19 janvier 2007, No 06/002739 [Référence INCADAT: HC/E/FR 947].