HC/E/LV 1234
Tribunal Europeo de Derechos Humanos (TEDH)
Australia
Letonia
26 November 2013
Definitiva
Convenio Europeo de Derechos Humanos (CEDH) | Convenio Europeo de Derechos Humanos (CEDH) | Cuestiones procesales
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Dans son opinion, le juge Pinto de Albuquerque a déclaré que les faits de l'espèce ne s'analysent pas en un enlèvement d'enfant puisque le père n'avait aucun droit parental avant que l'enfant ne quitte le territoire australien. Le père n'avait demandé, et obtenu, que des « droits de garde » après le déplacement de l'enfant.
Par conséquent, au moment du déplacement, la mère était de jure la seule personne investie de la responsabilité parentale, titulaire notamment des droits de garde sur l'enfant. Le juge a considéré que la décision australienne du 6 novembre 2008 ne pouvait être interprétée de manière à contourner la condition temporelle de l'article 3 a) de la Convention de La Haye ni à étayer rétroactivement une demande de retour par ailleurs infondée.
Droits de l'homme - art. 20
La Grande Chambre a jugé par 9 voix contre 8 qu'il y avait eu violation de l'article 8 de la CEDH. L'arrêt de la Grande Chambre a été soutenu par huit juges. Le 9e membre de la « majorité » a exprimé une opinion concordante dans laquelle il partageait le constat de violation de l'article 8 mais se dissociait des « principes énoncés par la majorité aux paragraphes 105-108 [qu'il estimait] équivoques, et de l'appréciation par elle des faits de l'espèce, [qu'il estimait] insuffisante ».
Huit juges ont émis une opinion dissidente, mais leur divergence de vue ne tenait pas aux principes généraux à appliquer aux affaires d'enlèvement d'enfants régies par la Convention de La Haye, sur lesquels ils étaient en plein accord avec les autres juges, mais à la question de savoir si les juridictions lettones avaient suffisamment respecté ces obligations procédurales.
Principes généraux:
La Grande Chambre a rappelé qu'en matière d'enlèvement international d'enfants, les obligations imposées aux États contractants par l'article 8 de la CEDH doivent être interprétées à la lumière des exigences de la Convention de La Haye de 1980, de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 et des règles et principes de droit international applicables aux relations entre les Parties contractantes.
Cette prise en compte des dispositions internationales ne doit pas entraîner d'opposition ou de confrontation entre les différents traités pour autant que la CourEDH puisse pleinement assurer la mission qui est la sienne, à savoir « assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties Contractantes » de la CEDH, en interprétant et en appliquant ses dispositions de manière à rendre ses garanties concrètes et effectives.
En cela, le point décisif consistait à savoir si le juste équilibre devant exister entre les intérêts concurrents en jeu - ceux de l'enfant, ceux des deux parents et ceux de l'ordre public - avait été ménagé, dans les limites de la marge d'appréciation dont jouissent les États en la matière, en tenant compte toutefois de ce que l'intérêt supérieur de l'enfant doit constituer la principale considération, les objectifs de prévention et de retour immédiat répondant à une conception déterminée de « l'intérêt supérieur de l'enfant ».
La Grande Chambre a relevé l'existence d'un large consensus autour de l'idée que l'intérêt supérieur des enfants doit primer dans toutes les décisions qui les concernent, cet intérêt supérieur étant associé, dans la Convention de La Haye, au rétablissement du statu quo. Celui-ci est assuré par une décision de retour immédiat dans le pays de résidence habituelle en cas de déplacement ou de non-retour illicite, sachant toutefois qu'un non-retour peut parfois s'avérer justifié par des raisons objectives qui correspondent à l'intérêt de l'enfant.
La Grande Chambre a affirmé que l'intérêt supérieur de l'enfant ne se confond pas avec celui du père ou de la mère, si ce n'est dans la mesure où ils partagent divers critères d'appréciation liés à la personnalité, au milieu social et à la situation de l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant ne saurait être appréhendé de la même façon selon que le juge est saisi d'une demande de retour en application de la Convention de La Haye ou d'une demande de décision au fond sur la garde ou l'autorité parentale.
La Grande Chambre a ensuite précisé que dans le cadre d'une demande de retour en vertu de la Convention de La Haye, l'intérêt supérieur de l'enfant doit s'apprécier à la lumière des exceptions prévues par la Convention de La Haye. La Grande Chambre a rappelé qu'elle n'entend pas substituer son appréciation à celle des juridictions nationales. Elle doit cependant s'assurer que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à prendre la mesure litigieuse a été équitable, qu'il a permis aux intéressés de faire valoir pleinement leurs droits et que l'intérêt supérieur de l'enfant a été respecté.
La Grande Chambre a reconnu qu'on a pu voir dans son arrêt rendu dans l'affaire Neulinger et Shuruk c. Suisse (Requête No 41615/07) [Référence INCADAT : HC/E 1323], une suggestion que les juridictions nationales doivent se livrer à un examen approfondi de l'ensemble de la situation familiale et de toute une série d'éléments. Toutefois, la Grande Chambre a précisé que son constat au paragraphe 139 de l'arrêt Neulinger et Shuruk ne pose en soi aucun principe pour l'application de la Convention de La Haye par les juridictions nationales.
Les huit juges dissidents ont précisé : « […] nous convenons en particulier que, malgré les indéniables conséquences que le retour de l'enfant peut avoir sur les droits de celui-ci et des parents, l'article 8 n'appelle pas un contrôle poussé, de la part des autorités judiciaires ou autres de l'État requis, de la situation familiale de l'enfant en question dans son ensemble ». En revanche, le juge Pinto de Albuquerque a conclu : « Justice pour les enfants, fût-elle sommaire et provisoire, ne peut être faite qu'au vu de l'ensemble des éléments très concrets du dossier, c'est-à-dire de la situation matérielle de chaque enfant dont il est question.
Seul un examen approfondi ou « effectif » de cette situation dans le cadre spécifique d'une demande de retour peut rendre une telle justice ». Il a en outre précisé que le juge du pays d'accueil ne peut être saisi que des questions touchant directement l'enlèvement de l'enfant soulevées par la demande de retour, et seulement si elles se rapportent à la décision à prendre de manière urgente et provisoire sur l'avenir proche de l'enfant. Voilà en quoi consistaient et en quoi consistent toujours les critères de l'arrêt Neulinger et Shuruk.
La Grande Chambre a déclaré que l'on peut parvenir à une interprétation harmonieuse de la CEDH et de la Convention de La Haye sous réserve que deux conditions soient réunies. Premièrement, les éléments susceptibles de constituer une exception au retour immédiat de l'enfant doivent être réellement pris en compte par le juge requis. Ce dernier doit dès lors rendre une décision suffisamment motivée pour permettre à la CourEDH de s'assurer que ces questions ont bien fait l'objet d'un examen effectif. Deuxièmement, ces éléments doivent être appréciés à la lumière de l'article 8 de la CEDH.
L'article 8 de la CEDH fait peser sur les autorités internes une obligation procédurale particulière ; dans le cadre de l'examen de la demande de retour de l'enfant, les juges doivent non seulement examiner des allégations défendables de « risque grave » pour l'enfant en cas de retour, mais également se prononcer à ce sujet par une décision spécialement motivée au vu des circonstances de l'espèce.
De même, les huit juges dissidents ont estimé que l'article 8 impose aux autorités nationales de l'État requis saisies d'un dossier sur le terrain de l'article 13(1)(b), d'examiner toute allégation défendable d'un « risque grave » auquel l'enfant serait exposé en cas de retour et, s'il est conclu que cette allégation n'est pas établie, de l'écarter par une décision suffisamment motivée. La Grande Chambre a affirmé que tant un refus de tenir compte d'objections au retour susceptibles de rentrer dans le champ d'application des exceptions, qu'une insuffisance de motivation de la décision rejetant de telles objections seraient contraires aux exigences de l'article 8 de la CEDH et au but et à l'objet de la Convention de La Haye.
La Grande Chambre a clairement indiqué que la prise en compte effective de telles allégations, attestée par une motivation non automatique et stéréotypée, mais suffisamment circonstanciée au regard des exceptions visées par la Convention de La Haye, est nécessaire. Elle a également relevé que les exceptions doivent être interprétées strictement. Elle a d'autre part ajouté que le préambule de la Convention de La Haye prévoyant le retour de l'enfant « dans l'État de résidence habituelle », les juridictions nationales doivent s'assurer que des garanties adéquates sont apportées de manière convaincante dans ce pays et, en cas de risque avéré, que des mesures de protection concrète y sont prises.
Dans son opinion, le juge Pinto de Albuquerque a déclaré que le bouleversement sociologique voulant que le ravisseur puisse être aussi bien la personne qui a la garde de l'enfant que celle qui ne l'a pas requiert, dans les affaires régies par la Convention de La Haye, un examen plus individualisé et attentif aux faits à la lumière d'une interprétation téléologique et évolutive des moyens offerts par la Convention.
Une lecture restrictive de ces moyens, reposant sur une présomption archaïque, unilatérale et trop simpliste en faveur du parent abandonné, faisant fi de la situation réelle de l'enfant et de sa famille et n'envisageant la conduite du parent ravisseur que sous l'angle de la « punition », irait à l'encontre du but ultime de la Convention de La Haye, surtout lorsque l'enfant est enlevé par la personne qui prend principalement soin de lui.
Cette interprétation de la Convention de La Haye serait contraire aux droits fondamentaux et en particulier aux droits tirés de l'article 8, de l'enfant enlevé concerné par une procédure de retour en vertu de la Convention de La Haye. Le juge a estimé que le respect de ces droits se confond indéniablement avec l'intérêt supérieur de l'enfant tout en rappelant qu'il ne faut pas méconnaitre le caractère urgent, sommaire et provisoire des voies de droit offertes par la Convention de La Haye.
Application aux faits:
Passant aux faits de l'espèce, la Grande Chambre (huit des juges de la majorité) a relevé que l'introduction de la demande de retour auprès des autorités lettones, la procédure interne et le retour de l'enfant en Australie sont intervenus en moins d'un an. En première instance et en appel, les juridictions lettones ont été unanimes quant à la suite à donner à la demande de retour présentée par le père.
En première instance, le Tribunal de l'arrondissement de Zemgale de la ville de Rīga a rejeté, de manière motivée, les objections de la mère au retour de l'enfant sur le fondement de l'article 13. La Grande Chambre a relevé que le Tribunal d'arrondissement avait examiné les pièces produites par les parties mais qu'il avait refusé de demander des informations aux autorités australiennes sur les condamnations antérieures du père.
La Grande Chambre a constaté qu'en appel, la mère avait produit de nouveaux éléments, à savoir un certificat établi à sa demande par un psychologue. Ce document indiquait que si le jeune âge de l'enfant l'empêchait de dire sa préférence sur son lieu de résidence, une séparation immédiate avec sa mère était à exclure en raison d'un risque de traumatisme psychologique. La Cour régionale de Riga a considéré que la conclusion de l'examen psychologique relevait du fond du droit de garde et ne pouvait donc servir de preuve pour statuer sur la question du retour.
La Grande Chambre a considéré que c'est au parent qui s'oppose au retour qu'il revient d'apporter un nombre suffisant d'éléments pour établir qu'il existe un risque grave de danger au sens de l'article 13(1)(b). Elle a précisé que cette exception ne peut être lue, au regard de l'article 8 de la CEDH, comme incluant l'intégralité des désagréments nécessairement liés à la situation vécue en cas de retour. L'exception ne vise que les situations qui vont au-delà de ce qu'un enfant peut raisonnablement supporter.
La mère avait rempli son obligation en produisant le certificat du psychologue concluant à l'existence d'un risque de traumatisme pour l'enfant s'il était immédiatement séparé de sa mère. Elle avait également fait valoir l'existence de condamnations pénales à l'encontre du père et invoqué des actes de maltraitance de sa part. La Grande Chambre a déclaré que dès lors, il appartenait aux juridictions lettones de procéder à des vérifications sérieuses permettant soit de confirmer, soit d'écarter l'existence d'un « risque grave ».
La Grande Chambre a considéré que le refus de la Cour régionale de Riga de prendre en compte l'allégation de la mère étayée par le rapport du psychologue était contraire à l'obligation procédurale imposée aux autorités lettones par l'article 8 de la CEDH, exigeant qu'une allégation défendable de « risque grave » fasse l'objet d'un examen effectif par les juridictions et que leurs constats soient exposés dans une décision motivée.
La Grande Chambre a ajouté que le fait que la mère ait demandé le rapport ne suffisait pas à dispenser les juges lettons de leur obligation de l'examiner effectivement. Par ailleurs, il aurait également fallu déterminer si la mère pouvait suivre sa fille en Australie et maintenir le contact avec elle.
La Grande Chambre a rappelé que si l'article 11 de la Convention de La Haye prévoit que les autorités doivent procéder d'urgence, cette obligation ne saurait les exonérer d'un examen effectif des allégations d'une partie fondées sur une des exceptions.
La Grande Chambre a considéré que la mère avait fait l'objet d'une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de la vie familiale, le processus décisionnel en droit interne n'ayant pas satisfait aux exigences procédurales inhérentes à l'article 8 de la CEDH faute pour la Cour régionale de Riga d'avoir effectivement examiné les allégations de la mère sur le terrain de l'article 13(1)(b) de la Convention de La Haye.
Opinion dissidente:
Les huit juges dissidents ont déclaré qu'ils ne pouvaient rejoindre la majorité sur le fait que la Cour d'appel lettone avait manqué à ses obligations procédurales découlant de l'article 8 parce qu'elle n'avait pas pris en compte l'allégation formulée par la mère de « risque grave » pour l'enfant en cas de retour en Australie, qui aurait été étayée par le certificat et par des témoignages. Ils ont considéré que l'opinion de la majorité ne rendait justice ni à la décision ni au raisonnement des juridictions lettones.
Les juges dissidents ont notamment relevé que la Cour d'appel lettone n'a pas refusé ni omis de prendre en compte le certificat. Au contraire, elle a souligné qu'il ne concernait que la question de la séparation de la mère et de l'enfant, question relevant du droit de garde qui devait être tranchée exclusivement par les juridictions australiennes. En outre, les allégations de la mère à l'encontre du père ont été écartées au motif qu'aucune pièce n'avait été produite pour établir, fût-ce indirectement, ces éléments.
Les juges dissidents ont rejeté l'opinion selon laquelle la Cour régionale aurait dû rechercher plus avant s'il était possible que la mère retourne en Australie avec l'enfant ou si en cas de retour de l'enfant, celui-ci aurait été inévitablement séparé de sa mère. Ils ont relevé que rien ne s'opposait juridiquement au droit de la mère de retourner en Australie. Rien dans l'arrêt de la Cour d'appel ne nuisait au droit de la mère de conserver la garde de l'enfant et de l'accompagner en Australie.
Il n'apparaissait pas qu'elle ait soutenu que pour des raisons de sécurité personnelle ou autres, elle ne pouvait en aucun cas envisager un retour en Australie. Les juges dissidents ont estimé que les allégations de la mère contre le père avaient été rejetées comme totalement infondées. Par ailleurs, rien ne permettait de douter de la qualité des prestations sociales et de la protection offertes aux enfants en Australie.
Les juges dissidents n'ont pas été convaincus par l'argument, implicite dans l'arrêt de la majorité, selon lequel les juridictions lettones auraient dû demander d'office davantage d'informations aux autorités australiennes sur le dossier pénal du père. Ils ont déclaré que dans une procédure relevant de l'article 13 de la Convention de La Haye, c'est à la partie opposant un « risque grave » en cas de retour de l'enfant qu'il revient d'en prouver l'existence.
Les juges dissidents ont conclu que si les motifs pour lesquels les juridictions lettones ont ordonné le retour étaient succincts, ils répondaient adéquatement aux arguments de la requérante et que l'examen des demandes formulées par celle-ci avait satisfait aux obligations procédurales que l'article 8 de la CEDH faisait peser sur eux.
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Par dix voix contre sept, la Cour a jugé que l'État défendeur devait verser 2 000 euros à la mère dans un délai de trois mois au titre des frais et dépens.
Auteur du résumé : Peter McEleavy
Voir aussi dans cette affaire l'arrêt de chambre du 13 décembre 2011 : Affaire X c. Lettonie (Requête No 27853/09) [Référence INCADAT: HC/E/ 1146].
La notion de « droit de garde implicite », laquelle permet à certaines parties non-gardiennes s'étant activement occupées d'enfants finalement déplacés ou retenus à l'étranger de faire utilement valoir une demande de retour sur le fondement de la Convention a vu le jour dans l'affaire Re B. (A Minor) (Abduction) [1994] 2 FLR 249 [Référence INCADAT :HC/E/UKe 4].
La notion a été réutilisée dans :
Re O. (Child Abduction : Custody Rights) [1997] 2 FLR 702, [1997] Fam Law 781 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 5];
Re G. (Abduction: Rights of Custody) [2002] 2 FLR 703 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 505].
Le concept de droit de garde implicite a également été discuté dans :
Re W. (Minors) (Abduction: Father's Rights) [1999] Fam 1 [Référence INCADAT : HC/E/Uke 503];
Re B. (A Minor) (Abduction: Father's Rights) [1999] Fam 1 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 504];
Re G. (Child Abduction) (Unmarried Father: Rights of Custody) [2002] EWHC 2219 (Fam); [2002] ALL ER (D) 79 (Nov), [2003] 1 FLR 252 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 506].
Dans une autre décision anglaise de première instance, Re J. (Abduction: Declaration of Wrongful Removal) [1999] 2 FLR 653 [Référence INCADAT : HC/E/UKe 265], la question s'était posée de savoir si ce concept était conforme à la décision de la Chambre des Lords dans l'affaire Re J. (A Minor) (Abduction: Custody Rights) [1990] 2 AC 562, [1990] 2 All ER 961, [1990] 2 FLR 450, sub nom C. v. S. (A Minor) (Abduction) [Référence INCADAT : HC/E/UKe 2]. Dans cette espèce, il fut considéré que la garde factuelle d'un enfant ne suffisait pas à représenter un véritable droit de garde au sens de la Convention.
Le concept de « droit de garde implicite » a été diversement accueilli à l'étranger.
Il a été bien accueilli dans la décision néo-zélandaise rendue en première instance dans l'affaire Anderson v. Paterson [2002] NZFLR 641 [Référence INCADAT : HC/E/NZ 471].
Toutefois, ce concept a été clairement rejeté par la majorité de la cour suprême irlandaise dans l'affaire H.I. v. M.G. [1999] 2 ILRM 1; [2000] 1 IR 110 [Référence INCADAT : HC/E/IE 284]. Keane J. a estimé que « ce serait aller trop loin que de considérer que de mystérieux droits de garde implicites non reconnus officiellement par le droit de l'État requérant à une juridiction ou une partie les invoquant puissent être regardés par les juridictions de l'État requis comme susceptible de bénéficier de la protection conventionnelle. » [Traduction du Bureau Permanent]
La Cour de justice de l'Union européenne a confirmé par la suite la position adoptée par les tribunaux irlandais:
Case C-400/10 PPU J. McB. v. L.E., [Référence INCADAT : HC/E/ 1104].
La Cour de justice a indiqué dans sa décision que l'attribution des droits de garde, qui en vertu de la législation nationale ne pouvaient être attribués à un père non marié, serait incompatible avec les exigences de sécurité juridique et la nécessité de protéger les droits et libertés des autres personnes impliquées, notamment ceux de la mère.
Cette formulation laisse ouverte la question du statut du droit de garde implicite dans un État membre de l'Union européenne lorsque ce concept a été intégré au droit national. C'est le cas du Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles), mais il convient de rappeler que conformément au Protocole (No 30) sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni (OJ C 115/313, 9 Mai 2008), la CJUE ne pourrait en aucun cas constater une incompatibilité du droit britannique vis-à-vis de la Charte.
Pour une critique de ce droit, voir : P. Beaumont. et P. McEleavy, The Hague Convention on International Child Abduction, Oxford, OUP, 1999, p. 60.
La question de la position à adopter dans les situations où le parent ravisseur est le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant, et qu'il menace de ne pas rentrer avec l'enfant dans l'État de résidence habituelle si une ordonnance de retour est rendue, est controversée.
De nombreux États contractants ont adopté une position très stricte au terme de laquelle le jeu de l'exception prévue à l'article 13(1)(b) n'a été retenu que dans des circonstances exceptionnelles quand l'argument tendant au non-retour de l'enfant était invoqué. Voir :
Autriche
4Ob1523/96, Oberster Gerichtshof [Référence INCADAT: HC/E/AT 561]
Canada
M.G. v. R.F., 2002 R.J.Q. 2132 [Référence INCADAT: HC/E/CA 762]
N.P. v. A.B.P., 1999 R.D.F. 38 [Référence INCADAT: HC/E/CA 764]
Dans cette affaire, les circonstances exceptionnelles ont résulté en une ordonnance de non-retour. La mère faisait face à une menace véritable qui lui faisait craindre légitimement pour sa sécurité si elle retournait en Israël. Elle avait été emmenée en Israël sous un faux prétexte, y avait été vendue à la mafia russe puis revendue au père, qui l'avait forcée à se prostituer. Elle avait alors été enfermée, battue par le père, violée et menacée. La mère était dans un réel état de peur, on ne pouvait attendre d'elle qu'elle retourne en Israël. Il aurait été complètement inapproprié de renvoyer l'enfant sans sa mère vers un père qui avait acheté et vendu des femmes, et dirigé des activités de prostitution.
Royaume-Uni - Angleterre et Pays de Galles
C. v. C. (Minor: Abduction: Rights of Custody Abroad) [1989] 1 WLR 654 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 34]
Re C. (Abduction: Grave Risk of Psychological Harm) [1999] 1 FLR 1145 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 269]
Toutefois, dans un jugement plus récent rendu par une Cour d'appel anglaise, la position adoptée en 1989 dans l'affaire C. v. C. fut précisée. Voir :
Re S. (A Child) (Abduction: Grave Risk of Harm) [2002] 3 FCR 43, [2002] EWCA Civ 908 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 469]
Dans cette affaire, il fut décidé que le refus de la mère de retourner dans l'État où l'enfant avait sa résidence habituelle était susceptible de déclencher le jeu de l'exception en ce qu'il n'était pas imputable à un comportement excessif mais à une maladie dont elle souffrait. Il convient de noter qu'une ordonnance de retour fut malgré tout rendue. On peut également mentionner à ce sujet les décisions de la Cour Suprême du Royaume-Uni dans Re E. (Children) (Abduction: Custody Appeal) [2011] UKSC 27, [2012] 1 A.C. 144 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 1068] et Re S. (A Child) (Abduction: Rights of Custody) [2012] UKSC 10, [2012] 2 A.C. 257 [Référence INCADAT: HC/E/UKe 1147]. Dans cette dernière affaire, il fut accepté que les angoisses d'une mère concernant son retour satisfaisaient le niveau de risque requis à l'article 13(1)(b) et justifiaient le jeu de cette exception quoiqu'elles n'étaient pas fondées sur un risque objectif. L'ampleur de ces angoisses était telle qu'elles lui auraient probablement causé des difficultés à assumer normalement son rôle de parent en cas de retour, au point de rendre la situation de l'enfant intolérable.
Allemagne
Oberlandesgericht Dresden, 10 UF 753/01, 21 January 2002 [Référence INCADAT: HC/E/DE 486]
Oberlandesgericht Köln, 21 UF 70/01, 12 April 2001 [Référence INCADAT: HC/E/DE 491]
Auparavant, une position beaucoup plus libérale avait été adoptée :
Oberlandesgericht Stuttgart, 17 UF 260/98, 25 November 1998 [Référence INCADAT: HC/E/DE 323]
Suisse
5P_71/2003/min, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 27 mars 2003 [Référence INCADAT: HC/E/CH 788]
5P_65/2002/bnm, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 11 avril 2002 [Référence INCADAT: HC/E/CH 789]
5P_367/2005/ast, II. Zivilabteilung, arrêt du TF du 15 novembre 2005 [Référence INCADAT: HC/E/CH 841]
5A_285/2007/frs, IIe Cour de droit civil, arrêt du TF du 16 août 2007 [Référence INCADAT: HC/E/CH 955]
5A_479/2012, IIe Cour de droit civil, arrêt du TF du 13 juillet 2012 [Référence INCADAT: HC/E/CH 1179]
Nouvelle-Zélande
K.S. v. L.S. [2003] 3 NZLR 837 [Référence INCADAT: HC/E/NZ 770]
Royaume-Uni - Écosse
McCarthy v. McCarthy [1994] SLT 743 [Référence INCADAT: HC/E/UKs 26]
Etats-Unis d'Amérique
Panazatou v. Pantazatos, No. FA 96071351S (Conn. Super. Ct., 1997) [Référence INCADAT: HC/E/USs 97]
Dans d'autres États contractants, la position adoptée quant aux arguments tendant au non-retour de l'enfant a varié :
Australie
En Australie, la jurisprudence ancienne témoigne d'une position initialement très stricte. Voir :
Director-General Department of Families, Youth and Community Care and Hobbs, 24 September 1999, Family Court of Australia (Brisbane) [Référence INCADAT: HC/E/AU 294]
Director General of the Department of Family and Community Services v. Davis (1990) FLC 92-182 [Référence INCADAT: HC/E/AU 293]
Dans l'affaire State Central Authority v. Ardito, 20 October 1997 [Référence INCADAT: HC/E/AU 283], le Tribunal de Melbourne avait estimé qu'il y avait bien un risque grave de danger alors que la mère refusait de rentrer avec l'enfant. En l'espèce, toutefois, la mère ne pouvait pas retourner aux États-Unis, État de résidence habituelle de l'enfant, car les autorités de ce pays lui refusaient l'entrée sur le territoire.
Plus récemment, suite à la décision de la Cour suprême qui avait été saisie des appels joints dans D.P. v. Commonwealth Central Authority; J.L.M. v. Director-General, NSW Department of Community Services [2001] HCA 39, (2001) 180 ALR 402 [Référence INCADAT: HC/E/AU 346, 347], les tribunaux ont accordé une attention plus particulière à la situation à laquelle l'enfant allait devoir faire face après son retour.
Pour une illustration de ce phénomène dans une affaire où le parent ayant la responsabilité principale de l'enfant refusait de rentrer avec lui dans l'État de sa résidence habituelle, voir : Director General, Department of Families v. RSP. [2003] FamCA 623 [Référence INCADAT: HC/E/AU 544].
France
Dans la jurisprudence française, l'interprétation permissive de l'article 13(1)(b) qui prévalait initialement a été remplacée par une interprétation beaucoup plus stricte. Pour une illustration de l'interprétation permissive initiale. Voir :
Cass. Civ 1ère 12. 7. 1994, S. c. S.. See Rev. Crit. 84 (1995), p. 96 note H. Muir Watt; JCP 1996 IV 64 note Bosse-Platière, Defrénois 1995, art. 36024, note J. Massip [Référence INCADAT: HC/E/FR 103]
Cass. Civ 1ère, 22 juin 1999, No de RG 98-17902 [Référence INCADAT: HC/E/FR 498]
et pour une illustration de l'interprétation plus stricte, voir :
Cass Civ 1ère, 25 janvier 2005, No de RG 02-17411 [Référence INCADAT: HC/E/FR 708]
CA Agen, 1 décembre 2011, No de RG 11/01437 [Référence INCADAT: HC/E/FR 1172]
Israël
Il existe dans la jurisprudence israélienne des exemples contrastés du traitement des exceptions au retour :
Civil Appeal 4391/96 Ro v. Ro [Référence INCADAT: HC/E/IL 832] contrastant avec :
Family Appeal 621/04 D.Y v. D.R [Référence INCADAT: HC/E/IL 833]
Pologne
Decision of the Supreme Court, 7 October 1998, I CKN 745/98 [Référence INCADAT: HC/E/PL 700]
La Cour Suprême nota qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant de la priver des soins de sa mère, si celle-ci décidait de rester en Pologne. La Cour affirma cependant que si l'enfant devait rester en Pologne, il serait tout autant contraire à son intérêt d'être privée des soins de son père. Tenant compte de ces considérations, la Cour conclut qu'il ne pouvait pas être présumé qu'ordonner le retour de l'enfant la placerait dans une situation intolérable.
Decision of the Supreme Court, 1 December 1999, I CKN 992/99 [Référence INCADAT: HC/E/PL 701]
La Cour suprême précisa que l'argument fréquemment avancé de la potentielle séparation entre l'enfant et le parent ravisseur ne justifiait pas, en principe, le jeu de l'exception. La Cour jugea qu'en l'absence d'obstacles objectifs au retour du parent ravisseur, on pouvait présumer que celui-ci accordait plus de valeur à ses propres intérêts qu'à ceux de l'enfant.
La Cour ajouta que la crainte pour le parent ravisseur de voir sa responsabilité pénale engagée ne constituait pas un obstacle objectif au retour, puisque celui-ci aurait dû avoir conscience des conséquences de ses actions. La situation était cependant plus compliquée s'agissant des nourrissons. La Cour estima que le lien spécial unissant la mère et le nourrisson ne rendait la séparation possible qu'en cas exceptionnel, et ce même en l'absence d'obstacle objectif au retour de la mère dans l'État de résidence habituelle. La Cour jugea que lorsque la mère d'un nourrisson refusait de revenir avec lui, quelles qu'en soient les raisons, alors le retour devait être refusé sur la base de l'article 13(1)(b). D'après les faits de l'espèce, le retour avait été ordonné.
Uruguay
Solicitud conforme al Convenio de La Haya sobre los Aspectos Civiles de la Sustracción Internacional de Menores - Casación, IUE 9999-68/2010 [Référence INCADAT: HC/E/UY 1185]
Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH)
Il existe des décisions de la CourEDH adoptant une position stricte relativement à la compatibilité des exceptions de la Convention de La Haye avec la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Dans certaines de ces affaires, des arguments relatifs à l'exception pour risque grave étaient considérés, y compris lorsque le parent ravisseur indiquait son refus d'accompagner le retour de l'enfant. Voir :
Ilker Ensar Uyanık c. Turquie (Application No 60328/09) [Référence INCADAT: HC/E/ 1169]
Dans cette affaire, la CourEDH confirma un recours du père à qui l'enfant avait été enlevé selon lequel les juridictions turques avaient commis une violation de l'article 8 de la CEDH en refusant d'ordonner le retour de son enfant. La CourEDH jugea que, bien que le très jeune âge d'un enfant soit un critère à prendre en compte dans la détermination de son intérêt, cela ne constituait pas en soi, selon les exigences de la Convention de La Haye, un motif suffisant pour justifier le rejet d'une demande de retour.
Il a parfois été fait recours à des témoignages d'expert afin de faciliter l'évaluation des conséquences potentielles de la séparation entre l'enfant et le parent ravisseur. Voir :
Maumousseau and Washington v. France (Application No 39388/05) of 6 December 2007 [Référence INCADAT: HC/E/ 942]
Lipowsky and McCormack v. Germany (Application No 26755/10) of 18 January 2011 [Référence INCADAT: HC/E/ 1201]
MR and LR v. Estonia (Application No 13420/12) of 15 May 2012 [Référence INCADAT: HC/E/ 1177]
Cependant, il faut également noter que, depuis la décision de la Grande Chambre dans l'affaire Neulinger et Shuruk c Suisse, il est des exemples où une approche moins stricte est suivie. Dans le contexte d'une demande de retour, ce dernier jugement avait placé l'accent sur l'intérêt supérieur de l'enfant enlevé et sur le fait de vérifier que les autorités nationales compétentes avaient conduit un examen détaillé de la situation familiale dans son ensemble ainsi qu'une appréciation équilibrée et raisonnable de tous les intérêts en jeu. Voir :
Neulinger and Shuruk v. Switzerland (Application No 41615/07), Grand Chamber, of 6 July 2010 [Référence INCADAT: HC/E/ 1323]
X. v. Latvia (Application No 27853/09) of 13 December 2011 [Référence INCADAT: HC/E/ 1146]; et décision de la Grand Chamber X. v. Latvia (Application No 27853/09), Grand Chamber [Référence INCADAT: HC/E/ 1234]
B. v. Belgium (Application No 4320/11) of 10 July 2012 [Référence INCADAT: HC/E/ 1171]
Dans cette affaire, la CourEDH estima à la majorité que le retour d'un enfant aux Etats-Unis d'Amérique entrainerait une violation de l'article 8 de la CEDH. Il fut jugé que le processus de prise de décision de la Cour d'appel belge, en ce qui concerne l'article 13(1)(b), n'avait pas satisfait aux exigences procédurales posées par l'article 8 de la CEDH. Les deux juges dissidents notèrent cependant que le danger visé par l'article 13 ne saurait résulter de la seule séparation de l'enfant et du parent ravisseur.
(Auteur: Peter McEleavy, avril 2013)
Résumé INCADAT en cours de préparation.